Le Racer: Lettre à Jorge

Par Guy CaronPublié le

¿Hola Jorge, com estàs? Je passe au français, car mon catalan n’est pas très bon, tout comme mon espagnol d’ailleurs! Je me débrouille, mais bon! Je t’écris ceci après ta course aux Pays-Bas. Une treizième place au TT d’Assen, ton pire résultat en carrière et ta pire course à vie de ton propre aveu. Pour un coureur, ce n’est pas facile d’admettre que tu ne pilotais pas au niveau dont tu es capable… et encore moins pour un champion qui a fait ses preuves! « Oui, Monsieur le journaliste, j’ai été poche aujourd’hui, j’ai déçu mes fans et toute mon équipe. Il faut que je le refasse en anglais pour la télé maintenant? Maleïda xerraire! » Pour toi, couronné deux fois en MotoGP et deux fois en 250 cc, ça doit être encore plus lourd, surtout que tout ça se passe dans l’ombre du phénomène Marquez. Dans l’atmosphère raréfiée tout en haut de cette pyramide de talents où tu évolues, il n’y a que quelques places et ça joue du coude. En 2008, il y avait Rossi, Stoner et Pedrosa quand tu es arrivé dans la grande classe. Tu te souviens que tu t’es qualifié premier et que tu as fini deuxième derrière Stoner au Qatar pour ta toute première course en MotoGP? Oui, tu peux revivre le moment et sourire. Tu connais sans doute le dicton qui dit qu’un pilote est aussi bon que sa dernière course. C’est toujours vrai mais jusqu’à un certain point. Il y a plus que ça dans la vie et notre passé nous appartient. Qui suis-je pour te raconter tout ça? Juste un ex-coureur comme il y en a beaucoup. J’ai réussi à tailler ma place en moto sur glace. Dix ans à rouler dans les Pros au Championnat canadien avec quelques titres pour en témoigner. Ta course d’Assen m’a ramené en arrière jusqu’au souvenir de ce qui fut ma pire course. En 1999, je venais de faire le saut en quatre temps avec une YZ400F presque d’origine, car mon budget était très serré. Seulement les suspensions adaptées, un échappement EVO, un filtre à air haut débit et les calibrations de carburateur pour l’essence de course. Un gain de 10 kilos et une perte de presque 10 chevaux sur mes deux temps précédentes! Et sans oublier que tout le travail de développement des pneus était à faire pour ces nouvelles machines. Sur certains circuits, je tirais mon épingle du jeu en jouant de finesse et en appliquant ma technique développée en 125 cc. Je dois te dire qu’en 125, j’ai remporté toutes mes courses dans le Pro sauf trois. Sur sept saisons complètes. Ma toute première course Pro s’est déroulée en 1995 à Saint-Jean-Port-Joli en Coupe Canada où j’ai gagné devant celui qui était déjà une légende à cette époque : Marcel Fournier. Avec la 400 je devais garder ma vitesse en courbe, car l’accélération n’était pas à la hauteur. Un plan passablement efficace jusqu’à la ronde de Repentigny. Ce circuit à l’intérieur de la marina était pratiquement deux lignes droites unies par deux demi-tours; du stop and go dans le jargon. En 1999, je n’étais pas au sommet de ma forme  non plus et à cette course, j’étais à mon plus bas physiquement. Après la grande finale, lorsque je suis retourné à mon camion cube en sortant de piste, j’ai demandé à rester seul. Et j’ai pleuré. Passer d’aspirant pour le podium à être un retardataire qui se fait prendre un tour en course était plus que je ne pouvais en supporter. À cet instant, j’étais à un cheveu de tout laisser tomber. Le lendemain, j’ai décidé de terminer la saison. À la dernière ronde à Val-d’Or, j’ai fait une belle course. Marcel et moi, on s’est poussés devant le peloton, il m’a eu par une demi-longueur au fil d’arrivée, j’ai fini deuxième, mais surtout, j’ai pris mon pied! Le lendemain, j’ai dû m’arrêter à l’hôpital, car ma médication était plutôt destinée à un patient plus sédentaire. Même cela ne m’a pas enlevé ce sentiment d’être à la bonne place dans ce monde pour faire ce que j’aime le plus. Un changement de médecin et un peu d’effort m’amenèrent à reprendre en début de saison 2000 avec une victoire écrasante à Sorel en 250 (où les 426 cc quatre temps étaient permises). À mi-course, j’avais un droit d’avance sur le peloton et je n’ai eu qu’à gérer jusqu’au damier. Le Championnat 2000 fut très chaud; Marcel, Pascal Picotte et moi avons été les trois extraterrestres de la glace cette saison! Je me suis concentré sur le 250 et à la dernière course à Val-d’Or, j’ai encore terminé deuxième par une demi-longueur après m’être échangé la tête une douzaine de fois avec Picotte. J’ai perdu cette course, mais je gagnais quand même le titre sur lui par un tout petit point! 

Il y a beaucoup de choses qui ont changé autour de toi et en toi depuis l’hiver dernier, Jorge, mais tu sais bien qu’au fond de toi, il y a ce qu’il faut pour briller. Un vrai champion, n’oublie jamais ça! Tu vas revenir plus fort après ces moments difficiles. Et puis Brigitte retrouvera le sourire! C’est sa TZ125 sur la photo avec ma tête… une vraie fan du 99! 

Adios!

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