Buell 1125R 2009: maudite par le sort

Par Uwe WachtendorfPublié le

On peut affirmer sans se tromper que la 1125R a enfin permis à Buell de faire son entrée dans l’ère moderne. Mais avant de comprendre la vision qu’a Erik Buell de la modernité, nous avons dû surmonter la faillibilité humaine.

Comment un essai aussi prometteur peut-il avoir connu des débuts aussi difficiles ? De nombreux signes avant-coureurs nous avaient pourtant prévenus que notre romance estivale avec la Buell 1125R connaîtrait les mêmes difficultés que celles d’amants maudits par le sort. Mais comme c’est le cas pour toute relation reposant sur la confiance et l’engagement, nous avons dû persévérer, garder la foi et espérer que tout irait bien. Qui a dit que la monogamie était une sinécure ?

Notre plan pour l’essai à long terme 2009 de Moto Journal consistait à faire les choses simplement : cette année, nous ne ferions l’essai que d’une seule machine plutôt que de nous compliquer la vie en essayant de multiples modèles, comme nous le faisions par le passé. Cela signifiait qu’une seule moto aurait à jouer plusieurs rôles : elle devait transporter notre photographe, démontrer ses talents de moto de tourisme au long cours et être assez maniable pour une journée en piste. La discussion portant sur le choix de la moto qui s’acquitterait le mieux de ces taches fut brève. Uwe Wachtendorf suggéra la Buell 1125R et Neil Graham grogna en signe d’approbation ou de désapprobation, allez savoir. Mais cela a suffi à Uwe pour qu’il réserve la moto.

Compte tenu des critères entourant l’essai à long terme d’une moto, l’utilisation d’un modèle sport ne semble pas le choix qui saute aux yeux. Toutefois, selon son expérience au lancement de presse de la Buell 1125R 2009 (MJ février 2009), Uwe était convaincu que la Buell refroidie par liquide, une moto qu’il considère parmi les plus sous-estimées (et sous-appréciées) sur le marché, serait une bonne monture polyvalente. Malgré ses allures de sportive, la selle généreusement rembourrée et bien formée de la Buell ainsi que son guidon surélevé en font une machine qui fait le pont entre les motos standard et les sportives, en plein notre genre de moto.

Mais ce qui nous a complètement emballés, c’est que les critiques prétendaient que la 1125R était le genre de machine que Buell aurait dû construire il y a plusieurs années. Autrement dit, les anciennes Buells, de l’avis de plusieurs, ne pouvaient tout simplement pas être considérées sérieusement comme des machines sportives en raison de leur moteur issu de la Sportster de Harley-Davidson. Et il y toujours eu ce je-ne-sais-quoi d’incongru à propos des Buell. Aussi innovateur que le fondateur de la firme, Erik Buell, ait pu être en concevant un cadre et un bras oscillant faisant respectivement office de réservoir d’essence et de réservoir d’huile et des échappements surbaissés (une innovation où Buell avait une nette longueur d’avance, même si un style plus raffiné aurait été plus vendeur), le moteur à tiges poussoir à deux soupapes annulait, pour ainsi dire, le caractère innovateur de la machine.

En faisant abstraction de la technologie archaïque du moteur, une Buell pouvait se montrer extrêmement plaisante à piloter, grâce à son moteur bourré de couple à bas régime et à son empattement fort court. Ces modèles étaient peut-être incongrus, mais ils étaient divertissants. Mais le moteur a toujours constitué un compromis, n’affichant ni le caractère sophistiqué d’un bicylindre européen ni la précision à couper au couteau des multicylindres japonais. La 1125R est la première moto sans compromis conçue par Erik Buell. Le bicylindre de 1 126 cm3 est fabriqué par la firme autrichienne Rotax selon les spécifications de Buell (et ce n’est pas, comme certains le croient à tort, le même moteur qui propulse les modèles sport d’Aprilia ou la Spyder à trois roues), affiche une courbe de couple exceptionnellement linéaire et produit une puissance attribuée de 146 chevaux au vilebrequin.

Normalement, nous aurions dû publier notre introduction sur l’essai à long terme de la saison dans l’avant-dernier numéro, mais les circonstances entourant la prise de possession de notre modèle d’essai de l’année n’ont été rien de moins qu’exceptionnelles. Quand nous avons proposé l’idée de faire l’essai de la 1125R à Alex Carroni, notre contact chez Deeley Harley-Davidson Canada, elle s’était montrée enthousiaste. Alex est modeste et préfère que son nom ne soit pas mentionné, un choix que nous aurions respecté en temps normal, mais malheureusement pour Alex, elle est devenue un personnage clé de notre odyssée avec la Buell !

À l’insu d’Alex, la 1125R 2009 qu’on nous avait promise avait été louée à une entreprise de production cinématographique. Alex ignorait également qu’il y avait eu des pépins avec la moto jusqu’à ce qu’elle lui soit retournée. Pour des raisons connues uniquement du réalisateur, du scénariste et du reste de l’équipe de tournage, la Buell avait été suspendue dans les airs par une grue. Mais quelque chose s’était produit et elle était tombée et avait été détruite sur le coup. Nous avons eu vent d’une rumeur selon laquelle l’équipe de tournage aurait eu l’intention de détruire une moto, mais s’était trompée et avait utilisé la nôtre !

Quand nous avons appris la nouvelle, nous avons appelé Alex pour lui faire part de nos inquiétudes. Notre date de tombée approchait et nous comptions publier l’essai de la moto dans notre numéro de juin. Elle nous a rassurés en nous disant qu’une autre moto avait été réservée pour nous et que tout irait bien. Notre date de tombée arriva et passa, puis nous avons enfin reçu le courriel tant attendu d’Alex, courriel dans lequel nous nous attendions à apprendre que nous pouvions enfin prendre livraison de la Buell. Mais il contenait plutôt d’autres mauvaises nouvelles. Notre Buell de remplacement, le plan B, avait été lourdement endommagée dans un accident pendant son transport… Il était trop tard pour obtenir une moto à long terme d’un autre constructeur et nous avons demandé à Alex si elle avait un plan C. Avec deux modèles 2009 détruits avant même que nous ayons pu avoir l’occasion de les détruire nous-mêmes, en désespoir de cause, Alex pris des dispositions pour nous fournir un modèle 2008 neuf. Frustrés, nous lui avons répliqué par courriel : « Alex, vous êtes en train de nous tuer à petit feu ». Elle nous répondit du tac au tac : « Croyez-moi, c’est réciproque ».

Concédant qu’il valait mieux faire l’essai d’un modèle 2008 que de n’avoir aucune moto, nous nous attendions à pouvoir enfin passer aux choses sérieuses avec la 1125R. Mais pas si vite. Avant même de pouvoir l’obtenir, le nouveau modèle 2008 avait déjà besoin de réparations… Il devait subir une réparation suite à un rappel ainsi que deux procédures de réajustement, décrites dans l’industrie comme des mises à niveau de produits. Et puisqu’il affichait 758 km au compteur au moment de nous être livré, Deeley décida de lui faire faire un entretien préventif complet du 1 000 km.

Le rappel consistait à inspecter la conduite de frein avant pour vérifier l’usure sur l’aile puis d’installer une nouvelle griffe de fixation. Les mises à niveaux de produits permettant de transformer la 1125R 2008 selon les spécifications du modèle 2009 nécessitèrent toutefois plus de temps. Corrigés des défauts de la version 2008, les modèles 2009 sont livrés avec un système de programmation du module de gestion du moteur (MGM). Le MGM recalibré sur notre 1125R permettrait non seulement d’améliorer les démarrages à froid et les problèmes d’alimentation en carburant à basse vitesse, mais aussi d’accroître l’économie de carburant tout en réduisant la quantité de chaleur dégagée par le moteur. La deuxième mise à niveau effectuée sur le cerveau du moteur lui permet de gérer le raccord de charge des accessoires de la moto. En cas de problème avec le système de charge, le MGM peut désormais couper l’alimentation des accessoires afin de préserver le courant de la batterie. Cette mise à niveau comprenait aussi le contrôle du ventilateur de refroidissement au moyen du MGM. Au cours de la première année de production, les ventilateurs de refroidissement du radiateur du modèle 1125R 2008 continuaient de fonctionner longtemps après que le moteur ait été coupé, ce qui risquait de mettre la batterie à plat. En contrôlant la température du liquide de refroidissement en plus de la tension de batterie, les ventilateurs sont maintenant désactivés par le MGM avant qu’il ne soit nécessaire de marcher jusqu’à la maison…

Figurent également sur la liste des mises à niveau la reconfiguration de la conduite d’alimentation en carburant afin de résoudre un problème d’odeur de gaz persistante, le remplacement du mousqueton de la béquille latérale, qui avait tendance à briser, par une unité redessinée ainsi que l’installation d’une jauge de niveau d’huile comportant un marquage plus précis.

Même si notre Buell a fait l’objet d’un essai exhaustif, il n’en reste pas moins un certain nombre de différences entre celle-ci et le modèle 2009. Sans tenir compte de certaines différences esthétiques, telles que des composantes noires et la couleur du cadre, les modèles 2009 sont dotés d’un alternateur plus puissant, d’un indicateur du rapport engagé dans le tableau de bord ainsi que de points d’attache pour les bobines du bras oscillant qui permettent l’utilisation d’un support pour la roue arrière de style racing.

Ayant finalement en notre possession la 1125R pour le reste de l’année, nous avons pas mal de rattrapage à faire. Dans le prochain numéro, nous vous ferons part de nos premières impressions et nous vous dirons comment la moto a tiré son épingle du jeu en piste. Il s’agit sans doute de l’essai à long terme d’une moto le plus difficile à livrer dans les annales de Moto Journal; nous nous croisons donc les doigts pour que l’attente en ait valu la peine.

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