Petit bout d’Espagne vu par le Racer

Par Guy CaronPublié le

Une semaine à Barcelone? Il faut découvrir la Catalogne, les Pyrénées et le sud de la France et, bien sûr, ça doit se faire à moto!
Le GPS dit de tourner à gauche sur Carrer de Caballero. D’accord. Après avoir frayé mon chemin parmi les piétons et trouvé une ouverture entre les motos et scooters pour descendre du trottoir, je glisse la Tiger dans une ouverture de la circulation. Aussitôt, le petit écran indique «  Recalcul de l’itinéraire ». La Carrer de Caballero est derrière nous! Mon but est de me rendre à la Ronda de Dalt, la voie rapide, pour me diriger vers Montmelo.

C’est notre première expérience en Europe. Depuis que j’en rêve, il est clair que je veux rouler à moto! Nous avons songé à utiliser les transports en commun pour les premiers jours, le temps du Grand Prix de Catalunya, la raison principale du voyage (voir Viure en directe la Catalunya MotoGP, numéro de septembre/octobre). Le hic est qu’il serait difficile d’arriver à temps à la salle de presse le matin avant le début des activités en piste avec plusieurs transferts de bus, une partie en train de banlieue et plusieurs kilomètres de marche pour accéder au circuit. Un périple d’environ deux heures pour couvrir les 30 kilomètres. À répéter aller-retour sur trois ou quatre jours. Nous avons donc opté pour les déplacements en moto. En théorie, nous devons être plus rapides… ce que nous allons voir, car nous disposons de moins de deux heures pour obtenir nos accréditations cet après-midi. 

À Barcelone
Après une nuit en vol au-dessus de l’Atlantique, nous sommes atterris à 10 h ce matin. De l’aéroport à l’hôtel, j’ai observé attentivement la circulation pour tenter d’assimiler un maximum d’informations. En vol, je me suis mis le nez dans le dépliant du CAA que j’ai obtenu en même temps que mon permis international. Comprendre un peu la signalisation devrait aider, si ce n’est que pour se rendre compte qu’on est perdus! Tout juste après 12 h, à l’hôtel, on défait nos bagages pour sortir nos équipements moto puis une autre course en taxi pour arriver pile à 14 h au point de rencontre avec Anton, le propriétaire de Rent-A-Tiger. Une Tiger 800XC blanche sera notre monture pour les sept prochains jours. Le sympathique Britannique expatrié en Espagne m’explique que le GPS, loué avec la moto, date de deux ou trois ans et qu’il y a d’installée une deuxième carte, nécessaire lorsqu’il est question de trouver les pistes du nord de l’Afrique. Ici, dans le quartier Sant-Gervasi, les intersections semblent arriver plus rapidement que ce que le petit ordinateur peut suivre. Est-ce la mémoire trop chargée avec cette deuxième carte ou tout simplement les rues étroites bordées d’édifices hauts qui ne lui laissent pas la chance de suivre nos déplacements? Dès le départ, j’ai manqué le premier virage, l’écran n’affiche pas la distance à parcourir avant les virages et l’image est souvent en retard sur notre emplacement réel! Je vais avoir besoin de m’acclimater! Après quelques minutes à nous diriger vaguement dans la direction voulue, je prends une avenue qui indique la direction vers la voie rapide. Un embranchement devant nous… mais que dit le GPS? Il n’y est pas encore! Le feu est au vert, pas le temps d’arrêter, je bifurque vers la droite. C’était à gauche… La Triumph me paraît grosse dans le trafic urbain avec les valises et le top case. Je crois que c’est parce qu’en effet, elle l’est! Du moins… comparativement à ce qui nous entoure! Les détours me donnent plus de temps à m’habituer à faire de l’interfile, car partout, les deux-roues se faufilent. Et si notre moto est trop large pour l’ouverture entre deux voitures, je dégage pour laisser passer les autres deux-roues. Nos premiers jours se déroulent entre l’hôtel, le circuit, les vieux quartiers de Barcelone et le bord de la mer entre ces points. Je m’habitue rapidement au style de pilotage pratiqué ici. À chaque feu rouge, les motos et scooters se glissent jusqu’à l’avant. En masse! La norme est quelque chose comme cinq, dix (ou même plus) deux-roues alignés (empilés?) entre les voitures à l’avant. En observant bien, j’ai aussi compris à quel moment le groupe se met en mouvement. Pas toujours au feu vert, souvent légèrement avant. Au pire, lorsque j’entends vrombir, j’emboîte le pas… Pour ce qui est de l’interfile, même les policiers qui contrôlent l’entrée au circuit l’encouragent en signifiant aux automobilistes de laisser l’espace pour que l’on passe!

Prendre l’air
Le lundi après le Grand Prix, nous prenons la route. Nous avons parcouru quelques petites routes de montagne près de la ville lors de nos visites des premiers jours, mais les Pyrénées toutes proches sont invitantes. Montjuic, la Sagrada Familia, les maisons de Gaudi et le mirador de Colom, c’est très beau, mais les montagnes m’appellent. Et ce matin, ces montagnes sont prises d’assaut par des centaines de Français qui retournent chez eux. Quelques motos ici et là, puis de plus en plus de motos, toutes en direction nord. Nous roulons sur la C-17 lorsque je me joins à un petit groupe qui file à un bon rythme. À l’entrée d’un tunnel où la vitesse est limitée à 80 km/h, le groupe ralentit… et moi aussi. La vitesse du flot de circulation est d’environ 110 à 120 km/h et les véhicules que nous venons de dépasser avant de ralentir nous doublent dans le tunnel… pour se faire arrêter par un important déploiement de la fuerza policiaca à la sortie! Il y a des dizaines de motards et plusieurs automobilistes immobilisés pour se voir remettre un billet! Je suis bien content d’avoir de nouveaux copains qui ont de l’expérience, expérience qui transparaît d’ailleurs dans leur pilotage! La voie rapide se transforme ensuite en superbe petite route de montagne, la C-17 devient la N-260. Petit détour pour casser la croûte à La Molina, village juché à 2000 mètres, populaire auprès des skieurs. Très beau, même si c’est un peu frais au goût de Brigitte, passer de 30oC à moins de 15oC en quelques heures… « La frontière est tout près. La température va remonter dès que l’on descendra un peu. »

Un peu du sud de la France
De Bourg-Madame, notre point d’entrée en France, nous errons au hasard sur de petites routes, entre les départementales défoncées qui rappellent un peu notre réseau de la Belle Province, les châteaux offrant des visites (mais qui ferment tôt) et autres attraits des petits villages et bourgades. Un panneau annonçant Montréal cause un autre détour. À l’heure de pointe, nous avons croisé environ six véhicules… et aussi trouvé la rue la plus étroite où je me suis engagé avec un véhicule! La rue en question est en pente et se termine sur la rue des Mousquetaires. À un point, je me suis dit que si ça rétrécit plus, je devrai retirer les valises de la Triumph, car ce serait impossible de faire marche arrière dans la pente! On met ensuite le cap sur Toulouse, le Canal du Midi et ses péniches, pour la nuit. Au réveil, nous rejoignons Carcassonne pour un déjeuner sur la terrasse d’un joli bistro. Déception pour Brigitte… « Il n’y a pas de croissants au menu! J’aurais vraiment aimé un croissant pour mon premier déjeuner en France! » Après la visite du château et de la cité médiévale qui l’entoure, nous remontons sur la Tiger en direction de la mer. Entre les vignobles, les collines et les villages en bordure de la Méditerranée, le temps perd son sens.

De Perpignan, on se décide à prendre la A-9 pour le retour vers Barcelone, l’autoroute à péage. Jusqu’ici, nous avons évité les autoroutes du mieux que nous avons pu. On monte en selle après une courte pause pour se rafraîchir et une discussion avec le pilote de la R1 stationnée près de notre Triumph sur le trottoir en face du café. Pas si facile pour un gars du Bas-du-Fleuve de communiquer avec un Français du sud! « Salut! Est-ce bien dispendieux l’autoroute à péage avec une moto? » « Salut! De quoi tu causes mec? Péage…? Je ne pige pas. » On ne trouvera pas d’arbitre pour départager qui des deux a l’accent le plus prononcé (selon moi, c’est lui!), mais au moins, il ne me répond pas en anglais comme cette guide ce matin lors de notre visite du château de Carcassonne! On fonce donc vers notre pied-à-terre par la route la plus directe. Avec la limite à 130 km/h, ce ne sera pas très long. Il est 16 h et demain, nous voulons profiter de notre dernière pleine journée autour de la capitale catalane. Après seulement quelques minutes à la vitesse de croisière, le vent prend de la force. Les bourrasques, la chute de température et, surtout, le ciel noir parsemé d’éclairs au-dessus de la vallée, où s’enfonce l’autoroute devant nous, me poussent à réviser le plan. « Si on prend à gauche, vers le bord de la mer, on ne sera pas à l’hôtel pour le souper, mais je n’ai pas envie de foncer dans l’orage devant nous dans les montagnes. » « Ce serait bien d’éviter la pluie, tu crois qu’on peut? » Je réponds à Brigitte que rien n’est sûr, mais au moins, si on prend la pluie au bord de la Méditerranée, ce sera sûrement moins triste qu’en altitude. Sortie vers Argelès-sur-Mer. Comme espéré, le ciel se dégage et le mercure remonte à un niveau confortable aussi rapidement qu’il avait chuté. 

Un beau détour
Sans le savoir, nous venions de nous engager sur ce qui est le plus beau trajet que j’ai eu l’occasion de rouler. La D914 de Banyuls-sur-Mer devient la N-260 à la frontière de l’Espagne. La route surplombe la Méditerranée, coupée à flanc de falaise à bien des endroits, très différente de l’autre extrémité de cette même route que nous avons roulée dans les Pyrénées. Avec les vignobles, les villas et les points de vue incroyables, nous oublions l’idée d’être de retour tôt. Du moins, moi, j’oublie! Les montées et descentes en lacet, les passages étroits dans les villages où, à certains endroits, j’ai l’impression que le prochain virage en épingle nous amène dans la cour arrière d’une villa avant de constater qu’il s’agit bien de la route principale, ne sont pas propices à couvrir les distances rapidement! Après le poste de douanes désaffecté, la route est plus dégagée en Espagne, mais maintenant, le soleil baisse. On rejoint l’Autopista del Mediterâneo à Figuères, le but étant de revenir à l’hôtel, car la nuit est tombée. La chaussée s’assèche. En plus de cette balade magnifique sur la côte, nous avons évité les averses. Après un repas dans une aire de repos, nous enfilons nos doublures et on remonte en selle pour les 150 bornes restantes. Il y a peu de circulation, vitesse de croisière : 140 km/h. Après un moment, j’aperçois dans mes rétros un véhicule qui se rapproche. J’abaisse ma vitesse à 135. Nous étions peut-être légèrement au-dessus du 140… du mois pas plus de 150! Le véhicule en question nous dépasse. L’inquiétude retombe; une Eurovan conduite par une maman avec ses rejetons qui file le parfait bonheur. À 155 km/h. Parfait, on emboîte le pas! Moins de vingt minutes plus tard, les phares d’un autre véhicule s’approchent encore derrière nous. Cette fois, il s’agit d’une minifourgonnette Mercedes. Eh oui, une dame au volant. L’indicateur de consommation de la Triumph se maintient autour des 10 litres au 100, tandis qu’un autre indicateur affiche 180. Le poste de péage à l’entrée de Barcelone apparaît et je me dis que nous avons bien fait de prendre notre repas sur l’autoroute. Je ne tiens pas à savoir si, en Espagne, ils vérifient la vitesse moyenne entre les péages comme en France.

Partir… déjà?De retour à Barcelone, nous passons une dernière journée à profiter des attraits de la ville. Le parc Guell, la plage pour une baignade fraîche dans la Méditerranée, le site olympique et le Tribidabo… il y a tant à voir en si peu de temps! Je retourne la Triumph à Anton à 20 h. « Vous avez apprécié? » « Beaucoup, c’est seulement trop court! » En le quittant, je dis à Brigitte : « S’il prend le temps de regarder les tracés enregistrés dans le GPS, il va se poser des questions. On a quadrillé la ville dans tous les sens! »

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