Aprilia Tuono

Par Marc ParadisPublié le

En italien tuono signifie tonnerre. Non, la référence n’est pas superlative!

À l’été 2011, j’avais réussi à mettre la main sur la très exotique  SV4 Factory (voir MJ sept.-oct. 2011) pour un galop d’essai sur  toute (cette machine étant avant tout destinée à une utilisation sur piste). J’avais adoré le caractère de la motorisation V4, une première dans mon cas (mon vieux chum Denis Ouellet me  appelant nos vives discussions sur le sujet au milieu des  années 80, lui en étant un grand défenseur du concept  popularisé par Honda à l’époque et moi un gars de 4 en ligne). Pourtant, je ne conseillais pas son achat pour un usage  uniquement sur route. Trop inconfortable pour les longs trajets, difficile à rouler en deçà des limites légales et un prix de détail suggéré de plus de 25 000 $… Lorsque j’appris que la nouvelle Tuono serait disponible sur notre marché en 2012 je me suis empressé de me réserver une démo d’essai. En fait, je réussis à combiner l’agréable à l’agréable : aller couvrir les courses de supermotard de La Tuque tout en testant la moto sur la très belle route 155.

« O K, on ne passera pas inaperçu ! » fut mon commentaire lorsque je l’aperçus pour la première fois dans sa livrée jaune « bourdon ». Je pus m’en rendre compte assez rapidement quand je parlai avec des compétiteurs qui m’avaient vu circuler en ville au cours de la fin de semaine. Le comble de  l’attirance visuelle fut pourtant remporté par une « corde à linge » de Québec qui du haut de son condo surplombant la côte Gilmour appela le 911 pour avertir la police qu’une « moto jaune » ne cessait de faire des allers retours dans la côte… L’agent de Parcs Canada, qui n’eut aucune difficulté à me trouver, fut très coopératif lorsque nous avons mentionné que nous prenions des  clichés pour Moto Journal… En passant, le terme « corde à linge » fut inventé à l’époque par l’animateur de radio André Arthur et sert à définir les commères de quartier… Il faut aussi dire que le silencieux surprend par sa sonorité apparentée à la RSV4, je me suis même fait prendre à vérifier si la moto n’était pas munie d’un silencieux accessoire ! Pour compléter l’allure, le carénage g-string (on ne peut même pas parler de bikini ici) inspiré de la RSV4 voit les rétroviseurs montés sur le guidon, une bonne chose car de cette manière leur mission est accomplie : ils renvoient une image claire de ce qui se passe  derrière (et non de vos coudes comme sur la RSV4), et ce, à tous les régimes. Le moteur mis à nu ne passera pas à l’histoire en termes de beauté, mais l’acheteur de ce genre de moto ne lui demande pas nécessairement cette qualité, il recherche de la performance, et il en reçoit pour son argent… De  conception ultra-étroite, le V4 se rapproche plus des dimensions d’un V-twin. Dans cette mouture, le moteur jouit d’une nouvelle distribution, le conduit d’admission fixe se voit allonger de 20 mm en plus d’une amélioration de l’inertie au vilebrequin de même qu’un rapprochement des trois premiers  rapports. L’unique version de la Tuono disponible en Amérique du Nord se voit dotée de l’Aprilia  performance Ride Control (APRC) qui se traduirait en un ramassis de gadgets électroniques dont il devient difficile de se passer une fois qu’on y a gouté… Plusieurs de ces aides électroniques serviront surtout au propriétaire désirant faire une excursion en piste. La section arrière à dépose rapide, le launch control, « l’anti-wheelie » et l’antipatinage viennent s’ajouter aux trois choix de mode d’injection. Beaucoup d’ajustements de paramètres doivent s’effectuer lorsque la moto est à l’arrêt. Jouer dans des menus tout en roulant est dangereux, je l’ai fait, je ne le referai plus ! Sans farce, le contrôle de la traction s’ajuste à l’aide du pouce et de l’index gauche sur une échelle de 1 à 8 (il est aussi possible de désactiver le système). Je me suis fait prendre à la mi-mai par quelques bons orages et j’étais bien content de pouvoir rendre impossible le patinage de la roue arrière. J’ai accéléré comme sur le sec, sans ressentir aucun effet de l’électronique en action. Le système est efficace et transparent. La cartographie de l’injection permet elle aussi un ajustement en roulant mais la sélection s’avère moins précise. Il n’était pas rare de devoir m’y prendre deux ou trois fois avant de réussir à obtenir le  mode désiré. Parmi les choix, le mode R (race) permet l’exploitation totale de la cavalerie. Le mode S (sport) offre aussi le plein potentiel du moteur mais avec un peu de retenue pour le premier 15 % de sa plage. Le mode R (road) diminue  considérablement la puissance au-dessus de 6 500 tr/min et module aussi la réponse de l’accélérateur. Ce dernier mode est particulièrement utile lorsqu’on roule dans la circulation dense. Les à-coups lorsqu’il faut passer de la première à la seconde à bas régime sont  encore amplifiés par le jeu du rouage d’entrainement. La Tuono n’est manifestement pas un scooter et le groupe Piaggio en offre de très bons à ceux recherchant ce genre d’outil urbain. Une fois la  circulation rendue fluide, le V4 peut s’exprimer et l’on peut dire sans se tromper que l’opéra demeure son chant de prédilection. J’aimais bien le son de la version RSV4, mais la Tuono, grâce à son  système Aprilia Quick Shift, la détrône haut la main. Ce système permet de maintenir l’accélérateur enroulé tout en montant les rapports sans utiliser l’embrayage au-dessus de 3 000 tr/min… L’expérience fait en sorte que le retour à un embrayage conventionnel par la suite amène à un triste retour à la réalité. Si la V-Max est considérée comme la première moto d’inspiration dragster, la Tuono devient la première moto de type naked à pouvoir inquiéter les pures sportives sur piste. C’est bien beau se faire du fun, mais au jour le jour comment cohabite-t-on avec la Miss tonnerre ? Et bien si vous êtes prêt pour quelques concessions, elle demeure assez conviviale. La partie réservée au  passager ne constitue qu’un perchoir destiné aux courtes distances, surtout si l’on roule sous la pluie, car les gerbes d’eau ont tôt fait de couvrir le dos et le casque du pilote, imaginez le passager… La couleur jaune du recouvrement de la selle se salit rapidement, il faudra donc veiller à son entretien régulier pour ne pas qu’elle perde son lustre. L’absence de poignée de maintien fait aussi en sorte que le passager devra s’agripper au pilote s’il ne veut pas se retrouver à tester la résistance de son pantalon. La chaleur dégagée par le moteur en roulant dans la circulation dense peut aussi causer du désagrément, mais au Québec, les journées de canicules se comptent sur une main… Le rayon de braquage m’a déçu pour une moto de ce type. Le large guidon et la position de conduite m’auraient fait croire le contraire. Un demi-tour demandera souvent un virage en trois points, dommage… Par contre la position de conduite permet de rouler facilement pendant trois heures sans avoir recours à des soins professionnels. Le style fait en sorte que pour maintenir des vitesses d’autobahn, il faut se coucher sur le réservoir. Le plaisir se retrouve plus sur une route sinueuse à dénivellation variée, comme sur la 159 entre Saint- Roch-de-Mékinac et Saint-Tite. Plonger d’un virage à l’autre en plein contrôle (il faut dire que les suspensions Sachs provenant elles aussi de la RSV4 ne nuisent pas) avec en réserve les excellents freins Brembo radiaux puissants et progressifs m’a permis d’aller près des  limites des Pirelli Diablo Rosso Corsa. Sur une piste, le frelon jaune en surprendra plusieurs, surtout les propriétaires de sportives d’un litre. Fait intéressant, lors de la randonnée Québec-La Tuque pour nous rendre aux compétitions de supermotard, j’ai pu constater que l’odomètre, contrairement à la tendance optimiste qu’affichent certaines machines, semblait donner la vitesse réelle à laquelle je  circulais (vérifié par GPS). Donc le 120 km/h indiqué constitue la vitesse réelle… alors pour ceux habitués à rouler un peu plus que la limite permise, attention aux surprises… Pour les amateurs de tourisme, un sac à dos expansible et un sac de réservoir devront contenir les bagages, car sur la moto il n’y a de l’espace que pour une carte de crédit. Sous la selle, aucun espace, même pas pour y loger une bonbonne d’huile à chaine… Pour accéder à la batterie, il faut enlever deux boulons, mais sans trousse à outils la tâche sera ardue… Encore une fois, avec la spécialisation des catégories, il ne faut pas demander à une machine dénudée d’avoir les qualités d’une moto grand tourisme. Mais d’un autre côté, avoir la possibilité d’obtenir des freins antiblocages pourrait s’avérer utile compte tenu de la puissance de la machine et de la possibilité de moduler cette même puissance pour différents types de pilotes. Un pilote intermédiaire (il n’est pas recommandé de commencer dans le monde de la moto sur une moto de cette force) peut, théoriquement avec l’aide de l’électronique, parvenir à vraiment « embarrer » la bête mais devra quand même avoir le plein contrôle lors des arrêts d’urgence…

Le nom Aprilia est encore peu connu en nos terres, si l’on considère que la marque de Noale ne fabrique des motos que depuis 1968. Plus d’une fois, on m’a demandé de quelle sous-marque il s’agissait. Avec une machine conçue dans le but de rester le plus fidèle possible à la version super sport, cette  tendance ne durera pas longtemps. Tous ceux qui ont vu et entendu la Tuono s’en souviendront… Parlez-en aux cordes à linge !

 

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