Le premier jour

Par Steve ThorntonPublié le

On espère tous le coup de foudre

Les premiers rendez-vous ne se passent habituellement pas comme prévu… Mais c’est souvent ce qui fait leur richesse. On est attiré par une personne, on sent un potentiel, une énergie, une excitation. Mais à ce moment-là, tout cela semble encore un peu abstrait. On espère avoir de la chance, on sait que c’est un coup de dé, et on y va!

En amour comme pour d’autres événements de la vie, les premières ont toujours quelque chose de particulier. Il en va de même pour nos motos. Que ce soit notre toute première ou notre dixième, qu’elle soit neuve ou qu’on vienne de la dénicher, toute déglinguée, dans les petites annonces, que ce soit notre machine de rêve ou simplement la seule qu’on avait les moyens de se payer, la première fois qu’on monte sur une nouvelle moto, l’émotion est toujours au rendez-vous. Voici cinq belles histoires du premier jour d’un nouvel amour.

Faire à sa tête

Les chemins de l’amour sont parfois tortueux… L’été dernier, Henri Boese a acheté comme première moto une (très) sportive Yamaha R6 2003. Henry l’a choisie comme on choisit souvent en amour : parce qu’il la trouvait belle, surtout avec sa robe bleue. Sauf que Henri venait tout juste d’apprendre à conduire, et la R6 n’est pas exactement une machine de débutants.

« Quand je suis sorti pour la première fois, j’ai vraiment eu peur, avoue Henri. Je ne savais pas ce que je faisais là-dessus…! » Beaucoup de personnes lui avaient déconseillé de commencer avec ce genre de moto : « Tu vas te planter avec ça! » Mais Henri s’est dit qu’il pourrait tout aussi bien se planter avec une cruiser, alors aussi bien y aller pour la plus jolie… Pour ce premier jour de conduite, il est resté en première vitesse jusqu’à ce qu’il soit sorti de la ville, puis il s’est limité à 80 km/h, même en sixième. « Le moteur cherchait à étouffer tellement il tournait à bas régime. »

Au bout de quelques semaines, Henri s’est aperçu qu’il avait constamment mal au coude gauche. Il a fait des recherches, lu un livre sur la conduite (intitulé Sport Riding Techniques) et découvert comment adopter une meilleure position de conduite. Quand nous l’avons revu au milieu de l’été, Henri était convaincu d’avoir fait le bon choix. « Le seul moment où j’ai eu un doute, c’est la première fois que j’ai senti la roue avant décoller et monter devant moi… ». Henri jure qu’il n’essayait pas de faire de wheelie, c’est juste arrivé comme ça. « J’ai été terrifié », explique-t-il.

Henri n’est sans doute pas le seul à avoir vécu une expérience pareille. La peur fait souvent partie des émotions du premier jour. Mais il y a aussi la surprise enivrante, l’exaltation, l’enthousiasme. C’est pour ça qu’on roule en moto.

Émotions contradictoires

Chris Knowles (aucun lien avec un homonyme qui a déjà travaillé pour Moto Journal et Cycle Canada) n’avait pas roulé en moto depuis longtemps. Même chose pour son épouse, Janette. Ils hésitaient avant d’acheter une Virago 250 2003 chez leur concessionnaire local parce que Janette avait un lien émotif particulier avec les Virago.

Pete, le frère de Janette, possédait une Virago et c’est la dernière moto sur laquelle Janette avait pris place comme passagère, il y a 25 ans. Peu de temps après, son frère est décédé dans un accident — sa moto est entrée en collision avec une remorque de camion qui s’était détachée. « Chris et moi, on regardait la moto, explique Janette, on l’aimait, mais on se disait que c’était le même modèle que Pete, même si la sienne était plus grosse. On vivait des émotions contradictoires. »

Comme le concessionnaire est établi dans un secteur de la ville où la circulation est assez intense, et comme Chris avait peu d’expérience de conduite, le couple a décidé de faire livrer la moto chez eux, dans un environnement plus tranquille.

Janette et Chris étaient très nerveux à l’idée de leur première sortie sur la Virago parce que les deux avaient déjà « passé par-dessus les poignées » il y a longtemps, dans des accidents séparés, mais semblables. « À cause d’un problème de compréhension du fonctionnement de l’embrayage, explique Chris, on s’était tous les deux retrouvés tête première de l’autre côté de la route dans un fossé… Alors, on était un peu fébriles à l’idée de remonter sur une moto. »

Pour sa première sortie, Chris est allé jusqu’au bout de sa rue « en zigzaguant », mais il a tout de même passé la quatrième et atteint 60 km/h. « Je ne voulais pas aller plus vite que ça au début, explique-t-il. Mais quand j’ai commencé à rouler, je me suis dit “Wow, c’est en plein ça que je recherchais comme sensation.” Le son du moteur, le vent, c’était super! »

De son côté, Janette a pris les choses un peu plus lentement. Elle a commencé par se promener uniquement dans le stationnement de l’école près de chez elle, mais elle est bien décidée à prendre la route un jour. Puis, quand Chris aura pris plus d’expérience, il achètera une plus grosse moto et c’est Janette qui héritera de la 250. Jusqu’à ce qu’elle veuille, elle aussi, une plus grosse machine. Mais pour l’instant, une 250, c’est parfait!

200 chevaux au galop

David Josifovski est un grand garçon costaud qui roule en moto depuis quatre ans. Il était à la recherche d’une moto pour remplacer sa Suzuki SV650. Il recherchait une machine plus grosse, avec laquelle il pourrait partir en randonnée avec sa femme et leurs bagages. Il a eu le coup de foudre pour les 1352 cc de muscle de la Kawasaki ZX-14.

Auparavant, il s’était déjà assis sur une Suzuki Hayabusa, mais ne s’y était pas senti à l’aise. Puis il a découvert un site Web consacré à la grosse Kawa. « Les commentaires sur la moto étaient extraordinaires », explique David. Il ajoute que lorsqu’il s’est assis sur une ZX-14 pour la première fois, « c’était comme si tout était parfait pour moi ». Par le site, il a trouvé un atelier spécialisé dans ces modèles, Halton Performance (aussi spécialiste de la fabrication de pièces pour les motos d’accélération).

« Je suis allé à cet atelier et il y avait une dizaine de ZX-14 bien alignées sur le plancher », raconte David. Mais pas de modèle 2009 avec une peinture orange et noire comme il l’aurait souhaité. « Le propriétaire, Harry Halton, m’a dit qu’il pourrait m’en trouver une comme ça, avec zéro kilomètre au compteur, mais que ça me coûterait un peu plus cher ». David a accepté et, dès la mi-mars, elle était là!

Même si on était encore très tôt en saison, David n’a pas pu résister à la tentation de faire une première promenade. Il n’avait jamais roulé sur une ZX-14, mais il en avait beaucoup entendu parler. On lui avait dit d’y aller mollo dans les deux premières vitesses parce que la bête peut devenir féroce. Pourtant, il a surtout été impressionné par la douceur et la docilité du gros moulin. Puis il a tourné la poignée de droite un peu plus fort… « Il a fallu que je m’agrippe! Il y a 200 chevaux là-dedans.La puissance est tout simplement hallucinante. »

Quand David Josifovski a pris possession de sa nouvelle machine, elle était âgée de 2 ans, mais elle n’avait jamais roulé. Pour le rodage du gros moulin de 1352 cc, il avait reçu différents conseils, parfois contradictoires. Mais Halton lui a dit ceci : « Ce serait cruel d’empêcher un moteur comme celui-là de tourner en haut de 6000 tr/min. Il est tellement puissant dans toutes les plages de régime que ça ne fera pas de différence de toute façon. » David l’a pris aux mots : « Je l’ai fait monter jusqu’à la zone rouge — à 11 000 tr/min…! ». Il dit que c’est la moto la plus puissante qu’il n’ait jamais conduite : « À 8000 tr/min, elle s’emballe et la roue avant part vers le ciel…! » 

David est enchanté par sa grosse ZX. Il trouve qu’il l’a payée cher (10 000 $), mais en réalité c’est un prix très raisonnable. « Au début, explique-t-il, j’hésitais à dépenser autant d’argent pour une moto et je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Mais quand je suis revenu de ma première promenade, tout excité, le prix ne me dérangeait plus du tout… » À la fin de l’été, David était tout aussi content : « Cette moto ne m’a jamais déçu, ni à ma première promenade, ni maintenant. »

Rodage à fond la caisse

Derreck Roemer aussi s’est interrogé sur le rodage de sa nouvelle moto. Dans son cas, c’était une Ducati Multistrada 2011. Après avoir fait l’essai de la grosse double-usage italienne pour Moto Journal, il a décidé de s’en acheter une… Mais comme c’était une moto assez dispendieuse, il voulait être absolument certain de la roder correctement.

Après avoir examiné les recommandations de Ducati, il a été fouiner sur Internet pour avoir d’autres avis. Il a trouvé un site géré par un gars qui s’appelle Motoman et dont la vision est à contre-courant de celle de Ducati (qui préconise d’y aller mollo). Essentiellement, Motoman dit : « Si vous voulez avoir une moto lente, rodez-la lentement. » Et ses arguments en faveur d’un rodage rapide pour une moto rapide sont convaincants d’après Derreck. Pour plus de sûreté, il a poursuivi ses recherches et il a trouvé un autre site qui dit la même chose ou presque.

Voici un résumé de la théorie derrière la recommandation des tenants du rodage rapide.

Sur un moteur neuf, la paroi intérieure des cylindres n’est pas lisse : elle a un fini hachuré quadrillé. L’objectif de ces « égratignures » originelles est de poncer les segments du piston, de façon à ce que segments et cylindre s’épousent aussi intimement que possible, pour former un joint aussi étanche que possible. Mais comme ce fini hachuré est très superficiel, il s’use et disparaît en quelques minutes. Il faut donc faire le travail très rapidement. C’est pourquoi Motoman, et d’autres, recommandent de solliciter fortement les moteurs neufs dès les premières minutes. Ils soutiennent que de hautes pressions dans la chambre de combustion (engendrées par les hauts régimes et un accélérateur bien ouvert) sont nécessaires pour pousser les segments avec force contre les parois du cylindre et obtenir un ajustement précis. Ils ajoutent qu’il faut exercer ces pressions au tout début du rodage, pendant que le court moment que dure le fini hachuré du cylindre.

Tout cela pour dire qu’en sortant du concessionnaire avec sa moto toute neuve, Derreck l’a poussée fort en deuxième, troisième et quatrième vitesses, tel que recommandé par Motoman. Il a même fait une pointe jusqu’à 200 km/h… Depuis, il a parcouru environ 1000 km et la machine n’a pas eu l’air de se plaindre de son initiation radicale à la vie hors des salles de montre… Faudra voir comment elle se comporte au fil des ans, mais pour l’instant, Derreck est sûr d’avoir pris la bonne décision.

Même s’il avait roulé sur la Multistrada dans le cadre d’un essai (numéro de juin 2010 de MotoJournal), Derreck ne se souvenait pas qu’elle était aussi puissante. « J’ai été surpris. Très agréablement surpris, explique-t-il. En fait, je n’en revenais tout simplement pas. » Il est en amour…

Inquiète d’abord. Wow ensuite!

À peu près au même moment où Derreck se demandait s’il allait vider son compte de banque pour s’acheter une Ducati, sa blonde, Karen Steele, partait à la recherche d’une moto d’occasion. Elle a déniché une belle BMW F650GS dans un petit village au Québec.

Karen aurait bien aimé ramener la moto à la maison en roulant, mais il était trop tôt au printemps. « Et je ne voulais pas rouler dans la neige à ma première sortie…! ». Elle l’a donc emmenée à Toronto dans une camionnette, avec Derreck au volant. Ainsi, depuis le siège du passager, elle pouvait surveiller son nouvel amour plus facilement. « C’est fou, j’étais tout excitée. Mais en même temps, je m’en faisais un peu à cause de la grosseur de la moto. »

Karen a pris quelques photos d’elle et de la moto avec son iPhone. Elles n’étaient pas très réussies, mais ça ne l’a pas empêchée de les envoyer à ses amis : « Regardez ce que je viens de m’acheter! ».

Une dizaine de jours plus tard (le temps de rendre la moto légale pour l’Ontario et de faire des petits ajustements mécaniques), Karen faisait enfin sa première promenade. « C’est une grosse moto pour moi, explique Karen, et j’avais peur d’être dépassée par la puissance. Mais dès que j’ai commencé à rouler et que j’ai arrêté de me soucier de sa grosseur, je me suis sentie complètement à l’aise. Finalement, je me suis trouvée folle de m’être tant inquiétée avant même de l’avoir essayée — tout cela était dans ma tête. »

En fait, à mesure qu’elle roulait, ses idées rationnelles se transformaient en une exclamation plus simple, du genre : « Wow, c’est extraordinaire! ».

Maintenant, Karen est tout à fait habituée à sa nouvelle machine et elle n’a pas l’ombre d’un regret. « Les premières fois que je l’ai prise, c’était pour aller au travail. Et chaque fois que je revenais à la maison, je me sentais comme un enfant le matin de Noël… J’étais toute souriante et je disais à Derreck comme je l’aimais et comme elle était confortable…! »

Cinq personnes, cinq histoires. Mais beaucoup de choses en commun. Bien des motocyclistes vivent sans doute un peu le même mélange de crainte et d’exaltation quand ils montent sur une nouvelle machine pour la première fois. Chose certaine, pour tous les gens que nous avons rencontrés, le premier jour a marqué le début d’une relation intense et pleine et de satisfactions. L’amour, quoi!

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