Aprilia SMV750 Dorsoduro, maxi motard à la sauce italienne

Par Alan CathcartPublié le

La révision en profondeur de la gamme des modèles Aprilia gagne du terrain grâce au bicylindre SL750 Shiver dont le lancement en Europe l’an dernier constituait le hors-d’œuvre de ce festin de nouveaux modèles. La Shiver 750 sera offerte au Canada cette année (voir l’encadré), mais l’Europe bénéficie encore une fois d’une longueur d’avance en raison du lancement de la SMV750 Dorsoduro dévoilée pour la première fois au Salon de Milan en novembre dernier. Dorsoduro est le nom de l’un des six districts sestiere près de Venise, en Italie, mais Dorsoduro en italien signifie également « dos dur » (comme dans : « je suis un survivant »), un nom qui sied parfaitement à cette moto totalement polyvalente. Ce supermotard de type street rod aux lignes radicales – que les Italiens ont surnommé maxi motard – est, à l’instar du modèle Shiver précédent, propulsé par un moteur à DACT à huit soupapes qui est le premier de sa catégorie dans une toute nouvelle gamme de bicylindres à 90 degrés construits par Aprilia et mis au point par le service technique de Piaggio, chacun comportant un réglage différent mais s’articulant autour du même carter moteur. Ce moteur à course ultracourte de 92 x 56,4 mm est alimenté par une paire de corps papillon de 52 mm nichant dans la boîte à air de 7,9 litres, ce qui est élevé pour un bicylindre de 750 cm3. Développant 92 ch à 8 750 tr/min, il a été reconfiguré, produisant pres-que la même puissance mais avec une courbe de couple considérablement plus étendue que sur la Shiver.

La Dorsoduro et la Shiver sont les premières motos de série d’Aprilia à se voir doter d’une commande de gaz fly-by-wire (une technologie que le constructeur de Noale a été le premier à mettre au point il y a quelques années sur l’infortunée MotoGP RS Cube). Après les ratés des premiers modèles Shiver qui ont entraîné une reconfiguration, ce système, qui en est à sa secon-de version, procure une maîtrise sans faille. Il diffère du système fly-by-wire utilisé sur les modèles Yamaha et KTM du fait qu’il n’y a aucun lien mécanique entre la poignée et le papillon des gaz ; il actionne plutôt un potentiomètre situé derrière le jeu de direction relié au système d’injection électronique Magneti Marelli. Ce système analyse les données provenant de divers capteurs avant de relayer l’information à un deuxième bloc de commande électronique intégré à l’intérieur de la boîte à air, lequel contrô-le deux servomoteurs couplés, chacun commandant un papillon des gaz. Contrairement aux systèmes de Yamaha et KTM, la poignée de l’accélérateur non reliée par câble à la commande des gaz ne permet pas sa fermeture en cas de défaillance. Toutefois, on nous a assuré que la proba-bilité que les deux servomoteurs ne fonctionnent pas simultanément était très faible. Trois cartographies d’injection différentes peuvent être sélectionnées, chacune possédant son propre programme et accessible au moyen du démarreur une fois le moteur en marche. Sur les routes sillonnant les collines et les vallées pano-ramiques du mont volcanique Colli Eugani situé au sud de Padova, j’ai passé la majeure partie de la journée à piloter la Dorsoduro en mode tourisme, ce qui a donné lieu à des performan-ces entraînantes tout en me procurant un sentiment de contrôle satisfaisant.

En passant au mode sport, j’ai immédiatement constaté une différence, la réponse de l’accélérateur se révélant considérablement plus agressive et les reprises beaucoup plus incisives dès l’ouverture des gaz. La pluie qui s’est mise à tomber au milieu de la matinée m’a donné l’occasion de sélectionner le mode pluie, mais bien que cela ait certainement adouci les performances de façon appréciable, les avantages de ce mode sont devenus nettement plus évidents quand nous avons commencé à prendre des photos pendant que nous négociions un virage sur une chaussée abîmée et glissante. Après avoir failli chuter à deux reprises, j’étais prêt à boucler la séance, jusqu’à ce que je me souvienne de passer en mode pluie, et alors bingo ! La moto est restée bien plantée et m’a permis de négocier ma sortie du virage sans tenter de me faire tomber. Cette cartographie électronique à trois modes fonctionne vraiment bien, et ma seule question est de savoir pourquoi nous avons dû attendre aussi longtemps avant qu’elle ne soit offerte sur toutes les motos. Le moteur est une composante semi-panneautée du châssis hybride, qui est constitué d’un cadre treillis supérieur en acier tubulaire ALS450 boulonné à une paire de platines latérales en alumi-nium coulé qui procurent un pivot au bras oscillant entretoisé en alumi-nium moulé sous pression. L’empattement de 1 505 mm (59,3 po) de la Dorsoduro n’est pas trop long (même s’il est consi-déré plutôt long sur une supersport), et son angle de déport de 26 degrés et sa chasse de 108 mm lui confèrent une stabilité accrue. À l’extrémité inférieure de la fourche Showa inversée de 43 mm se trouvent des étriers à quatre pistons qui agrippent deux disques ondulés flottants de 320 mm qui sont identiques à ceux dont sont dotés les supermotards de série. La Dorsoduro affiche un poids à sec attribué de 186 kg (410 lb). La fourche et l’amortisseur arrière Sachs peuvent se régler en précontrainte et en détente.

Dès qu’on appuie sur le démarreur, la Dorsoduro s’anime instantanément et se met à tourner au ralenti avec une cadence régulière marquée par la sonorité chaleureuse délivrée par les échappements sous la selle à l’allure distinctive et qui sont assez surélevés. Le seul véritable inconvénient de la SMV750 se manifeste quand on l’enfourche à la hâte. La hauteur de selle culmine à 870 mm (34,3 po), ce qui pose un défi de taille pour tous les pilotes qui ne sont pas très grands et il vaut donc mieux prendre appui sur le repose-pied gauche pour monter en selle. La gestion électronique de l’accé-lération non seulement permet à Aprilia de réduire suffi-samment les émissions polluantes pour se confor-mer à la norme Euro 3 sans sacri-fier outre mesure les performances du moteur, particulièrement le généreux couple à mi-régime de la Dorsoduro, mais accroît également consi-dérablement la réactivité et la puissance de ce maxi motard. Comparativement au moteur quelque peu anémique de la Shiver, le bloc de la Dorsoduro produit une livrée de puissance beaucoup plus étendue, grâce aux deux dents supplémentaires qui ont été ajoutées sur le pignon de la roue arriè-re. Le levier d’embrayage hydraulique ne requiert qu’un léger effort et réagit avec douceur et prévisibilité quand on l’actionne; la boîte de vitesse à six rapports autorise des changements de rapport précis et faciles, et la démultiplication est adéquate. Sur le premier rapport, la démultiplication est assez longue, tandis que les trois rapports suivants sont plus rapprochés pour une conduite plus agressive et les deux derniers rapports sont bien espacés pour une condui-te à haute vitesse. Nul besoin de la solliciter avec acharnement pour en extirper toute la puissance puisque la zone de prédilection de la Dorsoduro se situe entre 4 000 et 8 000 tr/min. Elle permet des accélérations à tombeau ouvert sans à-coups de la transmission à partir de 3 000 tr/min jusqu’à ce que le rupteur de régime entre en action à 9 800 tr/min.

Il y a suffi-samment de punch pour faire soulever la roue avant en accélérant avec force sur les deux premiers rapports, et quand la moto se cabre, on note que le moteur dépourvu de contre-balancier- se montre extrêmement doux à bas régime. Il ne génère que quelques vibrations résiduelles transmises par les repose-pieds à partir d’un peu moins de 6 000 tr/min et au–delà de ce régime, ce qui est suffisant pour vous rappeler ce que vous pilotez, mais qui sont loin d’être gênantes. La Dorsoduro doit ses lignes incisives au coup de crayon de Gianni Antonacci, membre de l’équipe de stylisme interne d’Aprilia et travaillant sous l’égide de Miguel Galluzi, chef de la conception du constructeur italien, qui a joint les rangs d’Aprilia il y a 18 mois pour diriger le service du stylisme. Galluzi est le créateur de la Monster de Ducati ; il a aussi dessiné les modèles hors route de Husqvarna durant les 17 années qu’il a passées au service de Cagiva/MV Agusta. La Dorsoduro se décline dans un choix de trois coloris : noir, rouge et gris, mais on peut opter pour un coloris différent en un tournemain en changeant simplement les panneaux latéraux détachables du réser-voir d’essence et le garde-boue avant. « Nous les vendrons en option, car cela permet aux clients de personna-liser leur moto comme ils le veulent », mentionne Galluzi. La tenue de route de la Dorsoduro a été rehaussée par rapport à celle de la Shiver, grâce à des ressorts à pas multiples procurant une réponse progressive. La compression de la fourche n’est pas ajustable, mais son réglage est assez souple, ce qui fait piquer la moto du nez quand on pèse avec force sur le le-vier de frein avant.

Le transfert de poids n’est pas excessif et la détente est adéquate, n’entraînant pas de dérapage en virage lorsqu’on relâche les freins comme la Shiver a tendance à le faire. Et, comme avant, on ne devinerait jamais que l’amortisseur Sachs est dépourvu de toute tringlerie puisqu’il réagit avec progressivité et souplesse, ce qui permet de mettre pleinement à profit le pneu arrière 180/55 Dunlop Qualifier. Les roues affichent un diamètre de 17 pouces, mais le pneu arrière repose sur une jante de 6 pouces, sûrement plus pour épater la galerie que pour son côté pratique. Seul le levier que procure le large guidon empêche la moto de se redresser lors des mises sur l’angle en raison du gros pneu. La Dorsoduro se révèle agile et ludique dans les vira-ges en épingle des routes de montagne ou dans une succession de virages serrés sur un parcours sinueux, mettant en évidence sa nature équilibrée, et son pneu avant procure une bonne rétroaction. Le seul défaut de la tenue de route que j’ai remarqué pendant ma virée sur des routes de montagne sinueuses s’est manifesté pendant que je négociais un virage rapide sur une chaussée lisse et plate à 120 km/h. Après avoir passé l’apex d’une courbe, j’ai senti le guidon osciller entre mes mains de façon incessante. J’ai donc refait le parcours une douzaine de fois pour m’assurer qu’il ne s’agissait pas de l’effet du hasard. La moto ne s’est pas mise à guidonner, mais sa stabilité, qui autrement est excellente, a perdu des points.

La Dorsoduro 750 constitue un point de repère significatif dans la voie qu’Aprilia compte emprunter désormais. Il s’agit d’une moto véritablement polyvalente, même si son réservoir d’essence d’une capacité de 12 litres confine son autonomie à 200 km. Nul besoin d’être clairvoyant pour savoir qu’il s’agit du modèle de base du concept maxi motard, et si on fait abstraction du modèle équi-valent de 1 200 cm3 qui sera lancé en tant que modèle 2009, nous pouvons nous attendre à ce qu’Aprilia élabore deux autres modèles de 750 cm3 destinés à des usages différents de ceux de la Dorsoduro. Un de ces modèles est de type street fighter chaussé de roues moulées et arborant une allure plus agressive, tandis que l’autre est une moto enduro de route pourvue d’une roue avant de 21 pou-ces qui rivalisera avec la BMW F800GS. La Dorsoduro fait partie du plan de Piaggio visant à maintenir Aprilia dans la course.  

Aprilia Shiver 750 

Aprilia n’est peut-être pas encore très connu, mais Canadian- Scooter Corp. espère que le constructeur de Noale occupera sous peu une plus grande part du marché canadien.

La compagnie compte attirer de nouveaux pilotes vers la marque grâce à l’attrayante nouvelle Shiver 750. Son bicylindre de 750 cm3 développe une puissance attribuée de 95 ch et tire relativement fort hors ralenti, sa poussée à mi-régime équivalant celle de machines de plus grande cylindrée, et elle se comporte avec docilité à basse vitesse. La Shiver présente un mélange bien équilibré de simplicité et de technologie, avec sa commande de gaz fly-by-wire qui offre un choix de trois modes de puissance. L’effort au le-vier d’embrayage est léger et la boîte de vitesse à six rapports permet d’effectuer des changements de rapport sans effort et avec facilité, malgré la courte amplitude du levier, tandis que la vaste plage de couple permet de réduire les changements de rapport au minimum. La position de conduite relevée est fort commode. La selle est ferme tout en étant spacieuse et elle offre un bon soutien à l’arrière. La hauteur de la selle qui atteint 810 mm (31,9 po) est un peu élevée, mais la section médiane étroite de la moto rend l’accès au sol plus facile.

Le tableau de bord est bien visible et conçu de façon intuitive. Un écran numérique, qu’Aprilia a surnommé l’ordinateur de la Matrice, comporte deux modes d’affichage. Le mode un indique le rapport engagé, l’heure et la température extérieure, alors que le mode deux comporte un chronométreur de tours, un odomètre et un compteur journalier, un ordinateur de bord et un témoin de la consommation d’essence ainsi qu’un témoin de changement de rapport. Le réglage des suspensions est limité, la fourche inversée de 43 mm étant non ajustable tandis que le monoamortisseur décalé est ajustable en précontrainte et en détente. Le réglage des suspensions de série est rigide, ce qui procure une bonne maîtrise dans les virages rapides, tout en étant assez souple pour ne pas éjecter le pilote de son siège au passage de la moindre crevasse sur la chaussée. La tenue de route est légère et sensible, le châssis communiquant le sentiment que la moto est bien plantée, et la direction est neutre en dépit de l’énorme roue arrière de six pouces qui accueille un pneu 180 de série. Le frein avant procure une excellente force de freina-ge, comme on peut s’y attendre avec des étriers radiaux à quatre pistons et des disques de 320 mm de la même taille que ceux d’une supersport. Heureusement, le frein avant est bien réglé et l’effort au levier n’est pas trop sensible, nécessitant une pression élevée pour effectuer des arrêts d’urgence.

Après un court essai, j’ai constaté que la Monster de Ducati était la moto qui ressemblait le plus à la Shiver, et c’est sans surprise que cette dernière vise les pilotes de 25 à 35 ans soucieux de la mode, selon Aprilia. Et comme toujours, les pilotes débutants ou les « pilotes qui reviennent à la moto après une pause » sont également visés. Mais peu importe à qui Aprilia destine sa Shiver, ce roadster de 10 995 $ devrait en convaincre plus d’un d’opter pour l’« autre » constructeur italien. 

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