La création d’un mythe…

Par Marc ParadisPublié le

Au Québec, nous parlons français – du moins, l’Office québécois de la langue française veille à ce que nous l’écrivions convenablement! Plusieurs de nos expressions sont soit mal comprises ou peuvent revêtir une tout autre signification pour nos cousins demeurés sur le Vieux Continent.

Prenez le mot « motard », par exemple. En France, il s’agit tout bonnement d’un motocycliste, peu importe son style. Pour nous, il s’agit plutôt d’une minorité (1 %) donnant plus dans le crime organisé que dans les randonnées de bienfaisance. Mais d’où peut bien venir cette expression qui, lorsque j’étais jeune, réussissait à me terroriser juste à l’entendre? Je n’ai malheureusement pas pu en trouver l’origine, mais j’ai réussi à mettre le doigt sur la date où le mouvement a débuté.

Nous devons remonter après la Seconde Guerre mondiale (plus précisément deux ans suivant la fin du conflit) dans la petite ville d’Hollister, en Californie. À cette époque, l’Amérique regorge de jeunes G.I. fraîchement revenus au bercail. Les jeunes hommes à la recherche de sensations fortes se tournent vers la moto et forment une innombrable quantité de clubs. Le but premier de ces regroupements est bien sûr de retrouver la camaraderie du temps de l’armée, mais aussi pour rigoler entre amis autour d’une même passion : la moto.

Les compétitions ayant cessé lors des années de guerre, elles reprirent en cette même année 1947. Ce sont donc plus de 4000 motocyclistes qui se donnèrent rendez-vous dans cette ville qui compte habituellement 4500 âmes (mais étrangement 21 bars ou tavernes)! Ce fut donc une véritable marée de motos qui commença à déferler dans les rues en ce début de la fin de semaine de la Fête nationale américaine. Les compétitions de dirt track disputées sur la piste de Bolado Park située à environ 16 kilomètres, les différents rallyes et autres compétitions de course de côtes sanctionnés par l’AMA constituaient les principales attractions. Comme dans tout rassemblement où la boisson coule à flots (les drogues se faisaient discrètes à cette époque), certaines escarmouches ont éclaté. Rien de bien grave, mais devant le nombre imposant des « envahisseurs », le corps policier de la ville (7 agents en tout) demanda l’assistance de la patrouille des autoroutes (les ancêtres de Ponch et Jon) qui arrivèrent en renfort le dimanche matin pour disperser la foule de bikers qui s’en retournèrent paisiblement (avec sûrement un bon mal de bloc) à la maison.

À part une soixantaine d’admissions à l’hôpital local, en majorité des coureurs blessés lors des compétitions (ils ne devaient sûrement pas porter de casque approuvé SNELL, cette homologation n’apparaîtra que dix ans plus tard). Un nombre équivalent fut arrêté pour différents motifs allant de désordre en passant par ivresse sur la voie publique et conduite avec facultés affaiblies. Tous furent relâchés quelques heures plus tard (une fois dégrisés). Aucun meurtre ni agression ne furent commis, aucune propriété ne fut saccagée. Les motocyclistes qui firent des « démonstrations » (lire burn) à l’intérieur des bars y furent invités par les tenanciers au grand plaisir de leur clientèle d’un week-end… Tout le monde y trouva son compte, même que la ville organisa un nouveau rassemblement 5 mois plus tard.

Si, comme dans les contes pour enfants, l’histoire s’arrêtait là, ma chronique ne contiendrait que 541 mots. Mais étant donné que nous vivons dans un monde moins que parfait, il fallut que des bien-pensants s’en mêlent et montent l’histoire en épingle. Le pourtant très sérieux magazine Life montra en une un individu, dépassant de loin la limite de sobriété, assis sur une moto et entouré de bouteilles vides. Les producteurs d’Hollywood n’en demandaient pas tant et, en 1954, le fameux long métrage The Wild One, inspiré des événements d’Hollister prenait l’affiche avec un Marlon Brando au meilleur de sa forme (du moins physique) dans le rôle-titre. Ce film, lorsqu’on le regarde aujourd’hui, peut sembler bien inoffensif, mais si nous nous transposons à l’époque où les gens apportaient de la nourriture aux bureaux de Radio-Canada à l’intention de Donalda, il n’en fallait pas plus pour que de vrais clubs de motards comme nous les connaissons aujourd’hui fassent leur apparition avec les résultats que nous connaissons. Redorer le blason des motocyclistes (99 % respectent les lois) ne fut pas facile et la moindre anicroche peut tout refaire balancer du côté sombre. Si vous rencontrez un motocycliste, ne le traitez pas de motard S.V.P.

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