2009 Harley-Davidson Rocker C, étoile noire

Par Neil GrahamPublié le

2009 Harley-Davidson Rocker C, étoile noire

Même les plus solitaires d’entre nous reconnaissent que parfois, ils veulent avoir la présence d’un passager. Voilà pourquoi Harley-Davidson nous propose la Rocker C.

Il y un élément intangible dans chaque moto qui influence la manière dont elle est pilotée. Il se passe quelque chose lorsque vous vous asseyez sur une moto pour la première fois, qui guide la façon dont vous allez la conduire. Les pragmatiques qui essaient d’expliquer cette interaction vont citer l’effet de la position de pilotage sur la psychologie du pilote. Ils vont vous rappeler les expériences d’enfance avec les glissoires que vous alliez aborder les pieds en avant si vous vouliez vous sentir en sécurité. Ou, si vous aimiez les sensations fortes, vous alliez placer votre tête, la partie la plus vulnérable, en premier.

Pour pousser plus loin l’argument analytique, il y a aussi les limitations physiques de la machine qui restreignent la manière dont elle peut être utilisée. Mais aucun de ces arguments, aussi convaincants qu’ils puissent paraitre, ne peut expliquer pleinement la relation indéfinissable que les pilotes ont avec leur moto. Nous entendons souvent les pilotes décrire leur moto comme s’il s’agissait d’une personne, quelqu’un qu’ils ont appris à connaitre avec le temps et les expériences communes. L’insinuation est que ces machines ont un caractère, et tout comme nos relations avec nos amis, nos agissons en fonction de comment ce caractère nous fait nous sentir.

La Harley-Davidson Rocker C est un exemple de moto avec un caractère, mais savoir si vous vous entendrez avec ou non dépendra de comment elle vous fera vous sentir. Vous devrez vous demander si vous désirez descendre la colline les pieds ou la tête en premier. Certains motocyclistes ne vont jamais comprendre ce concept. Malgré ce qu’ils pensent, toutes les motos ne sont pas conçues et stylées sur la base de la simple fonction.

L’élément principal de la personnalité d’une moto est son moteur. Pour la Rocker, il s’agit du moteur principal de la gamme Harley, le Twin Cam 96B, refroidi par air, bicylindre en V à culbuteurs monté de manière rigide sur un châssis en acier tubulaire. En utilisant ce moteur autour du régime de son couple maxi (2750 tr/min), on obtient un pilotage doux, et de légers ajustements des gaz, même faits à basse vitesse, ne causent pas de montées en régime intempestives comme sur la plupart des motos à injection de carburant. Les vibrations non dérangeantes qui sont présentes aux faibles régimes moteurs deviennent à peine discernables une fois la machine sur la route. Même si les plus hauts régimes permettent d’obtenir un son plus riche, ils n’augmentent pas vraiment les performances, et pire, ils accroissent considérablement le bruit mécanique provenant du dispositif de commande des soupapes.

Malgré le temps très frais durant notre essai, la chaleur émise par le cylindre arrière de la Harley dans le trafic devint rapidement apparente et nous a fait nous interroger sur le niveau d’inconfort qui pourrait en résulter par une journée de forte chaleur. Le moteur était aussi assez assoiffé avec une consommation moyenne de 6,2 L/100 km (46 mi/gal) lors d’une variété de conditions d’utilisation différentes. La chaleur et l’essence mises à part, le Twin Cam 96B est un moteur capable et souple, avec une puissance adéquate pour toutes les conditions de circulation, mais plus à l’aise dans son rôle principal, celui de cruiser de boulevard. La Harley permettait à l’un de nos essayeurs de relaxer ses tensions nerveuses après une longue journée au bureau.

La transmission de la Harley, quant à elle, évoque moins de notions romantiques, les changements de rapport faisant un bruit d’interrupteur électrique industriel, un « clonk » puissant qui suggère que quelque chose de catastrophique va se produire. Puisque la Harley refusait de perdre des pièces derrière nous, nos craintes se sont avérées non fondées ! L’unité à six rapports fonctionnait bien, chaque changement de rapport se faisant avec une légère pression sur l’embrayage actionné par câble et une petite pression sur le sélecteur de vitesses. Le sixième rapport est considéré comme une vitesse surmultipliée (overdrive) — indiqué par un symbole vert OD dans l’indicateur de vitesse —, mais nous avons trouvé qu’il était trop long pour ce type de moto. Aux vitesses légales sur l’autoroute, le moteur fonctionnait mieux en cinquième, et en accélérant à la vitesse requise pour que l’OD semble approprié, la résistance au vent commençait à altérer le niveau de confort. Les cinq autres rapports sont bien espacés pour un usage urbain.

La priorité à la forme sur la fonction a ses coûts. Pour garder la roue avant dégagée, Harley a équipé la Rocker d’un simple disque avant. Bien que l’étrier à quatre pistons offre un feedback et une performance supérieures à la plupart des autres Harley à simple disque que nous avons essayées, il reste faible en comparaison des doubles disques utilisés sur les cruisers métriques. Combien de force de freinage supplémentaire pourrait être exercée sur le petit pneu avant de 90 mm et 19 pouces reste un débat ouvert à discussion. Il est déjà bien occupé à essayer de composer avec la masse substantielle de la moto (327 kg) et à rester en ligne avec le pneu arrière de 240 mm. À ce point de la discussion, les personnes « anticruiser » vont ajouter que de toute manière, les freins avant ne sont jamais utilisés sur ce genre de moto.

Pour imiter l’apparence de l’angle de chasse exagéré d’un chopper sans l’inconvénient d’un déport qui pénalise trop la direction, Harley a ajouté un degré d’angle de chasse dans la tête de direction. Malgré l’effort, l’effet d’un angle de chasse de 37 degrés et d’un déport de 157 mm se fait directement sentir. À très basse vitesse, la roue avant voulait se coucher sur le côté, mais dès qu’elle est en mouvement, elle ne voulait plus changer de direction. La maniabilité est aussi limitée par le pneu arrière de 240 mm qui requiert beaucoup de persuasion pour ne pas rester horizontal. Une fois penchée, la moto conserve sa trajectoire, mais des changements de direction ou ajustements additionnels exigent de l’effort. Avec le temps, nous nous sommes habitués à ces particularités de la Rocker, mais il faut s’en souvenir si vous faites l’essai de cette moto.

Par contraste avec le guitariste de musique rock qui donne des coups de pieds dans les haut-parleurs et casse sa guitare sur l’estrade, la Rocker tire son nom d’un élément de design de la moto. Pour satisfaire à l’apparence d’un cruiser sans suspension arrière, les ingénieurs de Harley ont inventé le Rockertail, un bras oscillant qui semble faire partie du châssis. La ruse fonctionne bien quand la moto est à l’arrêt, mais en route, toute la section derrière le pilote bouge, un détail que peuvent voir que ceux qui vous regardent rouler. En dépit de nos doutes initiaux, nous étions surpris du bon fonctionnement de cette suspension. Bien que la fourche de 49 mm soit trop molle (le moindre freinage l’écrase totalement), les amortisseurs horizontaux dissimulés fonctionnent bien et pour un cruiser, la Rocker adopte une conduite souple sur les bosses.

Cela aide bien aussi que la selle soit confortable; Harley conçoit des selles confortables de type tracteur et le confort en ville n’a jamais été un problème. Avec une hauteur de selle de 698 mm, la Rocker semblait disparaitre sous son pilote. Le seul inconvénient du siège était sur l’autoroute, où en roulant à 130 km/h, nous avions l’impression que nous allions partir au vent. Les repose-pieds avant sont également placés plus haut que la normale; bien qu’ils offrent un petit avantage pour la garde au sol, ils contribuent aussi à exposer le pilote au vent.

Pour la majorité des pilotes, le sujet des béquilles de Harley ne serait jamais soulevé, mais pour l’un des essayeurs de MJ c’était un défi. Lorsque la béquille est baissée, un morceau de métal se loge dans un compartiment sur le haut de la béquille, ce qui empêche la moto de rouler et tomber de sa béquille. Le hic, comme un essayeur a pu le constater, c’est que le système a beaucoup de jeu, ce qui fait que la moto bouge quand le système est enclenché. Le problème de notre essayeur est qu’il avait une peur bleue d’endommager une moto de 25 000 $, et n’arrivait donc pas à se résigner à lâcher le guidon avant d’être complètement certain que la moto n’allait pas tomber. Le fait que la béquille n’ait pas de système de sécurité qui empêche d’engager un rapport pendant qu’elle est encore déployée est un autre sujet.

Pour différentes raisons, nos pilotes se sont tous plaints des commandes de clignotants. Un essayeur trouvait que l’utilisation du pouce sur la main qui tient l’accélérateur pour indiquer un virage à droite lui faisait couper les gaz. L’autre n’avait pas de problème avec leur localisation mais avec la manière dont ils fonctionnent. Les boutons mous ne donnaient pas d’indication claire concernant leur mis en marche et obligeaient le piloter à vérifier visuellement que le clignotant avait bien était mis en fonction. Puisque le bureau des plaintes est ouvert, poursuivons : les rétroviseurs étaient du type demi-vue; la moitié de la vue était la route et l’autre moitié le bras du pilote. Le compteur de vitesse, également monté sur le réservoir, était orienté vers l’entre-jambes du pilote, pour des raisons que nous ne comprenons toujours pas. Mais au sommet de la liste des plaintes figure la clé du contacteur. La clé en forme de tonneau ressemble à celle des antivols de vélo, et elle est très difficile à prendre, mais l’ennui, c’est que quand le contacteur est en position off elle tombe sur le sol à moins que vous ne soyez prêt à la rattraper.

Souhaitant rendre possible le transport d’un passager même sur un design épuré, Harley a placé une selle repliable. En basculant le siège du pilote vers l’avant, il est possible de déplier un support, qui peut ensuite recevoir un siège passager (rangé dans une poche en dessous du siège conducteur) qui se monte sur ce support. Même si ce siège de la grandeur d’un timbre-poste serait plutôt adapté à un super modèle, il a pu accommoder seulement très provisoirement Uwe Wachtendorf qui devrait, dit-il, changer complètement de style de vie pour pouvoir s’y habituer…

Nous ne sommes pas certains de la raison pour laquelle une Harley dénudée devrait être vendue si cher, mais si vous voulez vraiment sauver quelques milliers de dollars, vous pouvez opter pour la Rocker de base. À 22 259 $, elle se dispense de la plupart des accessoires chromés ou peints de la même couleur que la moto trouvés sur le modèle C, mais à part ça, c’est une moto identique. Même si la Harley-Davidson Rocker C ne s’approche pas des performances des meilleurs cruisers, elle se démarque grâce à son design. Son moteur est solide comme le roc et sa suspension est mieux adaptée aux routes citadines défoncées que celle de beaucoup d’autres cruisers que nous avons essayés. La Rocker n’est certainement pas pour tout le monde, mais dans la moto il n’y a pas un meilleur choix, il y a seulement votre choix.

En Selle
La Rocker C est une allégorie de la vie. Elle incarne la dichotomie qui existe entre l’attraction et la révulsion, et la ligne floue qui sépare le bon du mauvais. Lors de mon premier essai, j’ai trouvé qu’elle se maniait horriblement et que ses freins étaient pathétiques; je me suis mis à avoir du ressentiment quant à passer plus de temps sur cette abomination… Mon opinion s’est détériorée davantage durant notre séance de photos quand de multiples virages en U sur des rails de tramway ont fait glisser la roue avant très mince comme un patin non aiguisé. Je l’aurais joyeusement jetée en bas d’une falaise (ayant bien sûr débarqué à la dernière seconde). Ensuite, quelque chose d’étrange s’est produit. J’ai commencé à développer un lien avec la machine et à accepter ses particularités. Certaines motocyclettes très anticipées peuvent décevoir, tandis que celles qu’on déteste au début peuvent finalement s’insinuer dans nos bonnes grâces. Bien que nous soyons payés pour évaluer objectivement la Rocker C en nous fondant sur sa performance, ce n’est pas le standard par lequel nous la jugeons. Ceux qui sont obsédés par l’excellence de la performance d’une moto devraient regarder ailleurs; la Rocker C est faite pour ceux qui achètent une machine avec leur cœur, pas avec leur tête.
Uwe Wachtendorf

Quand on parle de style, Harley-Davidson se trompe rarement et a le tour de demeurer légèrement au-devant de sa clientèle conservatrice. De la Fat Bob aux Heritage Specials, Harley sait ce que le public désire avant même que le public sache ce qu’il veut. Mais la Rocker ne forme pas un créneau aussi distinct que les autres modèles. Mécaniquement, elle fonctionne bien, une fois qu’on fait abstraction des particularités affectant normalement les cruisers; en fait, le confort et les virages fluides ont été sacrifiés au profit du style. Mais c’est justement son allure qui ne fonctionne pas. Garez la Rocker près d’une Honda Fury et elle paraîtra terne. La Rocker donne l’impression d’être une moto de compromis, comme si une équipe l’avait conçue avec l’objectif de plaire à tous ceux qui étaient concernés, tandis que la Honda est issue d’une seule vision. Du moins, c’est l’impression que j’ai. Mais au-delà de cela, je crois que je commence à en avoir assez des sacrifices exigés par les cruisers. J’en ai assez d’avoir mal au derrière à cause d’une suspension limitée et d’être obligé de m’accommoder d’une tenue de route approximative à cause de pneus de dimensions ridicules. Ça ne me dérange pas de payer plus pour le style, mais à 25 000 $, c’est un trop gros prix à payer.
Neil Graham

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