Honda CBF1000 2008, le compagnon de voyage ultime

Par Neil GrahamPublié le

Honda Canada pose la question à laquelle nous n’avions jamais pensé : qu’est-ce qu’une aventure et est-il possible d’en vivre une sans souiller ses pantalons ?

Quand nous avons reçu l’invitation de Honda Canada pour assister au dévoilement de la CBF1000 le printemps dernier, nous étions un peu surpris du choix des mots fait par Honda. Selon la documentation, on nous parlait d’une motocyclette « d’aventure ». « Aventure » est décidément un mot nébuleux référant autant à l’escalade d’une montagne qu’à manger des insectes couverts de chocolat ! Mais dans le monde de la motocyclette, du moins jusqu’à aujourd’hui, l’idée d’aventure ne réfère à rien de très précis.

Lorsque BMW a lancé sa série GS en 1980, elle paraissait ridicule, avec son moteur Boxer géant installé dans un grand châssis de moto de route modifié pour une utilisation hors route. Elle avait l’air maladroite et aurait probablement été un désastre commercial si elle n’avait pas fonctionné aussi bien. Mais le succès de la GS n’était pas dû seulement à ses capacités. Comme les fabricants de motocyclettes sport se servent de leurs succès sur les circuits de course pour vendre des bolides qui, dans la plupart des cas, ne seront jamais utilisés sur des pistes, la GS titillait les rêves d’un différent type de passionné. Il y en a peu d’entre nous qui irons de l’Arctique au Mexique ou du sud de l’Afrique à l’Europe avec leur motocyclette, mais le fait d’avoir une GS dans le garage semblait nous assurer que tout était possible. Une grande part de la fantaisie était la capacité de pouvoir rouler sur toutes sortes de terrains, routes pavées, sentiers poussiéreux, cols en montagne. La fantaisie nous poussait à croire que l’autoroute n’était pas l’endroit où rouler.

Mais, fantaisie à part, la GS et la plupart des imitations qui ont été mises en marché par après ne sont pas vraiment bien adaptées aux routes en terre, du moins pour les habiletés de la majorité des motocyclistes. Ce n’est pas pour rien que les motos tout-terrain sont habituellement légères et de petite cylindrée, car rouler sur des bosses et des chemins sablonneux avec une moto de 1000 cm3 fait de ce qui devrait être plaisant une tâche ardue. Donc, si des capacités de route cahoteuse (si ce n’est pas tout-terrain) font partie de l’équation (la GS et ses imitations les possèdent avec aplomb), comment donc Honda peut se permettre de qualifier une moto de route munie d’un moteur de superbike déclassé une moto « d’aventure » ? Une partie de la réponse est que Honda la définit clairement comme moto d’aventure, pas une moto de tourisme d’aventure, qui sont des bolides mixtes à gros alésage.

En périphérie de vision, nous avons aperçu une enseigne le long d’une route secondaire qui nous a fait arrêter. L’enseigne avertissait que le chemin allait être sinueux et cahoteux durant les 16 prochains kilomètres. Si nous avions été en train de piloter des motocyclettes de tourisme sportif, nous aurions probablement continué notre trajet sur la route principale, mais étant donné qu’on nous parlait d’aventure, nous avons emprunté ce petit chemin. Il était assez sablonneux, cahoteux, étroit et vallonné pour faire lever la roue avant à plusieurs reprises, mais à un moment donné, il a disparu complètement, et nous devions rentrer nos bras pour éviter les branches. En apercevant un ruisseau traversant le chemin (c’était plutôt un sentier !), nous avons décidé de rebrousser chemin. Malgré cela, nous avions prouvé notre théorie, à savoir que la CBF est également une moto de route médiocre remarquable. Ce que nous croyons que Honda veut dire est qu’il y a différentes manières d’être aventureux. Peut-être que Honda Canada, poussé par le succès de sa merveilleuse CBR125R, s’est senti apte à interpréter la langue comme elle le veut, un peu comme le président Clinton lorsqu’il a redéfini à jamais l’expression « relations sexuelles ».

Aussi stupéfiant que cela puisse paraître, 2009 marque le 40e anniversaire de la CB750 1969, l’un des grands tournants dans le monde de la motocyclette. L’expérience de conduite que procure la CBF1000 donne vraiment l’impression qu’elle est équipée d’un moteur qui a subi 40 ans de raffinements. Les détails ont peut-être changé, comme l’eau qui remplace l’air pour le refroidissement et quatre soupapes par cylindre plutôt que deux, mais ce moteur demeure un véritable bijou. Dérivé de celui de la génération précédente de la supersport CBR1000RR, il produit, dans la CBF, ce qui semble être un maigre 97 ch, mais s’il ne laisse pas la moto atteindre des vitesses incroyables, il lui insuffle du tonus en vitesse moyenne. Son poids affiché tout de même modéré de 250 kg (551 lb) permet de traverser un village à 40 km/h en rapport élevé si jamais vous avez oublié de rétrograder. Il est surprenant de constater à quel point le moteur reconfiguré de la CBR paraît avoir beaucoup plus de muscle dans la CBF, car son couple le plus important se produit lorsque la moto roule à des vitesses normales, les vitesses qu’on utilise en général le plus souvent.

À 100 km/h, le moulin vire à 4000 tr/min, tandis qu’à des vitesses plus élevées, une vibration légère et à haute fréquence se fait ressentir des repose-pieds au guidon, mais elle n’empêche pas d’apprécier la performance générale du moteur. Avec un prix de base de 11 999 $, la CBF1000 (le prix et les caractéristiques demeurent inchangés pour 2009) est offerte avec un choix d’options utiles comme des sacoches de 33 litres de couleur assortie (1179,99 $), des poignées chauffantes (299,99 $) et des déflecteurs pour protéger les mains (99,99 $). La moto que nous avons testée était également munie d’un GPS Garmin Zumo 550 (879,99 $), disponible dans le catalogue d’accessoires de Honda, l’un des appareils GPS les mieux adaptés à la motocyclette sur le marché. Son avantage est d’être portable (contrairement au GPS intégré de la Gold Wing), donc il est possible de l’utiliser sur d’autres motos.

Les sacoches sont bien conçues, se fixent correctement sur la moto et sont faciles à manipuler. Mais comme la plupart des sacoches en plastique, elles se grafignent facilement, même par une botte qui les effleure en fourchant la moto. Par contre, elles sont d’une bonne dimension, car l’échappement bas n’impose pas de petites sacoches. Les poignées chauffantes et les déflecteurs étaient appréciés, particulièrement un matin d’automne où il faisait à peine plus de zéro degré… Les poignées chauffantes fonctionnaient assez bien (même si elles sont plus épaisses que des poignées normales), mais nous aurions aimé qu’il y ait un niveau de chaleur encore plus élevé, ce que seulement BMW semble avoir compris (BMW comprend qu’à la fin du mois d’octobre, pour réchauffer efficacement les doigts à travers des gants épais, il faut que les poignées deviennent assez chaudes pour faire fondre de l’acier).

Le temps froid a révélé les limites des déflecteurs. Par temps chaud, ils empêchaient le vent de s’abattre sur le torse, mais en automne bien avancé, ce n’était pas assez. Le propriétaire qui désire allonger la saison au-delà des mois chauds devrait se procurer un plus grand pare-brise, car même si celui de série est ajustable (manuellement), il ne monte pas assez haut. Même penché sur le réservoir d’essence, on ne réussit pas à éviter la brise. La position de pilotage sur la CBF est l’une des plus neutres et équilibrées que nous avons vues. Les repose-pieds sont bas et ne nuisent pas excessivement aux genoux, les mains atteignent le guidon facilement en penchant légèrement le torse et la selle est large, offrant un bon appui tout en étant ajustable (trois hauteurs de 780 à 810 mm ou 30,7 à 30,9 po). Avec ses flancs étroits et son poids modéré concentré dans le bas, la CBF semble plus légère qu’elle ne l’est. Si vous avez toujours été intimidé par la grosseur des motos de tourisme, la CBF pourrait vous intéresser.

Sur le tableau de bord, on trouve des indicateurs analogiques, ce qui est plaisant, mais les accessoires esthétiques en faux carbone couvrant le panneau de bord (59,99 $) et le bouchon du réservoir d’essence (57,99 $) sont des options frivoles. Plutôt que d’avoir ces décalques, la plupart des motocyclistes rencontrés dans des stations-service et lors de soirées motos auraient mieux aimé un sens du style plus distinct. « Pourquoi l’ont-ils faite aussi peu intéressante ? » demandait le propriétaire d’une Triumph Sprint ST. Un autre homme, après nous avoir questionnés sur les capacités de la CBF, souhaitait qu’elle ait l’air plus belle dans une couleur plus vivante que le noir de notre modèle d’essai, mais il allait y jeter un coup d’œil plus sérieux chez son concessionnaire. (Il faut s’assurer que ce soit un concessionnaire Centre Honda qui ne vend que des produits Honda, car ce modèle n’est pas disponible chez les concessionnaires à marques multiples.)

Le système de freins liés de la CBF, une particularité de Honda, est combiné avec ABS. Même s’ils semblent ne pas être très appréciés, si l’on se fie à ce que les gens écrivent dans les forums Internet (souvent par des personnes qui ne les ont, nous croyons, jamais utilisés), le raisonnement derrière leur utilisation est sensé. Si l’on appuie sur la pédale de frein, les freins arrière et avant sont activés. Si vous vous servez du frein avant dans la plupart des situations, comme vous le devriez, vous remarquerez à peine le fonctionnement du système (bien que le levier du frein avant agisse partiellement sur l’étrier arrière), mais si vous êtes hésitant quant à l’emploi exclusif du frein avant, le système de freins liés pourrait être une bonne chose. L’ABS de la CBF fonctionne bien, produisant une pulsation à peine perceptible dans le levier. Dans un virage en tête d’épingle intense, couvert de feuilles mouillées, l’ABS a fait en sorte qu’une situation potentiellement dramatique ne produise que quelques palpitations cardiaques mineures ! Il nous a également permis de filer à toute allure sur des chemins de terre.
 
Oui, nous l’avons essayé sur des chemins de terre et la CBF se pilotait fort aisément. Sur le gravier bien tapé, la direction neutre de la CBF demeurait remarquablement précise, donc nous pouvions conserver notre vitesse quand il n’y avait plus de bitume. Elle agissait de façon prévisible lors de virages pris avec la roue arrière : il s’agit d’appuyer très légèrement sur les freins au début du virage et ensuite donner juste assez de gaz pour effectuer un dérapage contrôlé, une expérience plaisante s’il en est une, surtout si l’on considère que c’est un quatre cylindres avec des roues de 17 pouces. Le centre de gravité relativement bas de la CBF explique en grande partie ses prouesses hors route, mais il est tout de même issu d’une suspension de moto de route, ce qui veut dire qu’il faut éviter les sentiers de VTT ou tout ce qui est encore plus cahoteux. Si vous vous en tenez aux plus grands chemins forestiers et aux routes non pavées à deux voies, vous vivrez le genre d’aventure promise par Honda. Les pneus radiaux Michelin Pilot Road roulaient très bien sur les routes pavées et non pavées, et si nous avions dû les remplacer, nous aurions choisi le même modèle.

Après avoir négocié le trafic urbain (ce que la CBF a très bien fait grâce à une calibration d’injection de carburant très précise), s’être attaqué aux routes de campagne, bourdonné sur les autoroutes et, oui, tenté notre chance sur des chemins de terre peu utilisés, la question est de savoir quelle sorte de motocyclette est la CBF1000, exactement ? Malgré ce que prétend Honda, elle n’est pas tout à fait aussi aventureuse que ses rivales de tourisme sportif, même la nouveauté 2008 de Honda, la Varadero. Elle ne possède tout simplement pas assez de garde au sol ni de pneus assez agressifs pour aller là où ses grosses rivales vont. La CBF ne correspond pas vraiment à la définition d’une moto de tourisme sportif moderne, car ce segment est rempli de motos munies d’une bonne protection contre le vent en plus d’avoir des sacoches de dimensions standard. La CBF est plutôt la plus récente interprétation d’une vieille idée : la motocyclette japonaise universelle.

Avec une plus grande spécialisation dans chaque catégorie de motocyclette, le concept de la moto japonaise universelle est relégué aux oubliettes depuis quelques années. Par définition, une motocyclette qui fait beaucoup de choses raisonnablement bien, n’en fera pas une de façon exceptionnelle et en tant qu’amateurs de motocyclettes, nous avons choisi des bolides qui excellent dans un domaine tout en sacrifiant tout le reste. Selon cette perspective, la CBF1000 est un retour en arrière. La consommation de carburant de 6,1 L/100 km (46 mi/gal), avec un réservoir de 19 litres, permet de faire 300 km avant de faire le plein.
 
Si vous enlevez les sacoches, elle vous dévoilera son héritage sportif sur les petites routes sinueuses; passez en sixième vitesse et elle vous mènera, vous et votre passager (la selle arrière a reçu d’excellents commentaires de la part de passagers) au Cap-Breton; allez magasiner et elle vous facilitera la vie dans les stationnements de centres commerciaux chaotiques. Elle offre un bon confort, sa puissance est plus qu’adéquate et son prix de base la place exactement entre des motos avec lesquelles elle sera inévitablement comparée, soit la Yamaha FZ1 et la Suzuki Bandit 1250. La première est une moto roadster plus performante également basée sur une supersport et la seconde est une moto générale abordable, mais ce genre de moto est de moins en moins populaire. La Honda CBF1000 nous démontre qu’il est temps de considérer une vieille idée avec un nouveau regard.

En selle

Plus je roulais avec la CBF1000, plus j’étais confus. Elle fait efficacement tout ce qu’on lui demande. Elle permet de voyager et d’effectuer le train-train quotidien, elle se laisse aller sur les routes de campagne et se comporte sagement dans la circulation. Mécaniquement, elle est presque parfaite. Et c’est justement là où se situe ma seule réserve. J’aurais aimé que Honda crée une machine qui touche l’émotion en moi. La CBF est tellement froidement efficace que je me suis trouvé à vouloir qu’elle me dévoile la main du concepteur, soit une composante à la forme originale ou une sonorité d’échappement particulière ou n’importe quel détail qui me ferait penser qu’il y a un concepteur qui est aussi un passionné de la moto au Japon. Mais ce n’est pas tout le monde qui apprécie les mêmes choses que moi. Les excentricités peuvent être des défauts pour d’autres. Si vous êtes un motocycliste qui veut rouler beaucoup et qui aimerait que la moto disparaisse sous ses jambes, eh bien, vous serez très bien servis avec la CBF1000.
— Neil Graham

À part avoir été quelque peu perplexe devant la décision prise par les gens de Honda Canada de présenter la CBF 1000 à titre de moto d’aventure, j’applaudis leur décision de présenter cette incarnation moderne de la UJM (moto universelle japonaise) au Canada. Les spécialistes des fiches techniques vont sûrement écarter la CBF à cause de son piètre 97 ch et les mordus de la mode n’y jetteront pas un second regard sur le plancher de la salle d’exposition, mais ceux qui sont assez sages et assez connaisseurs pour passer outre à ces « défauts » seront bénis grâce à cette monture qui fait tout, et assez bien merci. Particulièrement digne de mention, le moteur étoile de la CBF est très possiblement le moulin le plus convivial de tout le monde de la moto. Bien qu’elle ne soit pas la plus rapide, la plus voyante et la plus confortable offre sur le marché, si vous avez de l’espace dans votre garage pour seulement une moto de rue, vous vous devez d’accorder une sérieuse considération à la CBF.
— Michel Garneau

C’est incroyable de voir ce que le battage publicitaire d’un fabricant peut vous faire faire ! Il n’a fallu qu’une visite du site de Honda laventureattend.ca pour me vendre l’idée de la grande aventure proposée par la firme, en plus de suggestions pour la conduite et l’entretien. On y trouve même quelques trajets dans différentes parties du pays, conçus pour les modèles CBF1000 et Varadero, destinés au marché canadien seulement. J’ai mordu l’hameçon et mené immédiatement la CBF sur des routes sur lesquelles je n’oserais jamais rouler avec une moto de route de série libre, soit de petites routes de gravelle sinueuses. À part la poussière que je voyais dans mes rétroviseurs (qui remplissent d’ailleurs correctement leur rôle), la sensation n’était pas vraiment différente que sur l’asphalte. La CBF était neutre, droite, virait sans effort et inspirait la confiance, sans oublier qu’elle négociait de longues courbes avec fluidité et beaucoup de contrôle. Ce n’est pas une révélation, car plusieurs motos de route gèrent les routes non pavées assez bien (demandez à Max Burns). Mais le fait que Honda ait incité les motocyclistes à se rendre au-delà de ce qu’on voit sur une carte (ou sur un GPS, comme celui qui était sur notre moto d’essai) était tout ce qu’il fallait pour que je tente la veine exploratoire avec cette moto. La campagne publicitaire « Aventure » de Honda n’est pas une nouveauté; le département de marketing du fabricant essaie seulement de vous dire de sortir des sentiers battus et de rouler vers des endroits que vous n’aviez jamais considérés auparavant. Et Honda offre une assez bonne motocyclette pour le faire.
— Costa Mouzouris

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