Essai sur piste – Yamaha R1M 2020

Par Par Paul Penzo. Photos par Bob Szoke. Publié le

Un week-end à 160 km/h

Machine impressionnante et ajustements électroniques partout (ou presque)

La R1M est le plus récent fleuron de Yamaha dans la catégorie des super sportives. La propulsion est assurée par un moteur inspiré des machines de MotoGP, le contrôle de la bête est confié, au rythme de 125 fois par seconde, à un système électronique sophistiqué avec module de mesure de l’inertie à six vecteurs, et on peut la paramétrer à distance avec un dispositif de connexion sans fil.

Tout le monde sait que je ne suis pas Valentino Rossi, mais en tant qu’ancien coureur professionnel « à la retraite », il me semblait vraiment intéressant de rouler en piste sur cette machine dérivée de celle du célèbre pilote italien.

L’ORGANISATION ET LA PRÉPARATION MENTALE

La première étape consistait à demander la permission d’inscrire la R1M à une course de Superbike de la catégorie Pro du championnat canadien, juste pour le plaisir. J’ai choisi Mosport; c’est la piste la plus rapide du pays, et c’est ma préférée. Yamaha Canada a approuvé le projet, mais finalement je me suis inscrit uniquement pour un week-end d’essais libres, ce qui s’est avéré idéal.

Le simple fait de préparer ce week-end a rapidement fait renaître en moi toutes sortes de souvenirs. Il faut énormément de temps, d’argent et d’énergie pour préparer une moto en vue des compétitions de niveau national, sans parler de la préparation physique et psychologique. Je ressens l’excitation et le trac classiques qui précèdent les week-ends de course. Sauf que mes os ont pris de l’âge, et j’ai reçu un appel téléphonique : le pilote de Superbike Jeff Williams a eu un grave accident et il est aux soins intensifs. Puissant rappel que je n’ai pas besoin de courser, et que c’est déjà une grande chance de simplement pouvoir rouler aussi vite que j’en ai envie, mais prudemment, sur une Yamaha R1M.

LA MACHINE

Cette moto est très sophistiquée : look agressif très étudié, pièces de carrosserie en fibre de carbone, suspension à contrôle électronique, etc. Je démarre le moteur et je le fais monter en régime pour créer des cycles de réchauffement qui favorisent le rodage. On sent toute la férocité du moulin à la façon dont le régime redescend quand on ferme l’accélérateur.

Pour 2020, la R1 et la R1M sont munies d’un réservoir, d’une admission d’air et d’un cadre Delta Box en aluminium. La carrosserie révisée permet d’obtenir un gain aérodynamique de plus de 5 % et la suspension est dotée de composantes améliorées. Le moteur d’inspiration MotoGP tourne sur un vilebrequin à manetons disposés de façon cruciforme et la séquence d’allumage est irrégulière. Il en résulte un grondement singulier qui gagne en harmonie à mesure qu’on fait grimper le régime, et mieux vaut tirer l’embrayage que de rouler avec le moteur qui tourne au ralenti.

La R1M est la première à être livrée avec la plus récente suspension de compétition électronique d’Öhlins et elle est équipée de pièces de carrosserie en fibre de carbone et d’un dispositif de gestion des données à distance appelé Communications Control Unit (CCU). Ce dispositif est muni d’un GPS et il m’a permis de connecter mon téléphone intelligent grâce à une application téléchargeable à 16 canaux. On a presque l’impression d’avoir affaire à une moto de Grand Prix en communication avec une équipe de techniciens qui réagissent au feedback du pilote et font les ajustements nécessaires à distance. Est-ce que quelqu’un a aperçu Rossi dans les environs, par hasard?

Le manuel du propriétaire consacre 55 pages à la panoplie de dispositifs électroniques de la R1M et aux différentes fonctions accessibles par l’intermédiaire des contrôles et des instruments. Il y a quatre modes de conduite, chacun comprenant différents ajustements par défaut pour plusieurs paramètres : livraison de la puissance, antipatinage, comportement des freins, ABS, contrôle des dérapages, contrôle des wheelies, frein moteur, quickshift, etc. Il y a littéralement des centaines d’ajustements possibles que l’on peut faire défiler sur l’écran TFT (transistor en couches minces). De plus, on peut choisir entre un affichage piste ou un affichage route, et sélectionner les données présentées ainsi que la façon de les afficher. La suspension permet d’ajuster de manière indépendante l’amortissement en compression et en détente.

Avec toutes ces possibilités d’ajustements électroniques et l’énorme réserve de puissance disponible, je me sens à la fois fier et emballé d’avoir accès à cette machine, et j’ai très hâte de l’essayer en piste. Par ailleurs, comme il s’agit du modèle amiral de Yamaha, on peut s’attendre à ce que certaines de ses caractéristiques se retrouvent éventuellement dans les autres modèles de la firme et que nous puissions tous en profiter bientôt.

LA R1M SUR PISTE

Notre R1M a été préparée rapidement, spécifiquement pour cet essai sur circuit, et elle n’a pas de plaque d’immatriculation qui permettrait de l’essayer sur la route. Dès qu’on prend place, la machine dégage une impression de légèreté et la position de conduite se montre invitante pour négocier les virages avec un genou au sol. Plaisir en vue. De la même façon que les Kawasaki et Ducati de MotoGP que j’avais essayées à Valence, on voit que la R1M a été conçue pour la vitesse et on dirait qu’elle cherche à caler à bas régimes. Quand on veut la déplacer dans la voie de ravitaillement, on réalise que son rayon de braquage est particulièrement long. Mais comme j’allais bientôt le constater, la R1M semble nous supplier de freiner plus tard et d’aller toujours plus vite en milieu de virage.

J’ai fait ma première sortie en mode C : il donne accès à toute la cavalerie, mais la puissance est livrée de façon plus douce qu’en mode A (plus on avance dans l’alphabet ou dans les chiffres des sous-menus, plus le niveau d’intervention du dispositif est élevé). Les commandes au guidon demandent une certaine période d’habituation, mais elles sont logiques. Je trouve que le chronométreur de temps au tour est particulièrement utile en roulant.

Stu Gilbert, un ancien membre de mon équipe de course, est sur place pour donner un coup de main ce week-end. Pour commencer, nous conservons les paramètres par défaut et nous passons au mode B, puis A, que nous conserverons pour les sorties suivantes. Stu consulte les données électroniques et il joue avec les options de présentation lors de mes arrêts. De mon côté, j’améliore mes temps d’environ une seconde par tour à chaque sortie.

Mes temps sont respectables, mais encore passablement loin de ceux qui m’avaient permis d’obtenir la position de tête lors des qualifications en classe Pro Thunder du CSBK ici même en 2007, sur un bicylindre refroidi à l’air. Bien sûr, j’ai vieilli, j’ai pris quelques kilos et je suis un peu rouillé, mais cela n’explique pas tout. Dans mon esprit, à cylindrée égale, un quatre cylindres en ligne de série devrait être au moins quatre secondes plus rapide qu’un bicylindre refroidi à l’air modifié pour la course. Alors, il faut continuer à jouer avec les réglages électroniques de la R1M pour gagner des secondes – et c’est ce que nous avons fait tout au cours du week-end. Je veux juste aller plus vite, et on peut y parvenir sans sortir les outils.

En tant que compétiteur de la vieille école, j’ai instinctivement tendance à changer les rapports de façon à demeurer entre le couple maximal et la puissance maximale, au feeling. Normalement, cela devrait permettre au moteur de la R1M de se déchaîner. Mais en examinant le tableau de bord de plus près et en apprenant à mieux lire le compte-tours lors des arrêts, j’ai réalisé que je passais les rapports trop tôt. À la sortie suivante, j’ai donc fait grimper le régime jusqu’à la zone rouge avant de passer les rapports, ce qui m’a permis de retrancher quelques secondes supplémentaires.

Si je changeais les rapports trop tôt, c’est à cause d’une caractéristique dont je n’avais jamais entendu parler par aucun fabricant ni dans aucun communiqué de presse. Cette caractéristique fait en sorte que le système de gestion électronique du moteur peut réduire l’ouverture des papillons d’admission, dans une proportion pouvant souvent dépasser les 30 %, même quand le pilote met l’accélérateur à fond, et même s’il a sélectionné le mode de livraison de puissance le plus direct. Je suppose que cette intervention vise à réduire la vitesse maximale et le niveau des émissions tout en améliorant la puissance aux régimes moyens, qui sont généralement les plus utilisés. Je crois donc que je percevais un plafonnement du rythme de l’accélération et de la livraison de puissance, ce qui me poussait alors à changer de vitesse – trop tôt.

Cela me surprend énormément. Mais c’est aussi ce qui explique pourquoi la plupart des coureurs accèdent aux paramètres de l’unité de commande électronique de leur engin, de manière à peaufiner son comportement par l’intermédiaire de logiciels installés sur leur ordinateur portable. Apparemment, c’est une des premières choses que font les préparateurs de nos jours.

Au même titre que pour les autres systèmes (ABS, antipatinage, etc.), le mode de conduite choisi attribue certains paramètres de base pour la suspension à ajustement électronique. Après avoir roulé pendant un bon moment en mode A, nous passons en mode M1 afin de pouvoir augmenter l’amortissement en détente à l’arrière et diminuer ainsi les dérapages à effet yoyo, toujours dans le but de réduire encore les temps au tour; excellent, mais le contrôle de l’amortissement en compression lente et rapide est offert uniquement avec la suspension à ajustement manuel de la R1.

Lors de mon avant-dernière sortie, j’ai pu maintenir une vitesse moyenne d’un peu plus de 160 km/h avec cette Yamaha R1M entièrement de série. Sur sa machine de Superbike préparée au max, Jordan Szoke a obtenu la position de tête avec une vitesse supérieure d’environ 12 km/h, ce qui correspond à environ sept secondes de moins par tour. De mon côté, j’étais à une seconde de mon temps de pole position dont je parlais plus tôt. J’aurais continué à accélérer la cadence, mais la météo s’est détériorée, il aurait fallu de nouveaux pneus, et nous avons manqué de temps.

Je suis enchanté d’avoir eu la chance de piloter la R1M sur le circuit Canadian Tire Motorsport Park, et j’ai hâte de voir ce que Yamaha nous réserve encore. Le prix de base de 27 999 $ comprend toutes les fonctions énumérées, et il vous permet de vous approcher de la machine que pilote Rossi. Aux États-Unis, la R1M est vendue au même montant, en dollars américains, ce qui veut dire que c’est une très bonne affaire en dollars canadiens.

LES PNEUS DIABLO SUPERCORSA TD DE PIRELLI

Ces pneumatiques fonctionnent tellement bien avec la Yamaha R1M qu’on avait installé un nouveau jeu avant même de commencer à rouler. Ce sont des pneus conçus pour les journées d’essais libres sur circuit, mais aussi homologués pour un usage routier. D’où l’appellation TD, pour Track Day. Ils ont été élaborés à partir des Diablo Supercorsa du championnat mondial de Superbike, mais adaptés pour offrir une durabilité supérieure.

Les pneus destinés aux amateurs de journée en piste sont souvent conçus à partir de pneus de route que l’on modifie, en les munissant d’une gomme plus molle, par exemple. Pirelli a fait le contraire : ces pneus sont construits à partir de la carcasse de véritables pneus de course avec homologation DOT, mais on les a dotés de gommes différentes. Les chauffe-pneus ne sont pas obligatoires, mais je les ai utilisés quand même pour réduire les variations de température. Même si certaines sections du circuit de Mosport ont été réasphaltées, plusieurs compétiteurs se plaignent de l’usure accélérée des pneus. Le pneu arrière n’a pas résisté à deux journées complètes en piste, mais les Supercorsa TD ont toujours livré une excellente traction et un feedback prévisible. À la fin de cet essai, le pneu arrière était usé au-delà des indicateurs d’usure, mais je me sentais quand même confiant en milieu de virage, et en accélérant dans les sorties de courbes malgré un léger louvoiement. Il faudrait faire une comparaison directe entre les pneus des différents fabricants pour faire une évaluation plus précise, mais ces Pirelli se sont montrés excellents, et ils sont à seulement 438 $. Voyez la liste des distributeurs canadiens au www.pirelliracer.com.

ARTICLES LES PLUS RÉCENTS



Archives – Lancement des BMW R18B et R18 Transcontinental 2022 – Les R18 aux longues jambes


AIROH J 110 le casque deux-en-un au style unique


Découvrez le guide Ulysse « L’Ontario à moto »


Archives – Ducati Monster+ 2021 – La fin d’une époque


Archives – Essai Moto Journal – KTM 890 Duke 2021


Aviator Ace 2 et Twist 3 : les nouveaux casques incontournables d’AIROH pour le tout-terrain

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *