L’aventure du TT et de la BMW S1000RR qui l’a remporté

Par Roland BrownPublié le

Je fonce sur le grand droit du circuit de Jerez au guidon de la BMW S1000RR que Michael Dunlop pilotait quand il a remporté le TT. Je baisse la tête pour profiter de la protection du pare-brise plus élevé installé à la demande de Dunlop et je passe les rapports au son de l’échappement Akrapovic qui hurle. À l’approche du virage, je transfère mon poids vers l’arrière et je me prépare à relever le torse et à freiner à fond avant d’enfiler le virage en épingle qui approche à toute vitesse.

Pendant un moment, j’essaie d’imaginer ce qu’a vécu Dunlop en juin 2014 quand il a remporté deux victoires au Tourist Trophy au guidon de cette machine. Puis je réalise que même si l’expérience est particulièrement intense ici, sur la piste de Jerez, elle est incomparable avec le fait de piloter entre les haies et les murs étroits du circuit du TT.

En novembre 2013, quand Michael, le jeune frère du coureur William Dunlop, a décidé de quitter Honda quelques mois après ses quatre victoires au TT, les observateurs ont eu l’impression qu’il prenait un grand risque. Mais en 2014, il a enregistré quatre autres victoires, dont trois sur BMW, et il a détrôné John McGuinness en tant qu’homme à battre sur l’île de Man.

Le soutien de BMW a joué un rôle essentiel dans le succès de Dunlop. Mais il est également intéressant de souligner que cette S1000RR n’a pas eu besoin d’être profondément modifiée pour livrer de telles performances. Elle a été mise au point dans le comté du Leicestershire, en Angleterre, par Stuart Hicken et son fils Steve de Hawk Racing.

Hawk Racing a construit sa première machine de TT en conservant le cadre, et même le sous-cadre en acier, de la S1000RR. Côté suspension, on a installé des composantes Öhlins sophistiquées, mais de production courante : fourche FGR300 à l’avant, amortisseur TTX36 à l’arrière.

Parmi les autres accessoires de course installés, mentionnons un amortisseur de direction Bitubo, des roues Dymag de 17 pouces (en aluminium plutôt qu’en magnésium), des étriers de freins avant Brembo monoblocs à quatre pistons avec disques en fonte, et un radiateur MB Motor Sport avec grillage de protection. Le réservoir a été remplacé par un modèle plus gros (24 litres), ce qui permet de compléter les deux tours de 60,73 km du circuit Mountain. La machine de course consomme environ 19 litres au 100 km.

Quant au moteur, n’importe quelle équipe de course peut le commander chez BMW Motorrad Motorsport. Celui-ci est tout de même spécial puisqu’il a été monté à la main, selon les spécifications de l’usine en fonction du championnat mondial de Superbike, par la technicienne Maike Hohenlohe. (Cette dernière a d’ailleurs dû s’envoler pour le TT à la dernière minute pour remonter le moteur après son démontage pour l’inspection suite à la victoire en Superbike.) L’engin est notamment muni d’arbres à cames de course, de pistons allégés, de bielles en titane et d’un vilebrequin équilibré. Résultat : une puissance maximale affichée de 222 chevaux à 14 300 tr/min.

Comme le poids n’est pas un facteur critique au TT, le carénage est en fibre de verre. Avec ses quelque 180 kg, la déclinaison TT pèse environ 15 kg de plus que celle utilisée dans les courses de Superbike au Royaume-Uni. Personnellement, elle m’a paru extrêmement légère et racée en embarquant sur le circuit de Jerez.

Je m’attendais à ce que cette S1000RR calibrée pour la course livre sa puissance à hauts régimes et de façon agressive, et qu’elle soit donc un peu difficile à maîtriser. Mais ce n’est pas le cas; elle est facile à piloter. Et très rapide. En sortant du dernier virage à gauche, elle était particulièrement brillante. J’enfilais les rapports avec la roue avant légèrement soulevée et la situation sous contrôle grâce au système anti-wheelie de BMW (que les préparateurs ont eu la bonne idée de conserver). Les systèmes électroniques et la réponse fluide de l’accélérateur étaient les bienvenus, surtout que le levier de frein avant était trop haut et trop près de la poignée pour moi.

Pour évoluer sur les circuits ultrarapides, la moto est dotée d’un tirage final allongé qui permet d’atteindre plus de 320 km. Je me suis donc retrouvé à quelques reprises dans un rapport trop élevé en sortie de virage, mais le moteur était assez souple à moyens régimes pour bien répondre quand même.

La tenue de route est particulièrement stable. Après tout, on ne gagne pas la classe Senior du TT, comme l’a fait Dunlop à une vitesse moyenne de près de 212 km/h, si on n’a pas une machine capable de se comporter avec beaucoup d’aplomb sur les routes cahoteuses de l’île de Man.

Même s’il avait remporté deux courses à l’épreuve du North West 200 avec sa machine chaussée de pneus Metzeler, Dunlop n’était pas satisfait de leur comportement pendant les pratiques du TT. Il a donc demandé à la dernière minute qu’on installe des pneus Dunlop la veille de la course de classe Superbike. « C’était extrêmement risqué de faire ce changement si peu de temps avant l’épreuve, explique Steve Hicken, mais ça a fonctionné. Le mouvement que sentait Michael a disparu, ce qui indique qu’il était probablement simplement causé par le type de pneus. Il n’y avait pas de problème avec les Metzeler – nous avons enregistré des tours très rapides avec ces pneus – mais Michael avait besoin de rouler sur des pneumatiques qu’il connaissait et qui lui inspiraient confiance pour la course de Superbike. »

Ce changement de pneus tardif a aussi exigé des changements au niveau de la suspension et l’équipe a dû travailler très fort pendant la dernière session de pratique la veille de la course. À la fin, les ajustements ne convenaient toujours pas et on a dû faire une dernière modification sans que Dunlop puisse essayer la moto. « Ça a été une nuit intéressante… », commente Hicken. Et qui s’est bien terminée puisque Dunlop a battu le record du tour en Superbike dès sa première sortie le lendemain.

Avec cette première place, BMW enregistrait sa première victoire au TT depuis 75 ans. Au cours des six jours suivants, Dunlop a aussi remporté les classes Superstock (sur sa propre RR), Supersport (sur une CBR600RR) et Senior, pour un grand total de 11 victoires au TT.

Lors de ces épreuves, Dunlop a montré des qualités de pilotage phénoménales, et l’équipe Hawk a livré la marchandise avec brio dès sa première participation au TT. Et on pourrait faire mieux encore. « Si on additionne les meilleurs temps de Michael, on obtient une vitesse moyenne de 132,8 mi/h (213,7 km/h), explique Hicken, ce qui correspond à 6 secondes de moins que le record établi par Bruce Anstey. Pas de doute, Michael peut aller encore plus vite avec cette moto. »

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