Éternelle Gaspésie!

Par Texte et photos par Pierre René de Cotret Publié le

IL Y A LES ROUTES ET LA MER, MAIS IL Y A AUSSI LES GENS ET LES CHANSONS…

La première fois que je suis allé en Gaspésie, c’était avec ma troupe scoute. J’avais 14 ans. Nous avions fait le tour de la péninsule en autobus. Je me souviens que notre chauffeur s’appelait Gilles parce que nous avions adapté pour lui la chanson Chevaliers de la Table ronde, en remplaçant Ici gît par Ici Gilles. Ce qui donnait Sur ma tombe, je veux qu’on inscrive : Ici Gilles le roi des buveurs. Ici Gilles, oui oui oui! Ici Gilles non non non! Ici Gilles, le roi des buveurs…! On se trouvait très drôles. Gilles aussi, je crois…

Mais mon souvenir le plus précis de ce voyage de jeunesse, plus encore que les paysages et la couleur de l’océan, ce sont les vendeurs dans des petits kiosques au bord de la route. Gilles nous y a fait arrêter plusieurs fois. Des hommes, souriants, mais qui semblaient pauvres à mes yeux d’enfant, vendaient des petits bateaux de bois, avec même les voiles en bois. Les femmes, tout aussi avenantes, vendaient de grosses miches de pain de ménage cuites sur place dans un four en pierre. Nous en avons acheté quelques fois; on faisait circuler le pain tout chaud d’un bout à l’autre de l’autobus en arrachant des gros morceaux qui embaumaient l’autobus. Puis on faisait une autre petite chanson à Gilles pour le remercier…

Je me souviens aussi du quai de Percé avec les pêcheurs qui déchargeaient la morue. Et du rocher, bien sûr. Cette aventure en autobus a semé en moi le goût du voyage et de la découverte.

La deuxième fois que je suis allé en Gaspésie, c’était quelques années plus tard, en moto. J’ai attaché tant bien que mal un vieux sac à dos à l’arrière de la selle de ma Honda MT250 à moteur deux-temps, et je suis parti de Trois-Rivières à l’improviste… Comme je n’avais pas de tente avec moi, ni d’argent pour me payer l’hébergement, je demandais l’hospitalité. Je choisissais une maison derrière laquelle il y avait des bâtiments de ferme, j’allais sonner à la porte et je demandais si je pouvais passer la nuit dans la grange… Et les gens acceptaient! Quand j’allais les remercier le matin avant de reprendre la route, avec de la paille encore dans les cheveux, ils me proposaient souvent de prendre le petit déjeuner avec eux. Quelques fois, on m’a aussi invité à souper, et même à coucher dans une petite chambre de la maison.

C’est comme ça que je suis définitivement tombé en amour avec la Gaspésie et avec les Gaspésiens. Surtout qu’en plus, bien sûr, il y a la mer, les routes et les paysages. Depuis, j’y suis retourné au moins une vingtaine de fois, seul ou en couple, sur deux ou quatre roues (mais en dormant dans des motels ou des cabines, par contre…).

Ma dernière escapade était l’été dernier, au début du déconfinement, et juste avant les vacances de la construction et les dérapages touristiques rapportés dans les médias.

Statues de bois et de béton (avec l’auteur) le long du Saint-Laurent. Ces magnifiques sculptures se couvrent et se découvrent au gré des marées. Au Centre d’art Marcel Gagnon, à Sainte-Flavie.

Le contexte était un peu étrange. À la mi-juillet, les motels étaient ouverts, mais presque tous les restaurants étaient soit fermés, soit complets parce que fonctionnant à mi-capacité. Une seule solution : acheter une bouteille de vin, de l’esturgeon fumé et des biscottes, puis aller admirer le coucher de soleil sur la plage. En laissant monter une douce ivresse.

Malgré les inconvénients de la pandémie, j’ai vite renoué avec la gentillesse des gens, les routes magnifiques et l’extraordinaire beauté des paysages. La revue National Geographic a régulièrement classé la Gaspésie parmi les vingt, et même parmi les trois plus belles destinations au monde. Nous avons la chance immense qu’elle soit juste à côté.

Le site enchanteur du Festival en chanson de Petite-Vallée.

En tant que motocycliste, ma section de route préférée est celle qui longe la mer depuis Ruisseau-Castor jusqu’à Rivière-Madeleine. Même les noms de villages sont magnifiques  : Cap-au-Renard,   Ruisseau-à-Rebours,   L’Anse-Pleureuse,   Manche-d’Épée…   Cette   route extraordinaire est coincée entre la falaise et la mer. Tous les 10 ou 15 km, il y a une baie avec un chouette petit village blotti au fond. À chaque baie correspond une vallée et une rivière bordée par une route qui permet de pénétrer un peu dans le continent gaspésien. Ça vaut la peine d’enfiler ces petits chemins magnifiques jusqu’à ce qu’il faille faire demi-tour. Et au retour on retrouve le bleu de la mer comme un cadeau du ciel.

J’adore aussi la route de la vallée de la Cascapédia, la 299. C’est par là qu’on peut entrer dans le parc de la Gaspésie à partir de Sainte-Anne-des-Monts, pour séjourner au très chic Gîte du Mont-Albert ou gravir le spectaculaire mont Jacques-Cartier (1270 mètres). C’est la section d’une centaine de kilomètres qui file plus au sud, jusqu’à la Baie-des-Chaleurs, qui me plaît particulièrement. La 299 est une route moins connue et beaucoup moins peuplée que celle de la vallée de la Matapédia. Elle traverse les spectaculaires monts Chic-Chocs, il y a de superbes courbes, les paysages sont magnifiques et il y a nettement moins de circulation.

Les routes de l’arrière-pays (ici près de Rimouski) sont souvent très intéressantes. Et la vue est spectaculaire chaque fois qu’on revient vers le bord de mer.

Pour se rendre en Gaspésie, il faut passer par le Bas-Saint-Laurent. Alors aussi bien en profiter chemin faisant. De Kamouraska à Matane, la route côtière est très belle aussi, et il est intéressant de quitter le bord de l’eau de temps en temps pour aller découvrir les ondulantes routes champêtres de l’arrière-pays.

Je termine sur une note musicale en soulignant à quel point la Gaspésie est un endroit inspirant pour la création. Je suis allé plusieurs fois au Festival en chanson de Petite- Vallée, en moto bien sûr, pour suivre des ateliers de perfectionnement en écriture de chansons. Et chaque fois que j’y retourne, je trouve de nouvelles lignes en roulant. Cette année, la beauté des lieux et l’étrangeté de la situation m’ont notamment inspiré ces quelques vers…

Ça sert à rien de faire des plans Parce que tout tout tout tout tout Tout change tout’ l’temps…!

Ça semble tout tout tout simple comme ça, mais en musique, ça va sonner!

*Publié dans le Vol. 50 No. 1 de Moto Journal. Vous aimez ce contenu? Cliquez ici pour vous abonner.

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