Ducati 1198S 2009, l’égalisateur

Par Neil GrahamPublié le

Neil Graham espère que le système antipatinage l’aidera à combler ce qui le sépare du champion mondial à la retraite Troy Bayliss. Après tout, à quelle vitesse peut filer un retraité ?   

David Owen, sur son profil de Tiger Woods dans le New Yorker du mois d’août 2000, disait ceci du golf : « Les golfeurs de fin de semaine qui assistent à un tournoi professionnel pour la première fois sont souvent impressionnés par la qualité époustouflante des coups des pros, et il se rendent compte que le golf professionnel et le golf amateur, malgré des ressemblances superficielles, sont deux sports totalement différents. » Ainsi, malgré le fait que le champion en titre du World Superbike Troy Bayliss et moi-même pilotions des motos identiques, sur le même circuit, au même moment, rien d’autre que la direction de notre trajet ne laissait penser que nous pratiquions la même activité. Lors du lancement de la Ducati 1198S sur le circuit Algarve près de Portimao, dans le sud du Portugal, il me doubla si vite à la fin du premier droit, qu’il était déjà passé avant même que j’ai constaté sa présence.
 
Mais tandis que les golfeurs amateurs vont continuer de labourer le terrain et d’envoyer leurs balles dans les buissons, la venue de dispositifs électroniques perfectionnés sur les motos modernes promet de combler le fossé entre Bayliss et le reste du monde. Cette idée bien séduisante – gagner par la technologie ce qui nous manquait à la naissance – est-elle trop belle pour être vraie ?
  
Piloter une moto de course, bien que cela semble assez élémentaire vu des estrades, est autant affaire de sensibilité que de jouer d’un instrument de musique. Bayliss, filmé au ralenti, glisse et penche sur la piste comme une Buick sur un stationnement de Canadian Tire glacé, et c’est son talent à orienter les réactions de sa motocyclette qui le rend si rapide. Pour les gens ordinaires pas spécialement doués à la naissance, donner de l’accélérateur sur une moto inclinée au point culminant d’un virage peut avoir des résultats désastreux. L’instant critique, pour ceux d’entre vous assez futés pour ne pas l’avoir personnellement vécu, arrive lorsqu’une poigne trop forte sur l’accélérateur fait que le pneu arrière patine, glisse, puis fige, alors que le pilote pétrifié part en orbite et s’écrase lourdement au sol. Il suffit que cela vous arrive une seule fois pour ne plus vouloir recommencer.
 
Le contrôle de traction de Ducati (DTC) ou système antipatinage d’accélération, tel qu’il équipe la 1098R de l’an dernier et la plus accessible 1198S de cette année, marque la première migration d’une technologie réelle du circuit à la route. En direction de ma première session au nouveau circuit portugais, je me sentais incertain et sur mes gardes. Incertain de mon succès dans l’apex des virages, et sur mes gardes, car je me méfie toujours de ce qui semble trop beau pour être vrai. Imaginez que votre conjointe vous déclare, toute sereine, qu’elle ne verrait pas de problème – et serait même d’accord – à ce que vous ayez une relation sexuelle avec la prof de gym du voisinage. Seul un imbécile tomberait dans le panneau avec une bouteille de Chablis et un iPod rempli de chansons de Al Green. La plupart des gens la suspecteraient plutôt d’infidélité et se retireraient pour réfléchir à une réponse appropriée.
 
Le système DTC comporte huit profils préprogrammés qu’on choisit par un sélecteur à gauche sur le guidon. Le décalage horaire et la nervosité de piloter une superbike sur une piste étrangère m’empêchant de trouver le bon menu et le profil approprié, j’importunai un employé de Ducati pour m’aider, qui se montra amical mais méfiant face à ma propre méfiance envers lui. Bien qu’il m’assura que toutes les machines sont préréglées à la position 4, je ne lui faisais pas confiance. Je craignais que la nonchalance latine ait pu négliger ma monture, et je ne voulais pas me retrouver dans un hôpital portugais avec la clavicule fracturée, en lisant une carte attachée à un bouquet de fleurs : « Désolé, le contrôle de patinage de la moto d’essai s’est malencontreusement interrompu. Prompt rétablissement. »
 
Avec mon assistant, je sélectionnai la position 8, la plus intrusive. Le système comporte des capteurs dans les roues avant et arrière qui comparent les différences de vitesse et détecte si la traction se relâche. En position 8, la moindre différence fait que le système prend le contrôle de l’admission et de l’allumage, et coupe la puissance jusqu’à retrouver la traction. Ce système DTC sur la 2009 a sensiblement changé par rapport à celui de la 1098R 2008. L’an dernier, il fallait rouler à pleins gaz (donc seulement sur circuit) car il ne fonctionnait qu’un interrompant l’allumage, ce qui entraînait une perte d’essence directement dans l’échappement – ce qui n’est pas une option avec un pot d’échappement légal sur route équipé d’un catalyseur. Mais la 1198S représente un progrès, car son contrôle simultané de l’admission d’essence et de l’allumage s’utilise aussi bien avec un pot d’échappement de série.
 
À mon premier tour de piste, je me préoccupais surtout de reconnaître les virages vers la gauche de ceux vers la droite, mais même en roulant modérément, les voyants du tableau de bord indiquant l’entrée en fonction du DTC s’allumaient régulièrement. Quatre voyants s’allument progressivement : le premier indique un patinage mineur tandis que tous les quatre signifient que vous êtes en dérapage contrôlé et qu’on vous offrira un contrat pour la saison prochaine du championnat mondial. Étonnamment, les voyants ne s’allumaient pas toujours quand on s’y attendrait, comme à la sortie d’un virage en enfonçant les gaz. J’étais surpris de voir les petites lumières prendre vie de gauche à droite alors que l’accélérateur restait stable, et de nouveau dans un long virage rapide vers la droite. Ces voyants visent à vous conforter et justifier un prix d’achat de 26 995 $ (le prix de base de la 1198 est de 19 995 $) mais je les ai trouvés un peu inquiétants. Est-ce que toutes les motos patinent autant ? Leurs roues glissent-elles constamment et je ne m’en suis jamais aperçu ?
 
Au fil de la journée, le réglage du DTC en position 4 atténua un peu la sensibilité des voyants, attirant moins l’attention, mais malgré que je sache que le système fonctionnait bien, je restais méfiant. C’est une chose de discuter confortablement, une eau minérale à la main dans le paddock, qu’on peut ouvrir les gaz impunément, et une autre de le faire pour vrai, votre genou frôlant le sol à toute vitesse à l’apex d’une courbe. J’avais souhaité gagner confiance dans le système et abaisser mes hésitations, mais on n’efface pas si facilement les expériences d’une vie en un seul après-midi. Au lieu de cela, j’hurlais dans mon casque, tordant les gaz au maximum, mon genou presque par terre, m’attendant au pire. Les quatre voyants allumés, la 1198S négocia le virage et me propulsa si vite vers la courbe suivante que je faillais sortir de piste et me retrouver dans la trappe de sable si bien entretenue, le cauchemar de tous les golfeurs malhabiles et motocyclistes du monde. Étonnamment, bien que le système soit réglé presqu’à son niveau maximum, je ne sentais pas sa présence. Le moteur n’hésitait pas et les réactions de la moto n’en souffraient pas non plus.
 
Par ailleurs, la 1198 ressemble à une 1098 gonflée de 100 cm3. La 1198 de base n’est pas équipée du système antipatinage de la 1198S, et ses composantes de suspensions Showa remplacent les Ohlins de la S. (Le troisième membre de la famille est la 1098R de 1198 cm3, qui en 2009 n’est offerte qu’en réplique Troy Bayliss, une édition limitée à 500 exemplaires, au prix respectable de 48 995 $.)
 
Les versions 1198 et 1198S partagent un moteur développant 170 chevaux à 9 750 tours et 97 lb-pi de couple à 8 000 tr/min. Malgré sa gamme de puissance linéaire, marque de commerce des bicylindres Ducati, la 1198 est la première Ducati que je vois approcher la furie des superbikes japonais. La 1098, surtout avec sa position de conduite ramassée et sa vive maniabilité, se comporte beaucoup comme une superbike bicylindre japonaise, et son surplus de puissance actuel l’en rapproche encore davantage. La 1198 développe 10 chevaux de plus que la 1098 et seulement 10 de moins que la 1098R.

Ormis l’alésage et la course augmentés et les soupapes d’admission et d’échappement plus grandes, le développement le plus important est le nouveau procédé de coulée sous pression des culasses (introduit sur la 848 l’an passé). Dans le procédé Vacural, les moules sont soumis au vide afin de réduire la porosité du métal en retirant les gaz qui y sont emprisonnés. Avec ce matériau plus fiable, on peut réduire l’épaisseur des parois et épargner 3 kg de masse totale.

La 1098 ne manquait pas de puissance de freinage, et la 1198 continue dans cette lignée avec ses étriers monobloc Brembo féroces, taillés d’une seule pièce dans l’alliage pour conserver leur rigidité. Avec sa paire de rotors de 330 mm et quatre pistons de 34 mm par disque, le freinage est immédiat sous une légère pression du doigt.
Ducati a importé le tableau de bord numérique de sa MotoGP directement sur la 1198S, mais bien que son rétro-éclairage soit d’un blanc plus brillant, je trouve toujours son tachymètre graphique difficile à déchiffrer quand on roule à pleine vitesse. Dommage que les tachymètres à cadran soient démodés, car malgré ce qu’en disent les fabricants, ils se lisent beaucoup mieux. Et je ne suis pas le seul de cet avis. Durant le souper avec d’autres journalistes, rares sont ceux qui ont porté attention aux révolutions. « Il y avait un tachymètre ? » a même dit quelqu’un.
 
Pour les pilotes qui aimeraient savoir pourquoi leur temps au tour est supérieur de 15 secondes à celui de Troy Bayliss, la 1198S est dotée de série d’un analyseur de données (Ducati Data Analyzer, en option sur la 1198). Il recueille une masse d’information comme l’ouverture des gaz, la vitesse de roulement, les révolutions, le temps au tour, la sélection des rapports et l’intervention de l’antipatinage. Après la session, on transfère cette information dans un PC afin de comparer les différentes sessions.
 
La 1198S coûte cher, mais elle en donne pour votre argent. Qu’un petit fabricant comme Ducati réalise une réplique MotoGP (la D16RR) pour la route et soit à présent le premier à offrir un antipatinage perfectionné démontre que les marques japonaises se sont laissé distancer. L’antipatinage est indubitablement l’avenir des sportives, celles-ci étant à présent si perfectionnées que tout ce qu’il reste à faire est de les rendre plus accessibles à davantage de conducteurs.
 
Mais malgré toutes ses qualités, le système antipatinage ne dispense pas de faire attention. Bien qu’il soit effectivement plus sécuritaire, il est aussi tentateur. Une journée sur un circuit m’a permis d’en tâter les possibilités, mais après un été complet je crois bien que je pourrais filer d’un virage à l’autre à des vitesses inouïes. Et voilà la difficulté : en dépit de ses mérites, le système ne sert à rien quand on freine ou qu’on tourne. Il n’en tient alors qu’à vous-même, comme me l’a confié Bayliss quand je l’ai interrogé sur l’antipatinage de sa moto. « L’antipatinage ne dispense pas du contrôle par le pilote. J’ai chuté plusieurs fois, et pourtant le système antipatinage de ma coursière est encore plus sophistiqué que sur celle-ci. » Des propos éclairants d’une source avisée, qui confirment ce que nous savions déjà : peu importe la technologie, le talent du pilote compte davantage. Toutefois, lorsque l’habileté se fait moins fertile, une petite intervention technique est la bienvenue.

 

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