Archives – Essai Moto Journal – Can-Am Spyder F3 Limited 2021 – La voie de plus en plus parcourue

Par Michel Garneau Publié le

*Archives – Cet article est tiré du Vol. 50 No. 5 de Moto Journal.

Voilà plus de 14 années déjà depuis cet appel fatidique m’invitant à un événement spécial organisé par BRP à San Diego. J’étais alors chef de pupitre technique pour le magazine Motoneige Québec (poste que j’occupe toujours d’ailleurs) et les informations que l’on me donna étaient, disons, vagues. Il s’agissait, en effet, d’une invitation au lancement d’un tout nouveau véhicule développé par BRP, le « roadster » Spyder (présenté par nul autre que la vedette américaine et fanatique de tout ce qui est motorisé, Jay Leno). Dans les années qui suivirent, la famille des modèles Spyder a réussi à se tailler une place sur nos routes et dans nos garages. Toutefois, cela n’empêche pas que certains (notamment au sein de notre communauté motocycliste) soient vites à donner une fin de non-recevoir à l’idée même d’un véhicule à trois roues.

Les temps changent, toutefois, et voilà que l’an dernier, on nous informe que Can-Am a réalisé une année record de ventes pour ses  roadster, le fabricant de Valcourt surclassant les autres fabricants de motos au Canada en termes de ventes. Peut-être était-il temps de revisiter ce véhicule novateur et d’évaluer l’engouement pour celui-ci? Et voilà, le bal était lancé.

Les retrouvailles avec le Spyder commencent par la reconnaissance immédiate qu’il ne s’agit absolument pas du Spyder 2007/2008. Bien sûr, il a trois roues, mais la position de conduite est très éloignée de celle de son ancêtre. À la place de la position de conduite « sport-touring » légèrement penchée vers l’avant du Spyder original, le F3 est indéniablement inspiré des cruisers.  En s’installant, on se retrouve assis droit, les bras et les jambes bien étendus dans une position naturelle et confortable. La forme sculptée du siège épouse bien les courbes naturelles du postérieur humain et la section médiane modérément étroite n’oblige pas à trop écarter les jambes. Les repose-pieds inclinés offrent une position relaxante pour les pieds et les poignées du guidon sont de grande taille, mais souples.

Le banc sculpté du Spyder s’avère une excellente place où passer un après-midi pour conducteur et passager. L’ajout de poignées chauffantes pour les passagers (et le conducteur) permet de préserver le confort pour les mains lorsque les températures baissent. En revanche, les poignées peuvent être un peu basses pour certains.

Une fois parti, sans aucun souci d’équilibre ou de ballant, l’effort de direction est léger et la réponse prévisible. Ma ré-immersion dans le monde des véhicules qui ne s’inclinent pas se poursuit lorsque j’aborde quelques virages prononcés. Je suis agréablement surpris de découvrir que le F3 est étonnamment efficace à isoler le pilote des forces de virage, notamment par rapport à son ancêtre.

Une fois sur la grande route, le Spyder F3 Limited se révèle un merveilleux compagnon de voyage. La position de conduite continue de plaire, la selle étant particulièrement digne d’éloges. Le confort est généralement de premier ordre, même si les creux et les bosses mettent à l’épreuve la capacité de la suspension arrière à suivre le rythme, victime du poids non suspendu important de la roue arrière. Un léger effet de pogotage peut être ressenti sur les plus gros coups, preuve d’un léger manque d’amortissement en rebond.

On nous dit que l’une des clés de la croissance des ventes de Spyder a été le succès de BRP à attirer les femmes à prendre place derrière le guidon.

Un autre domaine d’amélioration significative par rapport au Spyder original est l’impressionnante stabilité du Limited sur les chaussées irrégulières et rainurées. Si sa conception à trois roues apporte certains avantages en termes de stabilité, elle entraîne également les problèmes liés au fait d’avoir trois pistes distinctes sur la route. Dit autrement, si un obstacle peut être facilement évité sur une moto en raison de sa voie unique, le faire sur un Spyder peut être beaucoup plus difficile, voire impossible par moments. Heureusement, les ingénieurs de BRP ont fait un travail remarquable et le F3 Limited gère la plupart des irrégularités de la route avec assurance, notamment avec une tendance particulièrement réduite à louvoyer du train avant.

La gestion du vent et de la chaleur est un élément clé sur un véhicule destiné à conquérir de longues distances. Le pilote du F3 Limited doit faire face à une quantité modérée de bourrasques de vent dans la partie supérieure du corps et au niveau du casque. D’autre part, la large carrosserie fait un excellent travail pour protéger le bas du corps et les jambes du vent, de la pluie et des insectes. La gestion de la chaleur du moteur est généralement favorable, bien que lors d’une balade par un temps exceptionnellement chaud de fin de printemps, nos pieds ont baigné dans un courant d’air chaud.

Le cœur du F3 Limited est son tricylindre Rotax ACE de 1330 cm3 (voir encadré). Conçu pour livrer un large éventail de puissances, le moteur ACE est capable de déplacer les 448 kg (poids à sec annoncé) du Limited sans trop de souci. Le moteur tire avec douceur et fluidité à partir de n’importe quelle vitesse, sans aucun soupçon de traînage ou d’hésitation, le produit d’une conception et d’un calibrage soignés. La réponse est prévisible et le moulin génère suffisamment de puissance pour permettre de doubler rapidement les voitures. En tant que « puriste » qui apprécie la réponse instantanée dans tout ce qui est véhicule, je dois avouer que j’ai trouvé la réponse du moteur un peu molle à bas régime, mais il y a sûrement une certaine réflexion derrière ce choix et je pense que la plupart des clients apprécieront cette condition pour la nonchalance qu’elle apporte à l’expérience de conduite. La dimension viscérale se poursuit avec une agréable sonorité de moteur qui devient assez sportive lorsque l’aiguille du tachymètre numérique balaie la jauge.

L’écran numérique à cristaux liquides de 7,8 pouces fournit une multitude d’informations au pilote (incluant l’autonomie, le choix de rapport, etc.), sans parler de l’accès à une multitude d’aides au pilotage, dont l’application BRP Connect. Le rétro-éclairage qui s’ajuste à la lumière ambiante est une belle touche et assure que l’écran reste visible en tout temps.

Les rapports de la boîte de vitesses sont bien choisis, le moteur ACE tournant à un régime modeste de 3200 tr/min à 100 km/h, ce qui le place en plein dans sa zone de douceur. Plus généralement, à des vitesses comprises entre 90 et 110 km/h, le bras d’équilibrage du moteur fait son meilleur travail, le moulin tournant avec une douceur impressionnante. L’augmentation de la vitesse à 120 km/h introduit quelques légères vibrations dans les poignées et les repose-pieds, notamment d’une résonance étrange et cyclique. Il est important de mentionner que notre unité d’essai n’était pas encore rodée et que nous avons constaté une amélioration notable au fur et à mesure que les kilomètres s’accumulaient. La consommation d’essence a également suivi cette même tendance positive, avec des premières sorties de 7,2 L/100 km et une légère amélioration à 6,8 L/100 km à la fin de l’essai. Avec ses 27 litres de carburant, le Spyder devrait être capable d’offrir un peu moins de 400 km de plaisir sur route sans interruption, vous permettant de vous concentrer sur la route et le paysage au lieu de planifier sans cesse des arrêts pour faire le plein.

Le régulateur de vitesse est une caractéristique bien appréciée le moment venu d’entreprendre de longues randonnées. Malheureusement, la fonction « reprise » (resume) de notre véhicule d’essai était quelque peu aléatoire.

La boîte de vitesses semi-automatique à six rapports, particulièrement appréciée par ceux qui ne maîtrisent pas les subtilités des boîtes manuelles, fonctionne parfaitement. Les décollages sont fluides à tout moment et dans toutes les conditions et les passages aux rapports supérieurs se font par simple pression du pouce, l’intervention de l’ordinateur permettant d’effectuer les changements de vitesse sans tenir compte de la position de l’accélérateur.  Cela signifie, bien sûr, l’introduction d’un léger retard dans le changement de vitesse, mais le Spyder a été conçu pour la route et non pas pour les courses d’accélération. La rétrogradation automatique est également une caractéristique bienvenue, permettant de ne jamais être surpris par un choix de rapport trop élevé.

Le coffre supérieur est volumineux et peut facilement accueillir un casque intégral, entre autres. Bien sûr, ce n’est qu’un des nombreux espaces de rangement inclus sur le Spyder F3 Limited. Avec un volume de rangement total de 138 L, il vous sera difficile de trouver mieux sans ajouter une roue aux critères de recherche. Avis aux amateurs de longues randonnées!

Ce qui accélère doit inévitablement ralentir, et l’impressionnante surface de contact des pneus du Spyder, ses composants de freinage haut de gamme et son ordinateur de gestion bien conçu sont à la hauteur.  Le relâchement de l’accélérateur génère peu de freinage moteur, une continuation de la discrétion de l’expérience de conduite.  L’application du frein via la pédale est une expérience quelque peu vague pour ceux qui sont habitués à la rétroaction élevée typique d’un levier de frein avant de moto, mais la puissance de freinage n’est jamais remise en question, car le Spyder élimine la vitesse avec une efficacité incroyable.  Lors de quelques tentatives de simulation de freinage d’urgence, le Spyder s’est arrêté « tout de suite! », sans aucun crissement de pneu ni instabilité. Une révélation très rassurante compte tenu du nombre de conducteurs distraits qui circulent sur nos routes.

Les étriers monobloc Brembo à montage radial (qui ont une lignée M4 évidente) utilisés à l’endroit des deux roues avant font un travail exceptionnel à ralentir et arrêter le Spyder.

Alors, le Spyder F3 Limited est-il fait pour vous? Tout dépend de ce que vous recherchez. Si l’on met de côté les critiques préjudiciables du type « une roue de trop », le F3 Limited est un passage raffiné et confortable vers des voyages agréables sur la route. Certains diront que c’est une expérience de conduite quelque peu « aseptisée », mais ce n’est pas prendre en compte les avantages offerts par sa conception à trois roues, notamment une convivialité impressionnante et une stabilité inébranlable. Il est temps que les gens commencent à considérer le Spyder non pas comme le « ou » de la moto, mais plutôt comme le « et», ce pour quoi il a été conçu depuis le début. Jugé sur ses propres mérites, le Spyder est une plateforme longue distance remarquablement raffinée, confortable et efficace, ce qui en fait une proposition gagnante à mes yeux.

***

Moteur ACE : puissance conviviale et efficace

Rotax, la filiale moteur de BRP depuis 1970, a longtemps été associée de près à la motorisation deux-temps.  Tout cela changea en 1982 lorsque Can-Am, alors un fabricant de motos hors route, présenta la célèbre Sabre (qui devint Sonic) 500 avec son moteur « Type 504 »  monocylindre quatre-temps. Nous voici en 2021 et le Spyder F3 Limited, comme tous les « roadsters » de Can-Am, est muni d’un moteur Rotax quatre-temps de la famille de moteurs ACE, pour Advanced Combustion Efficiency ou « efficacité de combustion avancée ». Cette famille de moteurs célèbre son 10e anniversaire cette année, le premier moteur ACE étant apparu en 2011 en version bicylindre de 600 cm3 chez Ski-Doo. Suivit ensuite une version tricylindre de 900 cm3 en 2014 et ces deux moulins sont encore avec nous aujourd’hui, non seulement dans les motoneiges mais aussi dans les roadsters Ryker de Can-Am. La gamme a pris de l’expansion depuis et inclut maintenant le tricylindre de 1330 cm3 utilisé dans notre Spyder.

Le Rotax 1330 ACE utilisé dans les Spyder, lancé en 2014, produit 115 ch à 7250 tr/min et 96 lb-pi de couple à 5000 tr/min. Celui-ci fait appel à un alésage et une course de 84 et 80 mm, respectivement. Un bras d’équilibrage aide à atténuer les vibrations.

Un moteur c’est un moteur, non?  Pas tout à fait. Ce qui distingue ces moteurs, comme le nom ACE le suggère, est que ceux-ci ont été conçus et fabriqués avec une attention particulière sur l’efficacité, cela passant par une maximisation du rendement volumétrique, de l’efficacité de combustion et une réduction de la fiction interne. Pour ce faire, les ingénieurs ont privilégié des dimensions plutôt « carrées » (soit à course et alésage de taille semblable) et une configuration à quatre soupapes pour la culasse, les valves étant réglées à des angles étroits pour réaliser une chambre de combustion compacte avec une bonne propagation de la flamme. Un rapport volumétrique élevé permet de hausser l’efficacité également, tout comme l’utilisation d’arbres à cames avec lobes à levée haute et à durée courte.

La quête d’efficacité passe aussi par une réduction de la friction interne, d’où la décision d’utiliser un revêtement DLC (« Diamond-like carbon » ou carbone sous forme de diamant) sur les godets afin de réduire le frottement avec les lobes de cames. La vie au quotidien est simplifiée aussi grâce à l’utilisation d’un mécanisme de réglage hydraulique du jeu des soupapes, permettant d’éliminer les ajustements coûteux.

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L’heure juste

Coups de cœur

– confort accru et conduite détendue sur la grand route

– capacité de, et stabilité en, freinage

– douceur et livrée de puissance soyeuse du moteur

On aimerait

– fenêtre de niveau d’huile à moteur

– des explications sur le mode Eco (dans le manuel d’opérateur, par exemple)

– régulateur de vitesse plus convivial

 

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