BMW HP2 Sport, une Boxer aux aspirations sportives sérieuses

Par Costa MouzourisPublié le

BMW a remporté le championnat de la série Canadian Thunder l’an dernier avec Michael Taylor au guidon d’une R1200S. Même si Taylor n’est pas confirmé comme pilote par BMW cette saison, BMW a annoncé que son écurie Thunder 2008 comprendra la nouvelle HP2 Sport, ce qui pourrait signifier une saison très longue et frustrante pour les autres compétiteurs.

En 1986, un an après l’introduction de la GSX-R750, Suzuki avait lancé la GSX-R750 Limited, une moto de production prête pour la course (celle avec l’embrayage à sec, vous vous souvenez ?) et conçue pour être utilisée sur la piste avec un minimum de préparation. Plus de deux décennies plus tard, toujours perçu par la plupart comme le fabricant de motos le moins susceptible de produire une telle moto, BMW lance la HP2 Sport, une machine qui, comme la GSX-R originale, tient ses origines des courses d’endurance.

Les amoureux traditionnels de BMW qui considèrent d’acheter une Sport ne devraient pas se tromper : ce troisième modèle de la gamme HP2 n’est pas une moto de sport tourisme déguisée en moto sport; c’est une moto de compétition pure race avec des lumières. Lors d’une épreuve allemande du Endurance World Championship, la R1200S de course, dont la Sport est étroitement dérivée, a terminé en cinquième position au classement général (première dans la classe Open), dans une compétition dominée par les quatre cylindres en ligne japonais. Elle était seulement deux secondes au tour plus lente que la GSX-R1000 victorieuse, une réussite remarquable pour un moteur que beaucoup de cyniques considèrent comme obsolète.

Beaucoup de pièces développées par l’écurie d’usine BMW Motorrad Motosport ont été transférées directement sur la Sport, incluant les repose-pieds ajustables en aluminium (permettant aussi d’inverser le patron de changements de rapports), un guidon ajustable, une tête de fourche en aluminium et une suspension avant et arrière Ohlins totalement ajustable avec des taux de compression identiques à ceux de la moto de course. Une autre composante issue de la course est le tableau de bord numérique, conçu par 2D Systems, fabricant d’instruments pour le MotoGP. Le panneau d’instrumentation a clairement été conçu par quelqu’un qui a l’habitude de rouler vite et de se concentrer sur la route en avant, car c’est le meilleur écran à cristaux liquides que je n’ai jamais vu sur une moto. Il est grand, facile à lire, particulièrement le compte-tours sous forme de barres, tout comme la rangée de voyants DEL qui indiquent les changements de rapport. Ceux-ci peuvent être programmés pour s’allumer séquentiellement ou simultanément au régime désiré. L’écran peut être consulté sous deux modes : le mode rue, qui affiche un plus grand écran pour le compteur de vitesse et un plus petit pour indiquer le rapport engagé; et le mode course, qui fait l’inverse. Les deux modes peuvent être ajustés selon les préférences du pilote. Dans le mode course, l’écran affiche aussi les temps au tour (la moto est filée pour recevoir un transpondeur vendu séparément), la vitesse maximale, la vitesse moyenne par tour, le nombre de changements de rapport par tour, ainsi qu’un tas d’autres informations, qui sont toutes enregistrées et peuvent être chargées sur un ordinateur pour le pilote qui prend ses tours de piste très au sérieux. Un élément qui, malheureusement, ne s’est pas rendu jusqu’à la moto de production est le réservoir de 23 litres; la Sport n’offre en effet qu’un réservoir de 16 litres.

La caractéristique la plus inspirée de la course sur la Sport, et c’est une première sur une moto de production, est le changement de rapport rapide assisté, qui permet de changer de rapport sans utiliser l’embrayage et tout en gardant les gaz à fond. Il fonctionne à merveille sur le circuit, à condition de l’utiliser à haute vitesse, usage pour lequel il a été conçu. À des vitesses moindres, et avec les gaz ouverts partiellement, les changements de rapport sans l’embrayage sont erratiques, et la moto sursaute, car les coupures d’allumage sont une fraction de seconde trop longues. Le changement de rapport avec l’embrayage (comme on le fait sur la rue) prend préséance sur le système avec assistance et les changements de rapport sont alors très doux. Le système fonctionne beaucoup mieux que celui installé sur la BMW K1200R Cup que j’ai pilotée ici sur le Ascari Race Resort il y a deux ans, lequel coupait le moteur pendant un délai trop long, ce qui rendait les changements de rapport trop lents en pleine accélération.

Un moteur redessiné avec deux arbres à cames en tête (voir l’encadré) a été testé sur la moto de course et il produit plus de puissance et de couple que celui de la R1200S. La puissance additionnelle ajoutée à une moto plus légère, avec un poids à sec annoncé de 178 kg sans l’ABS optionnel (contre 190 kg pour la S avec l’ABS d’origine), permet d’obtenir un rapport poids/puissance amélioré. La puissance est livrée à la manière traditionnelle des Boxer : linéaire et prévisible, avec le gros couple qui arrive bien avant la zone rouge – les changements de rapport plus tôt donnent de meilleurs résultats que des tentatives de soutirer les derniers tours/minute du moteur avant de changer de rapport. La réponse à l’accélérateur est très douce et facile à moduler sans déstabiliser la moto en courbe. Les rapports de boîte sont uniques à la Sport, avec un premier et un second rapport plus longs que sur la R1200S. La souplesse de la puissance réduit la sensation de vitesse, mais le compteur ne dit pas la même chose, indiquant 240 km/h et plus sur la ligne droite, et continuant d’augmenter, le tout sur une élévation de 750 mètres où la baisse de pression atmosphérique réduit la puissance du moteur d’environs 7 % par rapport au niveau de la mer. Alors que les deux contre-balanciers du vilebrequin avaient été supprimés sur la HP2 Enduro pour réduire le poids, ils ont été maintenus sur la Sport pour aider à contrer la tendance du Boxer à tirer de côté quand on donne un coup de gaz, tout en adoucissant la venue de la puissance et en réduisant les vibrations à un léger tremblement ressenti dans les repose-pieds et le guidon.

La Sport utilise le moteur comme un élément intégré du châssis, comme le fait la S, et elle utilise une version légèrement modifiée du châssis de la R1200S. Ce dernier est fait de deux sections en acier tubulaire séparées pour l’avant et l’arrière, mais un sous-châssis en carbone remplace la composante en acier de la S. Le carénage est aussi en fibre de carbone. Afin d’augmenter davantage la distribution du poids vers l’avant de la moto, la Sport positionne le pilote plus vers l’avant que la S, dont elle est dérivée. Malgré cela, la HP2 n’est pas caractéristique des dernières supersport, car la moto semble longue, avec beaucoup d’espace pour les jambes, et lorsque vous êtes assis, il y a beaucoup plus de machine devant vous que sur les derniers bolides japonais. Elle est aussi haute (hauteur de siège de 830 mm), même avec la suspension ajustable en hauteur dans sa position la plus basse.

La sensation de conduite de la HP2 diffère grandement de la précision presque télépathique offerte par une supersport, surtout en raison du train avant Telever. Le freinage en courbe n’est pas apprécié par la Sport. En effet, tout le freinage doit être effectué avant d’incliner la machine dans une courbe. La Sport plonge très peu au freinage et la géométrie de direction reste constante, à la différence des motos équipées d’une fourche télescopique dont la géométrie se resserre lors de l’enfoncement des fourches au freinage. Si vous restez sur les freins pendant que vous commencez à pencher sur le BMW, le feedback du train avant diminue et la moto tend à ne pas vouloir tourner et prendre une trajectoire plus large. Elle résiste aussi aux corrections en milieu de courbe; en effet, une fois qu’elle est sur une trajectoire, elle la conserve jusqu’au bout. Je compense en me déhanchant plus sur la moto et en plaçant mon corps le plus loin possible, ce qui me positionne le genou sur la culasse. La Sport exige un style de pilotage fluide : relâcher l’embrayage progressivement en baissant les rapports lors du freinage afin de ne pas faire sauter la roue arrière (j’ai manqué le point de corde de deux virages qui demandent un freinage appuyé à Ascari et j’ai dû relâcher les freins – jusqu’à ce que j’adapte mon style de pilotage et freine plus tôt avec plus de progressivité); freiner quand la moto est droite; relâcher les freins et commencer à pencher avec le corps très déhanché afin que les culasses de la moto ne touchent pas le sol. Si vous faites la séquence dans le bon ordre, vous pouvez être très rapide avec un minimum d’effort physique. Je comprends pourquoi cette moto réussit bien dans les courses d’endurance. Brembo fournit ses derniers étriers radiaux monoblocs à quatre pistons, et la puissance de freinage est celle d’une moto de course : très forte, avec un bon feedback et un fading minimum. L’ABS est optionnel et peut être désactivé.

Avec les gaz à fond et les voyants de changement de rapport allumés environ 800 tr/min avant la zone rouge de 9 500 tr/min, ainsi que je les avais programmés, je passe le cinquième rapport, les gaz toujours ouverts à fond, et j’approche les 220 km/h pendant que je me penche vers la droite dans la section la plus rapide d’Ascari. La Sport fait preuve d’une stabilité exemplaire à haute vitesse, en contrepartie d’une réponse plus lente pour l’inscription en virage. La HP2 Megamoto (MJ, novembre-décembre 2007) s’inscrit plus rapidement en courbe (elle utilise une fourche télescopique inversée), mais elle louvoie plus et offre moins de garde au sol que la Sport, bien que la première chose à toucher au sol sur la Sport soit la culasse (sur la Megamoto, ce sont les repose-pieds).

Lors de la dernière session de la journée, je me sens très à l’aise sur la Sport. Elle a un style bavarois caractéristique, avec une suspension très raffinée qui, malgré ses caractéristiques prévues pour la course, semble plus souple que la plupart des supersports. Mon rythme est rapide et je rattrape le coureur d’Endurance invité, Stéphane Mertens, qui guide un pilote plus lent ailleurs sur le circuit. Quand il me voit approcher, Martens accélère son rythme. Je le suis, profitant de ses astuces, et je pilote avec plus de douceur et de vitesse qu’auparavant. Les problèmes de sautillement de la roue arrière ont maintenant disparu, car je freine plus tôt, même si mes vitesses de passage en courbe sont plus élevées. Sur la Sport, vous devez vraiment ralentir pour être plus rapide, car elle récompense la douceur. La machine coule bien entre les S et semble stable avec les angles d’inclinaison maximaux.

Quand vous êtes penché à haute vitesse, la Sport vous rappelle toujours les limites de sa garde au sol, car les culasses frottent sur l’asphalte avec leur couvercle protecteur remplaçable spécialement conçu à cet effet. La hauteur de la moto est ajustable de 22 mm à l’avant et de 30 mm à l’arrière, ce qui permet d’augmenter la garde au sol et de modifier la géométrie du châssis en fonction du tracé des circuits, mais je n’y ai pas touché. Les Metzeler Racetec montés d’origine permettent des angles d’inclinaison extrêmes sur le circuit, et la garde au sol est tout de même très bonne, même avec la suspension dans son réglage le plus bas, ce qui est bon pour le pilotage sur route. En élevant la suspension à son maximum (pour l’ajustement avant, il faut démonter l’amortisseur, tandis que l’arrière s’ajuste sur la moto), on peut augmenter l’angle d’inclinaison de deux degrés, ce qui aurait pu m’être utile la fois où Martens m’a laissé pour permettre à un autre pilote de le suivre; je suis rentré trop rapidement dans un virage à droite et la culasse a rebondi assez fortement sur le sol pour décoller la roue avant. J’ai pris la voie de sortie qui (heureusement) était asphaltée et j’ai repris ma session comme si rien ne s’était passé.

Ce transfert technologique direct du circuit à la rue fait certainement de la HP2 Sport la moto avec moteur à plat homologuée pour la route la plus radicale jamais produite par BMW, mais cette performance vient à un certain prix – un gros prix. Pour le prix d’une HP2 Sport (26 640 $), vous pouvez avoir une R1200S flambant neuve (16 500 $) et il vous restera assez d’argent pour la nouvelle F650GS avec le bicylindre parallèle (8 990 $) ainsi qu’un peu de monnaie pour un ou deux casques de bonne qualité. La Sport va peut-être rendre la tâche plus facile à Michael Taylor sur la piste, mais les vendeurs chez les concessionnaires BMW vont devoir travailler fort.

Une nouvelle Boxer, de la tête aux pieds
Il est certain que le retour de BMW Motorrad dans les courses internationales, après une absence d’un demi-siècle, n’est pas un simple coup de tête et que l’usine va dédier à ce projet les ressources nécessaires pour gagner. Même si la R1200S était une solide plateforme pour construire une moto d’endurance, il est vite devenu évident que le moteur avait besoin d’être sérieusement revu pour être compétitif. La première modification majeure concerne les nouvelles culasses à double arbre à cames avec un positionnement radial des soupapes. Le nouveau design a nécessité des lobes obliques et des culbuteurs à angle. Les cames sont aussi uniques, car chacune d’entre elles actionne une soupape d’admission et une soupape d’échappement. Ce nouveau système offre une ouverture des soupapes plus précise que l’ancien système à simple came et il permet de raccourcir la longueur du moteur, ce qui améliore la garde au sol.

Le positionnement radial des soupapes permet d’avoir recours à des soupapes de plus grand diamètre, les soupapes d’admission passant de 36 mm à 39 et celles d’échappement de 31 à 33, assurant une meilleure circulation dans le moteur. Les orifices ont aussi été redessinés et sont plus larges, et les conduits d’admission sont plus courts pour améliorer encore la circulation d’air, surtout à haut régime. Le diamètre du corps d’admission reste constant à 52 mm. La meilleure combustion résultant de ce nouveau design permet de n’utiliser qu’une bougie centrale, au lieu des deux bougies dans le moteur à simple came. Les soupapes sont réglées par des cales remplaçables. Les couvre-culasses sont en fibre de carbone et ils sont couverts de protections en plastique remplaçables.

De nouveaux pistons forgés plus légers sont reliés à de nouvelles bielles et maintiennent le taux de compression à 12,5 :1. Pour l’échappement, un système deux en un en acier inoxydable passe sous le carter moteur pour permettre de plus grands angles d’inclinaison. Une soupape a été ajoutée dans l’échappement pour élargir la bande de couple et offrir des émissions plus propres. Le résultat obtenu est un moteur qui produit 133 ch à 8 750 tr/min, considérablement plus que les 122 ch du modèle S, et le couple maximum passe de 82,6 à 85 lb-pi et arrive 800 tr/min plus tôt, soit à 6 000 tr/min. Deux radiateurs à huile permettent de dissiper la chaleur. Malgré ses performances impressionnantes, le nouveau moteur sera réservé strictement pour les modèles HP2 à production limitée, ce qui est dommage, car c’est certainement le meilleur Boxer de BMW.

La vraie de vraie
Le lendemain de la finale de la saison du championnat mondial d’endurance 2007, les 24 heures du Bol d’Or à Magny Cours, j’ai eu la chance de piloter la moto de course BMW (basée sur la R1200S) sur le circuit français de F1. La R1200S de course prend rapidement de la vitesse avec peu de vibrations et offre une stabilité maximum. Elle pardonne beaucoup sur une surface humide (il s’est arrêté de pleuvoir seulement une heure avant que je prenne la piste), non seulement en raison de sa tenue de route, mais aussi grâce à son moteur très coupleux. Le Boxer tire fort à la sortie de l’épingle Adélaïde sur le second rapport dès les 3 500 tr/min et garde la roue avant légère.

Bien que les lumières de changement de rapport sur le tableau de bord 2D soient programmées pour clignoter à partir de 8 200 tr/min, il n’est pas nécessaire de pousser le moteur jusqu’à la coupure à 9 500 tr/min, et c’est même contre-productif de le faire. L’idée est de surfer sur les vagues de couple et de changer de rapport quand le moteur semble prêt à le faire, pas les lumières. Sur un circuit humide, cela signifiait environ 7 500 tr/min et, plus tard, lorsque la piste a séché, 1 000 tr/min de plus semblait idéal.
Heureusement, le tableau de bord 2D affiche un GRAND indicateur de rapport sélectionné – le moteur est tellement doux qu’il est difficile de s’en souvenir. Il ne faut pas descendre trop de rapports dans un freinage appuyé, car vous risquez de faire sautiller la roue arrière en l’absence d’un embrayage à glissement limité, comme je l’ai fait pendant mes premiers tours. Le frein moteur est efficace pour accompagner les freins avant radiaux Brembo, très efficaces aussi sur une piste humide. « Les freins sont vraiment fantastiques sur le sec, dit Mertens. Beaucoup de mes amis qui pilotent les motos d’usine quatre cylindres disent qu’ils n’essaient pas de doubler la BMW au freinage. »

Quand le circuit s’est mis à sécher, j’ai pu attaquer un peu plus fort et j’ai réalisé que cela nécessitait un certain effort pour basculer la BMW d’un côté à l’autre. Les réactions de la moto à haute vitesse ne sont pas aussi rapides que l’on pourrait le penser, même avec le centre de gravité bas dû au moteur à plat. Il s’agit peut-être d’un compromis nécessaire pour avoir une meilleure garde au sol compte tenu de la longueur des amortisseurs et de la hauteur de la moto. Dans les virages serrés, la BMW tourne bien, avec un bon feedback du train avant dans des conditions humides. C’est une moto qui donne confiance – une bonne moto pour l’endurance avec des conditions météorologiques changeantes, capable d’aller vite et d’être fiable pendant 24 heures –, peut-être pas au rythme des quatre cylindres plus rapides, mais elle peut faire plus de chemin entre deux arrêts aux puits.
– Alan Cathcart
 

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