Archive – Rencontre avec Brigitte Lacombe

Par Zabel Bourbeau Publié le

Les 7 et 8 août derniers à Saint-Michel-des-Saints avait lieu la ronde 4 du Championnat national de cross-country. Organisé par la FMSQ (Fédération des motocyclistes de sentiers du Québec), cet événement attire des centaines de riders d’endurance de tous âges et de toutes catégories, accompagnés de leurs amis et de leurs familles. L’enduro-cross, ou le cross-country, consiste en une course de moto en formule endurance, où l’on doit faire le maximum de tours en un temps donné. Le circuit comporte des sentiers dans les bois, des roches, des racines et d’autres obstacles. Pour ceux et celles qui aiment vivre des émotions fortes, vous êtes servis! Le départ de la course se fait ligne par ligne, soit catégorie par catégorie, bref, une grosse bouffée d’adrénaline!

J’ai donc profité de ce weekend pour aller rencontrer Brigitte Lacombe, une véritable passionnée d’enduro cross. Mère de deux enfants et propriétaire d’une clinique vétérinaire, rien ne peut l’arrêter…

Dès mon arrivée sur le site (aéroport de Saint-Michel-des-Saints), je remarque la quantité impressionnante de VR qui s’y sont installés. Je me trouve véritablement dans un village créé pour l’occasion. Ça bouge, ça vit, ça rit et tout ça dans le bruit des moteurs deux et quatre temps. Je sens déjà l’esprit de camaraderie et d’entraide qui m’entoure. Il y a des enfants partout, on assiste directement à la transmission de passion, de génération en génération et c’est palpable…

Le temps de m’orienter, je retrouve Brigitte à son quartier général.

Zabel : Brigitte, explique-moi comment tout ça a commencé…

Brigitte : Après avoir fait un peu de moto à l’âge de 20 ans, j’avais alors une Ninja 600, j’ai complètement arrêté à cause d’un petit accident. Je ne pensais jamais refaire de la moto. Je faisais de la voile, du télémark et… je dansais le tango! Un jour, une “date” m’emmène à la Classique Moto en “back seat” et je me suis dit : ayoye… ça a l’air le fun! Après un projet de vacances sur la côte Est, ce n’était pas vrai que je resterais assise comme passagère tout le long de ce voyage, j’allais certainement m’endormir! Alors, malgré mon appréhension à la suite de l’accident, j’ai suivi un cours de moto pour voir comment je réagirais : est-ce que je vais avoir peur? J’avais fait un peu de mobylette en vacances, des trucs comme ça, mais sans plus. Quand je me suis retrouvée sur l’autoroute, je me suis souvenue de pourquoi j’aimais ça! Je me suis alors acheté une BMW F650 GS. C’est donc à 47 ans que j’ai redécouvert ce sport.

Zabel : Ça a été une vraie piqûre n’est-ce pas?

Brigitte : En effet!

Zabel : Parles-moi du Trophée Roses des Sables

Brigitte : J’avais entendu parler du Trophée Roses des Sables et je voulais le faire avec une de mes amies en Jeep. Je me cherchais un projet pour mes 50 ans et je me suis dit : quelle bonne idée! On peut réaliser ce rallye en quad, en 4×4, en jeep ou… à moto et je ne le savais pas. J’avais 47 ans et quand j’ai su qu’on pouvait le faire en deux-roues, la question ne se posait plus! Ça faisait seulement deux mois que je conduisais une moto!

Zabel : Mais… ça doit demander tout un entraînement pour réaliser ce défi?

Brigitte : Effectivement, et j’avais tout de même la chance d’être pas mal en forme. Le père de mes enfants était ami avec l’organisateur de l’Orange Crush KTM Rallye dans le temps. J’ai suivi une formation avec Don Pronovost de MXPRO. Je lui avais demandé de me dire à la fin de la journée si c’était réaliste que je m’inscrive à ce rallye. Il m’a dit : « Tu vas le faire ET tu vas le finir! » Je m’inscris et on me place dans l’équipe Duroy, qui est un concessionnaire, mais je ne les connaissais pas à l’époque, en fait je ne connaissais rien de ce monde! Après le rallye, on jase et dans une des deux équipes, il y avait un des propriétaires (alors que je n’en sais rien à ce moment) et je dis naïvement que je veux aller faire le Trophée Roses des Sables! Il me dit que ça me prend un KTM 350 EXC-F. Et moi qui ne sais même pas c’est quoi un KTM, tu vois le genre? Ça devait être en 2014, le Rallye avait lieu en 2016.

En septembre j’étais allée à une réunion d’information, je croyais qu’on devait faire le rallye en équipe. Eh non, je pouvais le faire seule, alors je me suis inscrite. J’ai donné le dépôt, et c’était parti… En décembre j’ai commandé la moto et je l’ai reçue en avril. Je me disais, j’ai deux étés pour me préparer vraiment. Il m’est ensuite arrivé plein d’aventures! Alors que la moto n’avait que huit heures de route, elle a pris en feu spontanément! Ce fut incroyable! Ensuite je me suis cassé la main avec ma BMW alors qu’on était allés dans le nord faire une ride dans le sable. J’ai frappé une roche, je n’avais pas assez de suspension, et bang! Les gens me disaient : « As-tu compris là? Jamais deux sans trois! Allume! T’as des enfants!… »

J’étais tellement « mindée » que je me disais que même si je me cassais une jambe, je le ferais pareil ce rallye! Ce n’est pas ça qui allait m’arrêter!

J’avais fait la classe aventure « panoramique » de l’Orange Crush qui était tout de même quelque chose avec ma BMW et, après ma fracture, je suis rembarquée sur le bike puis je suis allée suivre plusieurs formations. J’ai ensuite fait la classe extrême de l’Orange Crush. L’été suivant j’ai roulé en masse car en septembre c’était le Trophée Roses des Sables 2016. Formations après formations avec des gars qui ont fait le Dakar, je suis allée m’entraîner avec Patrick Trahan, qui avait fait le Rally en 2015. Je l’avais rencontré à l’Orange Crush lors de l’Extrême avec ma KTM et il m’avait dit : « Il faudrait que tu viennes t’entraîner au Maroc! » Ce que j’ai fait… Par chance que j’avais roulé au Maroc dans les dunes car je ne sais pas comment j’aurais fait ça…

Pat c’est un passionné de dunes et il m’a montré à les lire et à lire le sable. Ayant l’expérience de la voile, je savais lire l’eau, c’était un peu la même chose… j’adorais la navigation. Quand j’ai réalisé ça, je capotais.

Zabel : Parle-moi un peu de ton expérience au Trophée Roses des Sables.

Brigitte : La première journée, j’étais nerveuse et un moment donné, je me rends compte que j’ai perdu le morceau de plastique qui protège mon filtre à air. Je te rappelle que je suis dans le désert! Je m’arrête et j’installe mon « numéro » sur le trou avec du tape. Au même moment, je vois des jeeps arriver. Il faut savoir que but de ce rallye est de faire le moins de kilométrage possible. En voulant sauver des kilomètres, je prends un raccourci pour me rendre compte quelques minutes plus tard que j’ai manqué un waypoint (il est très important de ne pas en manquer sinon on nous pénalise en ajoutant un nombre considérable de kilomètres à notre résultat final)… merde… je venais de faire environ cinq kilomètres et j’ai dû rebrousser chemin… donc 10 kilomètres de plus, mais c’était mieux que de manquer complètement le waypoint.

La première journée, sur 109 participantes, je suis arrivée 99e! Je me dis alors que ce n’est pas grave, et crois-moi que je n’ai pas manqué d’autres waypoint par la suite. Pat m’avait dit de me fier à ma navigation et de ne pas suivre les autres, car elles sont peut-être toutes perdues!

J’ai gagné l’étape des dunes. J’étais pas mal fière avec mon t-shirt rouge de gagnante de l’étape! J’ai ensuite appris beaucoup sur les subtilités du parcours. Le lendemain je suis arrivée troisième!  Ensuite j’arrivais toujours dans les premières. À partir de ce moment, l’aventure des rallyes a commencé…

Gagnante de la première place dans la catégorie “DUNES”, Brigitte a gagné la classe moto et s’est positionnée au 13e rang au classement général sur 109 participantes qui, il faut le dire, ont réalisé le rallye à bord d’un 4X4. 

Zabel : Au printemps 2017, tu es la première femme canadienne à participer au Hellas Rally Raid, en Grèce. Comment ça s’est passé?

Brigitte : C’était une première pour moi! J’étais vraiment débutante en la matière, je ne connaissais pas vraiment les règles. Il m’est arrivé plein de trucs. J’ai eu des problèmes mécaniques, je me suis retrouvée dans un village en montagne, je n’avais plus de freins… J’appelle alors mon coach et je lui dis que je n’ai plus de freins, que j’ai perdu toute l’huile. Il me dit alors de reprendre la route et de m’en venir. Il pleut, je suis en montagne, il fait froid, je ne sais pas ce qui m’attend. Je n’ai pas de freins, je suis gelée et je rêve seulement d’un café pour me réchauffer. J’arrive dans un village et dans son centre, il y a une place avec un autobus, alors je me dis : des touristes! Je vois un endroit avec une terrasse et des gens assis dehors. Je me dirige vers l’endroit en demandant de la nourriture et un café (en anglais), mais ça ne parle que le grec et le gars me dit que non je ne peux manger. Je le supplie alors pour un café. Il va derrière, revient et me dit que c’est ok pour le café.

Je débarque de ma moto couverte de boue, trempée à l’os, j’entre dans le café, il y a plein de monde. Le bar est au fond, et je vais y commander mon café. Pendant qu’il me prépare mon café, je vais à la toilette me réchauffer les mains avec de l’eau chaude. Je reviens, je sirote mon café en tremblotant et une femme vient vers moi. On jase, elle me pose des questions sur ce que je fais là. Je lui explique que je fais un rallye. Elle m’explique qu’elle est venue en autobus accompagner sa mère, car sa tante est décédée. Elle m’explique brièvement les us et coutumes… Je me retourne lentement et… je réalise en voyant tous ces gens habillés en noir, que je suis dans une réunion post-funéraire! Un party mortuaire! Je n’avais RIEN vu de tout ça, je pensais seulement à mon café! Je riais en dedans de moi et je m’imaginais dans une rencontre semblable chez nous, avec les petites sandwiches pas de croûte, quelqu’un qui débarque comme ça, couvert de bouette à la recherche d’un café! Ha! Ha! Ha!

Bref, cette pause m’a vraiment fait du bien et tout le monde m’a saluée quand je suis partie! C’est le genre d’aventure qui peut t’arriver quand tu vis ces trips-là ! Il y a eu un problème de communication, mon coach m’avait plutôt dit de poursuivre mon chemin par les trails, de suivre le chemin prévu, mais j’avais compris de prendre la route pour revenir et réparer mes freins…

Il m’a fait répéter 1000 fois : “Never quit the race !” Ce qui est devenu mon leitmotiv…

Le lendemain, je me suis plantée dans une descente de roche, mon handguard  a brisé et par le fait même a brisé mon câble de clutch. Mon coach m’a dit de continuer et, cette journée-là, j’ai roulé au-dessus de 200 kilomètres pas de clutch. Je ne pouvais pas m’arrêter pour consulter mon roadbook, fallait que je trouve une pente pour pouvoir repartir. Un moment donné, je suis seule dans une prairie, je passe dans un trou, mon bike « flip » et je tombe. En relevant la moto, la roue arrière s’enlise dans le ruisseau! J’étais seule au milieu de nulle part. Je l’ai sorti millimètre par millimètre, puis je l’ai poussée en haut de la côte pour être capable de la repartir. Dans ces cas-là, tu fais des affaires que tu ne croirais même pas possible de réaliser. T’es seule et t’as pas le choix! En fait, oui, j’aurais pu attendre qu’ils viennent me chercher dans trois ou quatre heures… Heureusement l’équipe me suit via satellite, ils savent donc où je suis rendue. Ça prend absolument une équipe mécanique dans ce genre de rallye. Souvent, c’est la nuit que les mécanos réparent les bikes.

Zabel : Tous ces rallyes, ces voyages, ça te permet certainement de faire de belles rencontres?

Brigitte : Oui! Au Mexique, pendant une semaine j’ai partagé ma chambre avec Rosa Romero, une de mes idoles et j’en suis groupie. Une pro! C’est comme si au hockey, tu partageais ta chambre avec Wayne Gretzky! Une belle chimie s’est installée entre nous deux. Je lui rappelais ses débuts et elle me trouvait drôle! Son mari a fait plus de 40 Dakar!  J’entrais dans tout un univers…

J’avais aussi suivi une formation avec Chris Birch. Pour moi, c’est un des meilleurs riders au monde. Quand j’ai fait l’Orange Crush, les filles on étaient toutes assises ensemble et j’étais assise à côté de sa femme. Je jase avec elle et lui explique que je m’en vais faire le Trophée Roses des Sables. Je lui explique que le projet de transport de ma moto via une connaissance avait avorté en lui mentionnant que je dois dorénavant prévoir un budget pour envoyer ma moto là-bas. Dix minutes après, elle parle à son chum, revient et me propose de vendre le jacket de Chris (qu’il a porté pour l’Orange Crush) autographié. En une semaine, j’ai donc vendu 100 billets à 20$ et j’ai pu payer le transport de ma moto! Il a été vraiment gentil et généreux.

Depuis notre rencontre, Brigitte est allée rouler dans les dunes au Maroc pour se perfectionner et aussi pour profiter du désert. C’est Patrick Trahan qui organisait le voyage. « En ces temps de COVID, ça met un baume sur la vie! » qu’elle me dit. « Quand le train passe, prends-le! »

Zabel : Brigitte, quels sont tes projets?

Brigitte : Je prévois faire le MDC (Morocco Desert Challenge) et l’AFRICA ECO RACE, mais pas en 2022 et… rouler le plus possible!

En résumé :

Brigitte a gagné dans la catégorie moto du Trophée Roses des Sables en 2016, participé et terminé depuis quatre rallyes raid (même type que le Dakar), dont deux en Grèce (le Hellas et le Serres) et deux au Mexique (le Coast to Coast où elle a reçu le trophée Red Bull dont elle est extrêmement fière, pour l’esprit combatif en rallye, et le Sonora Rallye, un pré-Dakar rallye). 

Entre tout ça, elle a fait plusieurs podiums en enduro cross (dans les 35+), et en 2021 troisième en Inter au mythique Corduroy! Le but premier étant de terminer la course, ce qui est un exploit en soi! 

Brigitte me dit que ça la garde en forme et qu’elle se trouve « pas pire » pour une petite jeunesse de 55 ans! Elle ne serait pas surprise de devenir la plus vieille femme à faire du rallye! À suivre!

Alors si vous croisez Brigitte, n’hésitez pas à aller la saluer et à jaser avec elle. Avec son énergie contagieuse et sa générosité, elle vous vitaminera instantanément! Son audace et sa détermination font d’elle une preuve vivante que : quand on veut, on peut!

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