Renaud Lemieux : Monsieur Roadster

Par Marc ParadisPublié le

L’expression anglaise perfect garage revient souvent lors de conversations entre motocyclistes, je dois moi-même y répondre plusieurs fois par saison. Si comme moi vous vous amusez à ce petit jeu, bien peu d’entre nous peuvent matérialiser leurs souhaits. Parfois les contraintes familiales (encore une autre moto!), physiques (pas de place dans le cabanon) ou encore la plus répandue, vous l’avez deviné, la contrainte pécuniaire, nous restreignent quelque peu… Le personnage faisant l’objet de ce reportage ne me semble pas faire face à aucune d’entre elles. Sa conjointe lui laisse tout l’espace qu’il désire, pourvu que ses jouets restent dans le garage! Et pour ce qui a trait aux finances, disons que notre homme sait trouver les perles rares à bon prix, souvent même à très bon prix (le chanceux!). J’ai rencontré Renaud Lemieux la première fois au début de l’été 2008 alors que j’effectuais un reportage sur le club de vieilles motos anglaises du Québec (voir MJ avril 2009).

Nous étions les deux seuls à piloter des motos japonaises, lui sa Yamaha TX650 du milieu des années 70 restaurée, moi sur la GS500 empruntée à ma conjointe. Le fait que nous ne connaissions pas beaucoup de gens nous amena à lier conversation, parler moto étant notre passe-temps commun favori. Lorsqu’il sut que je travaillais pour Moto Journal, il m’offrit d’aller voir sa petite collection. Tout comme plusieurs d’entre nous, il commença en hors route à l’âge de 13 ans sur une Moto-Ski Moto Skeeter qui, en plus de lui apprendre les rudiments de la conduite moto, lui permis d’en comprendre le fonctionnement, ou plutôt pourquoi elle ne fonctionnait pas toujours. À cette époque, 350 $ constituaient tout un magot pour un ado! Avec une mise de fonds de 100 $, notre jeune Renaud dut emprunter la balance d’une société de crédit à un taux de 22 %. Deux ans plus tard, ayant acquis de l’expérience et aussi de l’assurance, le grand ado se commanda une Yamaha DT360 en « oubliant » d’en faire mention à son père qui l’apprit par un ami.

Disons que notre jeune motocycliste eut quelques comptes à rendre… Déjà verbomoteur, il n’eut pas trop de difficulté à convaincre le paternel que sa dernière acquisition serait bien pratique dans ses déplacements. La popularité grandissante du motocross au Québec à cette époque vit un jour la DT se faire dépouiller de ses attributs de routière avec pour but de l’amener en piste. La Yamaha fit place à une Suzuki TS400 puis la saison suivante une TM400 full cross fut inscrite pour disputer le championnat junior open de la CMA qu’il remporta. Suivirent cinq années au guidon de Yamaha 250 et Suzuki 125 cc, terminant second au championnat en 1978, une blessure le tenant éloigné des circuits pour quatre semaines. Ensuite vinrent les années « sérieuses », lire maison, travail, chevaux, etc. Sa passion pour les avions contrôlés par radio sut elle aussi traverser les époques. À titre d’exemple, ces avions peuvent atteindre 250km/h, mus par un moteur 62 cc Husqvarna à alcool. Les répliques de Mustang et Thunderbolt accrochées au plafond du garage ont, elles aussi, été dénichées à prix d’aubaine…

Durant ces années plus tranquilles, la moto ne disparut pas complètement du paysage des Lemieux, une petite monture servant pour les courses au marché et pour de courtes balades. Le fait que notre homme resta insensible aux charmes des design motos des années 80 jusqu’à ce qu’une certaine firme bolognaise, pas très populaire pendant cette même décennie, lance en 1993 la Monstro qui allait ramener M. Lemieux à sa passion et même en faire naître une nouvelle. La catégorie des motos roadster, jusqu’alors pratiquement inexistante, débutait sa lente progression sur notre marché, au grand plaisir de notre collectionneur en devenir. Il faut ici préciser que depuis une vingtaine d’années, notre motocycliste a travaillé et vécu dans près de vingt pays d’Afrique plus de six mois par an. S’offrant à l’occasion des escapades en Europe, les dernières nouveautés captivant son attention, même si elles ne sont pas toutes disponibles dans notre « Belle Province ».

La collection, au moment où j’écris ces lignes, totalise onze motos qui — même si elles n’appartiennent pas à la même marque, même catégorie ou encore à la même époque — ont un point en commun : elles constituent toutes une aubaine. Certaines furent acquises flambant neuves, comme c’est le cas pour les deux Derbi : GTR50 deux-temps 2004 et 2006 acheté l’un chez un concessionnaire, l’autre directement de l’importateur. Avec la norme Euro3, leurs jours étaient comptés. Les 50 cc sont très populaires en Europe en raison des classes de permis progressives, mais pratiquement inexistantes sur nos routes. Lorsque je lui demande quelles sont ses meilleures aubaines ou encore comment il en est venu à se monter une si belle collection à prix raisonnable, sa réponse semble toute naturelle : « Il suffit d’être très patient, souvent les gens achètent sur des coups de tête ou encore se laissent gagner par la folie de l’accessoirisation. Plusieurs personnes vendent à grande perte ou encore sont poussées à vendre par leur entourage. Le fait de toujours être à l’affut sur les sites de petites annonces et de faire des arrêts chez les concessionnaires aide beaucoup à dénicher les perles rares. Parfois, j’achète des motos que je n’aurais jamais imaginé posséder. En voici quelques exemples… »
 
Moto Guzzi Griso : achetée au tiers du prix déboursé par le propriétaire original avec seulement 4 400 km. Je n’en avais pas besoin! Elle développe seulement 90 ch mais elle venait avec de belles sacoches! J’étais en Afrique lorsque j’ai pris contact avec le vendeur et le lendemain j’étais chez lui! Il ne s’en servait pas et avait besoin d’argent pour améliorer son auto d’époque… Il y a seulement 3 machines semblables plaquées au Québec.
 
Speed Triple : achetée sur un coup de tête par quelqu’un qui n’avait pas de permis. Il s’est fait peur et dut payer plusieurs contraventions. Un autre deal à moins de 4 600 km pour 5 000 $.

Ducati Monster 900, 6 rapports, pistons forgés, admissions et bielles en titane, 987cc 4 000 $ d’échappement en titane par Picotte Performance, fourche de 996. Dénichée à un encan de la S.Q. pour 3 000 $ Je n’étais pas parti pour faire un achat ce jour-là, mais à ce prix-là… on a un bon vélo?

Mais parfois la chance n’est pas au rendez-vous : « J’avais déniché une Kawasaki W650 à bon prix, le boulot m’ayant retenu plus longtemps que prévu sur le continent africain, lorsque je suis enfin revenu au pays elle était vendue, maudit! »
 
Les motoneiges ont aussi une petite place dans le garage, une Yamaha SRX 440 1980 pesant 385 lb et développant 90 ch le contente pour l’instant… Mais fidèle à ses habitudes, il recherche des Thunderjet de sno pro, étant donné la rareté de ces machines, la quête peut s’éterniser…

En période estivale, il roule uniquement en moto : « Mon plus gros problème lorsque j’ouvre la porte de mon garage est de me décider à choisir une machine pour ma virée. Quelquefois, je reviens pour changer de moto et retourne me balader! »

Quels sont les conseils de notre collectionneur à ceux rêvant de se constituer un perfect garage? « Il suffit de chercher et de ne pas se limiter à une marque ou un modèle. Présentement, je recherche une Ducati S4 et aussi une Yamaha MT-01. Qui sait avec quelle moto je vais me retrouver? » 

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