Triumph Tiger 1200 Xca 2018 : Aventures alpines en tout confort

Par David BoothPublié le

Étonnant tout ce qu’on peut découvrir quand on se promène en moto en Europe! Par exemple, en roulant sur une Triumph Tiger 1200 Xca 2018 en Allemagne, vous pourriez réaliser que le tout nouveau régulateur de vitesse de la machine anglaise est limité à 160 km/h. On est tenté de conclure que ce chiffre, qui correspond à 100 mi/h, représente une limite psychologique que la bienséance britannique ne permet pas de dépasser. Ou les Anglais seraient-ils juste un peu peureux?…

En Italie, il y a des rongeurs suicidaires. Par exemple, lorsque se présente un prédateur sur deux roues comme la Tiger 1200, au lieu de fuir, les hérissons italiens se lancent dans une course effrénée. Peine perdue, bien sûr, contre les 139 chevaux de la Triumph, mais ils tentent leur chance jusqu’à l’épuisement, ou jusqu’à ce qu’une bifurcation incontrôlée de leur trajet ne mette un terme définitif à leur folle tentative. Leurs cousins suisses, qui paraissent pourtant identiques à l’œil nu, se comportent très différemment : ils traversent la route à 90 degrés en courant; ça doit être l’influence germanique.

Quant aux conducteurs suisses, ce sont tout simplement les pires du continent. Ce qui s’explique probablement par le fait qu’ils sont affligés par des limites de vitesse trop restrictives. Non seulement la vitesse maximale est de 120 km/h sur les autoroutes – aussi bien dire qu’on roule dans un stationnement comparativement à la folie des autobahn juste au nord –, mais en plus les policiers la font respecter avec zèle. Résultat : tout comme au Québec, les conducteurs roulent nonchalamment dans la voie de dépassement (ce qui constitue un geste extrêmement déplacé partout ailleurs en Europe), ils freinent pour des raisons qui semblent aléatoires et ils expriment ouvertement leur mécontentement lorsque vous vous faufilez dans le trafic (en Italie, au contraire, les conducteurs se déplacent dès qu’ils vous aperçoivent pour vous donner une chance). Bref, pour voir à quel point les limites de vitesse peu élevées encouragent la conduite laxiste, vous n’avez qu’à traverser la frontière entre l’Allemagne et la Suisse.

Cela dit, dès qu’on roule un peu dans les Alpes – suisses, italiennes ou autrichiennes –, on réalise que les motos d’aventure y sont comme à la maison. Bien sûr, ces machines ont été créées à l’origine pour le fameux rallye Paris-Dakar et il est vrai qu’elles offrent aujourd’hui encore des aptitudes hors route. Mais c’est dans les cols de montagne alpins qu’elles expriment leur véritable raison d’être. Le col du Stelvio, qui se termine à Bormio, est le plus célèbre, et il attire des pilotes du monde entier. Tous les jours, même par un mardi matin pluvieux, vous trouverez au moins une centaine de motocyclistes qui placotent et prennent un café au sommet. Et de ce nombre, au moins la moitié – probablement même les deux tiers – seront montés au guidon d’une moto de tourisme d’aventure au sens large du terme.

Les motos d’aventure ont de nombreuses qualités pour les routes en lacets et les virages serrés. Par exemple, elles sont assez légères et maniables pour qu’on les balance rapidement d’un virage à l’autre (les Panigale et R1 à guidon bracelet sont certainement rapides, mais elles ne se trouvent pas dans leur élément au milieu des tournanti ultra serrés qui se prennent en première vitesse). Les motos d’aventure s’avèrent également assez confortables pour vous amener sans courbatures jusqu’à ces routes en lacets tant recherchées (grâce à leur position de conduite héritée des machines hors route). Elles offrent également un bon côté fonctionnel qui vous permet de faire monter votre conjoint ou conjointe à l’arrière, et de prendre ses bagages. En réalité, les motos d’aventure ressemblent à des motos de tourisme sportif.

 

La Tiger 1200 renouvelée pour 2018 répond certainement à cette description. Elle a toujours été confortable pour le tourisme : ma blonde et moi avons énormément apprécié la génération précédente lors de notre virée en Californie en 2016. Avec la déclinaison 2018, Triumph a corrigé la plupart des petits défauts, ajouté une pelletée de caractéristiques high-tech qui se sont avérées étonnamment utiles à l’usage, et amélioré la livraison de puissance.

Sur papier, le tricylindre de 1215 cc affiche toujours 139 ch et un couple de 90 lb-pi, mais on a l’impression que cette puissance se montre plus facilement disponible. Cela s’explique sans doute notamment par le nouveau volant plus léger et par le système d’alimentation (ça n’était pas le point fort de Triumph pendant plusieurs années) qui a été amélioré pour rendre la réponse de l’accélérateur plus précise et très linéaire, même à bas régime. Quoi qu’il en soit, le gros tricylindre se comporte comme un moteur électrique géant et il propulse la Tiger et ses 242 kg avec une grande facilité, même dans les montées les plus à pic des cols européens. En solo, je pouvais m’amuser avec les KTM Super Duke, du moins entre les virages en épingle.

Dans les virages en question, le gros tigre était passablement d’attaque aussi. Sélectionnez le mode Sport, mettez la suspension semi-active WP à ajustement électronique (TSAS) à sa position la plus ferme et la Xca enfile les courbes avec précision. Avec 242 kg et une roue avant de 19 pouces qui ralentit un peu la direction, il faut y mettre quelques efforts, mais la Triumph se laisse bousculer avec entrain.

En duo et avec une pleine charge de bagages, toutefois, la Tiger vous fait sentir son poids de façon plus insistante. En fait, c’est surtout le centre de gravité relativement élevé que l’on ressent alors. Ce brillant tricylindre est assez haut et la selle du passager s’avère l’une des plus haut perchées de l’industrie. Ces deux facteurs s’additionnent pour rendre la 1200 un peu versante à basse vitesse (comme dans les enchaînements de virages très serrés dont nous parlions plus tôt). J’aurais aimé pouvoir augmenter la précharge du ressort arrière pour réduire l’angle de la fourche, mais la suspension semi-active est dotée d’un système de nivellement automatique qui garde la moto toujours bien horizontale. En soi, le système est excellent : pas besoin de corriger manuellement la précharge, ni même de jouer avec des ajustements électroniques. Par contre, c’est dommage de ne pas pouvoir obtenir une direction plus rapide quand on en a vraiment besoin, comme lorsqu’il fallut négocier les 48 virages en épingle de la face nord du Stelvio.

Cela dit, la Tiger 1200 2018 tient mieux la route que le modèle précédent, notamment grâce à une réduction de poids d’une dizaine de kilos. De plus, il faut préciser que la lenteur de la direction dans les virages très serrés ne représentera pas un problème pour 99 % des pilotes nord-américains. En effet, sur notre continent, la seule route aussi sinueuse que celles des cols alpins est la fameuse Tail of the Dragon, et on n’y va pas tous les jours… Avec ses routes tout aussi serpentines (mais des virages un peu plus dégagés), le col du Julier, en Suisse, ressemble plus à nos routes en lacets, et la Tiger s’y comportait avec brio. Ajoutons que la Tiger est également dotée de nouveaux freins. Les étriers Brembo monoblocs à quatre pistons, avec disques flottants de 305 mm à l’avant, s’avèrent impeccables. De plus, le nouveau système ABS avec module de mesure de l’inertie était parfait pour maintenir les freins appliqués profondément dans les virages en épingle.

Plus important encore pour nous, Nord-Américains : la nouvelle Tiger est encore plus confortable que l’ancienne. Une partie de ce gain provient de la suspension avec son amortissement facilement ajustable sur une grande plage, de très souple à très sportivement ferme. Déjà confortable, la selle a également été améliorée et l’élévation du guidon crée une position de conduite idéale. Les selles du pilote et du passager sont chauffantes sur la Xca, de même que les poignées (avec interrupteur au guidon facilement accessible). La selle du pilote est ajustable sur 20 mm (pour une hauteur de 835 à 855 mm). Sur une des versions XR à penchant plus routier, la hauteur de la selle se voit nettement réduite – à 810 mm – et on peut même l’abaisser jusqu’à 790 mm.

Mais ce qui différencie surtout cette génération de l’ancienne, c’est le nouveau pare-brise. Sur la Xca, il se trouve un peu plus grand que celui des XR et XC de base, il se montre aérodynamiquement efficace et il est doté d’un système d’ajustement électrique. Même dans sa position la plus basse, il offre une excellente protection; en position élevée, il élimine pratiquement toute la pression du vent et toutes les turbulences, du moins pour quelqu’un de ma grandeur (6 pi). En fait, c’est la première fois que je ne me précipiterais pas pour remplacer le pare-brise de série d’une moto de tourisme d’aventure.

Contrairement aux autres motos avec pare-brise à ajustement électrique, le bouton de contrôle n’est pas au guidon; il faut plutôt passer par la nouvelle interface électronique. Je sais, ça n’a pas l’air rassurant… mais en pratique, le système est extrêmement simple à utiliser. Un interrupteur à bascule à quatre directions permet de choisir le menu, puis de sélectionner un sous-menu en un clin d’oeil. L’écran couleur TFT de 5 po est doté d’un système d’ajustement automatique du contraste en fonction de l’éclairage ambiant et il se montre suffisamment lumineux en tout temps, sauf si un soleil particulièrement intense plombe directement sur l’écran. Le même interrupteur à bascule permet aussi d’ajuster la suspension et les modes de conduite (sur la Xca, il y en a six, incluant un mode Hors-route Pro qui désactive complètement l’antipatinage et l’ABS). Merci, Triumph, d’avoir conçu un système de contrôle numérique aussi simple.

Les valises rigides en aluminium – fabriquées par Givi – offertes en option pour la Tiger constituent un autre gros point positif. Les valises latérales ont une capacité de 37 litres (Givi fabrique également des modèles de 48 litres qui semblent utiliser le même système de fixation, mais elles sont réellement énormes). La valise centrale affiche 42 litres. En plus d’être costaudes, les valises sont faciles à utiliser et on peut les verrouiller et déverrouiller avec une clé intégrée à la clé électronique.

Comme la plupart des produits Givi, les valises sont faciles à retirer et à remettre en place. Les trois sont munies d’une profusion d’ancrages pour attacher des bagages supplémentaires avec des élastiques, et une foule d’accessoires sont offerts : sacs de transport souples qui reprennent la forme intérieure des valises, filets pour créer des divisions, et même des petits sacs externes conçus pour s’attacher aux couvercles. Seul défaut des valises : elles sont à l’épreuve de l’eau, mais pas absolument étanches. Lors d’une pluie diluvienne, il y a eu un peu d’infiltration; lors de pluies normales, tout est resté bien au sec.

La plupart des automobiles, et de plus en plus de motos, sont dotées d’une clé électronique. Celle de la Tiger est conçue pour fonctionner dans un rayon d’environ un mètre pour éviter qu’un voleur puisse partir avec votre précieuse machine si vous avez laissé la clé dans le salon. Même le verrou de fourche est commandé électroniquement. Au début, j’étais un peu sceptique devant tant de modernisme, mais j’y ai vite pris goût. Par contre, je ne sais pas ce qui se passe si on perd la clé; dans le monde de l’automobile, en obtenir une nouvelle n’est pas toujours une mince affaire.

Avec toutes ces caractéristiques et son moteur très réussi, la nouvelle Tiger 1200 représente une excellente machine de tourisme d’aventure – avec accent sur le tourisme – pour ceux qui veulent additionner les kilomètres en tout confort. Somme toute, il y a seulement deux choses que je changerais sur cette moto : la première est relativement simple, l’autre ne serait possible que lors d’une prochaine révision.

J’ai parlé plus tôt du système de nivellement automatique qui contrôle la précharge du ressort arrière; j’aimerais qu’on puisse le désactiver au besoin et calibrer soi-même la hauteur. Triumph pourrait probablement réaliser ce changement par une simple modification du logiciel de contrôle.

Mon autre modification consisterait à rendre le tricylindre plus compact, principalement dans le sens de la hauteur, afin d’abaisser le centre de gravité. On pourrait, par exemple, augmenter l’alésage et réduire la course. Plus complexe, on pourrait opter pour la lubrification à carter sec, ou pour un système semblable à l’Unicam de Honda, avec simple arbre à cames en tête, qui permet d’éliminer du poids en hauteur (c’est précisément pour cette raison qu’on l’utilise sur la CRF1000 Africa Twin).

Sinon, je n’ai pas d’autres améliorations à suggérer pour la nouvelle Tiger. J’imagine qu’on pourrait aussi souhaiter un prix légèrement plus bas : le Xca, le modèle le plus élevé de la gamme, est affiché à 23 750 $. Ajoutez 2 310 $ pour les valises en aluminium et 340 $ pour le dispositif de surveillance de la pression des pneus (un bon investissement) et vous frisez le cap des 27 000 $. Cela dit, la Tiger 1200 Xca est la machine de tourisme d’aventure la plus confortable que j’aie jamais pilotée et elle vaut amplement son prix.

 Précision de l’auteur : Vous aurez peut-être remarqué que même si la Xca est la version « hors route » de la nouvelle Tiger (avec roues à rayon et poids réduit), je n’ai pas fait mention de ses performances en dehors des routes asphaltées. C’est parce que : a) il n’y a pas beaucoup de « trails » dans les Alpes suisses et italiennes, et b) honnêtement, je n’ai jamais eu tellement envie de faire du motocross avec une machine de 600 lb. Par contre, en solo et sans valise arrière, la Xca était tout à fait à l’aise sur les routes de gravier et les quelques chemins de terre où je me suis « aventuré ». Le seul commentaire pertinent que je peux faire est donc de souligner que la suspension améliorée et la réduction de poids la rendent un peu plus vive que l’ancien modèle quand on quitte l’asphalte.

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