Essai de Moto Journal – Ducati Multistrada V4S 2021

Par Par Kevin Duke. Photos : Ducati. Publié le

Une superbe routière

Mais elle est aussi capable de faire revoler la garnotte

Ça prenait bien Ducati pour mettre un moteur de superbike dans un châssis de moto d’aventure tout en réussissant à créer une des meilleures motos de grand tourisme sur le marché, une machine prête à attaquer la route – ou les sentiers.

L’historique de la Multistrada (littéralement : plusieurs routes) au sein de la gamme des Ducati est intéressant. Lors du lancement du modèle original, en 2003, les ducatistes ont été désarçonnés, autant par l’arrivée d’une machine d’aventure chez le célèbre fabricant de motos sport que par l’apparence surprenante de la nouvelle venue. La Multistrada 1000 a ensuite été remplacée par une version 1100, puis par une 1200 refroidie au liquide, en 2010. On a ensuite vu apparaître des déclinaisons Enduro, 1260 et 950. En 2020, les ventes accumulées de Multistrada totalisaient plus de 110 000 unités.

Et aujourd’hui, dans un contexte où le marché des motos d’aventure est plus hot que jamais, la nouvelle Multistrada est propulsée par un V-4 au lieu du V-2 utilisé jusqu’ici. Le moteur est basé sur celui de la Panigale V4, mais Ducati y a apporté toute une gamme de modifications pour le recalibrer en fonction du tourisme sportif et même du pilotage hors-route.

En pratique, cette Ducati de 170 chevaux peut effectivement se tirer d’affaire avec aplomb sur terrain modérément exigeant. Elle a le look, mais elle a aussi des compétences hors-route.

Par ailleurs, ce moteur V4 Granturismo marque également le début d’une nouvelle ère avec un premier intervalle d’ajustement des soupapes de 60 000 km! C’est plus que n’importe quelle autre moto dans cette classe – et clairement une première pour Ducati. En fait, dans bien des cas, l’acheteur original n’aura jamais à ajuster les soupapes…

La plupart des pilotes de Ducati vivent une relation passionnelle avec la marque italienne. C’est pourquoi certains ont dû presque s’évanouir quand la firme a annoncé que la nouvelle Multi abandonnait trois des caractéristiques les plus typiques et représentatives de la marque : le cadre en treillis, le bras oscillant monobras et les soupapes à entraînement desmodromique.

C’est la première Ducati depuis les années 1970 à utiliser uniquement des ressorts pour refermer les soupapes d’admission et d’échappement, au lieu du système desmo purement mécanique. Cela explique aussi pourquoi les intervalles d’ajustement sont si longs. Est-ce qu’on perçoit une différence quand on pilote la machine? Non.

La Panigale V4 avait également déconcerté les fidèles lors de son lancement en 2017 : c’était la première Ducati propulsée par autre chose qu’un moteur V-2 depuis des décennies. Mais la terre a continué à tourner, bien sûr. C’est maintenant ce V-4 que l’on retrouve dans la nouvelle Multistrada, mais sans le système desmodromique, et avec un alésage augmenté qui fait passer la cylindrée à 1158 cm3. Par rapport au V-2 de l’ancien modèle, ce moteur est plus court (8,4 cm de moins), ce qui facilite son positionnement dans le châssis, tout en gagnant seulement 2 cm en largeur. Il pèse 0,7 kg de moins que celui de la Multi 1260.

Ducati a également élevé la barre en matière de technologie. La nouvelle machine est, bien sûr, équipée d’un module de mesure de l’inertie à six vecteurs, qui alimente différents systèmes : ABS sensible à l’angle d’inclinaison, antipatinage, quickshift, dispositif de démarrage en côte, phare qui pivote en virage, clignotants à arrêt automatique, et suspension Skyhook semi-active avec nouvelle fonction d’ajustement automatique de l’assiette.

Tout cet équipement est livré de série sur la Multistrada V4S. Le modèle de base offre moins de fonctions, son tableau de bord à écran TFT est plus petit et ses freins sont moins sophistiqués. Son prix affiché est de 22 395 $, mais vous aurez de la difficulté à le trouver chez un concessionnaire parce que tous les modèles en précommande étaient des V4S et des V4S Sport. Ce dernier se distingue par son silencieux Akrapovic et son garde-boue avant en fibre de carbone.

Le modèle S (26 745 $) que nous avons mis à l’essai est muni d’un superbe écran couleur TFT inclinable de 6,5 pouces. Il est suffisamment grand et lumineux pour bien afficher la multitude d’informations disponibles et son recouvrement en verre minéral, semblable à celui d’un téléphone intelligent, coupe les reflets. Compte tenu de la quantité de fonctions ajustables sur cette machine, la navigation est étonnamment facile, notamment grâce à la nouvelle commande de type joystick, rétro éclairée, tout comme les autres boutons de commande. La navigation à l’intérieur des différentes applications est moins intuitive, toutefois, parce qu’il faut apprivoiser l’appli Ducati Connect qui « copie » votre téléphone, le système de navigation Sygic et les applis Ducati Link et MyDucati.

Pour que nous puissions facilement suivre notre chemin, les organisateurs avaient inséré un téléphone intelligent dans le compartiment caoutchouté et étanche avec prise USB situé derrière le bouchon du réservoir.

Notre première destination était une de mes sections de route préférées toutes catégories, la Montezuma Grade qui s’élève dans un décor rocheux à partir de Borrego Springs, en Californie. C’est une route en serpentin, peu fréquentée, qui exige une moto agile et stable.

Ma première observation concerne le comportement de la moto avec une roue avant de 19 po, un format auparavant réservé uniquement à la déclinaison Enduro. La grande roue enlève un peu de précision par rapport à une roue de 17 po, mais le guidon large donne un bon levier et il permet de faire pencher la machine rapidement avec la poussée appropriée. Une fois en angle, la moto renvoie une impression de solidité et de stabilité. Les pneus Pirelli Scorpion Trail ll offrent une bonne adhérence et permettent de généreux angles d’inclinaison. La suspension semi-active engendre un aplomb que l’on ne retrouve pas sur beaucoup d’autres motos d’aventure.

Sur cette route qui incite à la conduite sportive, j’ai vite été contrarié par le comportement du moteur avec le mode de conduite Tourisme qui avait été présélectionné sur ma machine. La réponse de l’accélérateur me semblait indirecte, un peu comme un capitaine qui doit crier ses instructions au gars de la salle des moteurs… Qu’à cela ne tienne, j’ai simplement appuyé sur un bouton pour accéder à la réponse plus directe du mode Sport, et le problème était réglé.

Le V-4 de la Multistrada offre une motricité remarquable. La séquence d’allumage Twin Pulse, comme sur la Panigale et les machines de MotoGP de la firme, engendre une sonorité qui s’apparente à la fois à celle d’un V-2 et au grondement mélodieux d’un V-4. La puissance à moyen régime est costaude et linéaire, et on obtient une poussée très autoritaire quand on franchit le cap des 7000 tr/min.

Plus tard, après plusieurs kilomètres à vitesses plus lentes et à vitesses beaucoup plus élevées, nous nous sommes retrouvés sur un grand bout droit et j’ai été impressionné de découvrir un niveau de confort auquel je ne m’attendais pas de la part d’une Ducati. L’air s’écoulait en douceur autour du pare-brise à ajustement manuel et la selle offrait un bon soutien qui donnait l’impression qu’on pourrait rouler en tout confort pendant des heures. Par rapport à la Multi 1260 au poste de pilotage déjà spacieux, on gagne encore 2 cm entre la selle et les repose-pieds. Sur la V4S, les poignées et la selle chauffantes sont livrées de série, de même que les valises latérales (elles n’étaient pas installées sur nos motos d’essai).

À ce point-ci, je n’arrivais pas à imaginer une meilleure moto pour traverser le pays.

La technologie radar et ses prouesses

La V4 S est la première moto à offrir les fonctionnalités d’un système radar. Élaboré par Bosch, il fait appel à des capteurs radars à l’avant et à l’arrière, comme sur les automobiles Audi A3, pour contrôler le régulateur de vitesse adaptatif et le dispositif de détection des véhicules dans l’angle mort.

Le détecteur d’angle mort est particulièrement utile : des témoins lumineux s’illuminent dans les rétroviseurs pour indiquer le danger potentiel d’un véhicule à proximité, et ils se mettent à clignoter rapidement si vous vous en approchez trop.

Le fonctionnement du régulateur de vitesse adaptatif est fascinant. On peut choisir entre quatre différentes distances entre la moto et le véhicule devant et le système vous fera automatiquement ralentir si vous vous approchez trop.

Mais ce qui est encore plus futuriste, c’est le système de dépassement assisté. Supposons que vous avez ajusté le régulateur de vitesse à 110 km/h et que vous rejoignez une automobile qui roule à 100 km/h. La moto ralentira automatiquement à 100 km/h. Normal. Mais si vous actionnez le clignotant vers la gauche et changez de voix pour dépasser parce que la voie est libre, le système vous fera automatiquement revenir à 110 km/h sans que vous ayez besoin de tourner la poignée. Impressionnant!

On va sans doute graduellement retrouver cette technologie avant-gardiste de plus en plus souvent dans les modèles de motos haut de gamme. Mais pour l’instant, il y a un hic : le système n’a pas encore été approuvé par les autorités gouvernementales. On s’attend toutefois à ce qu’il soit homologué cet été. À ce moment-là, les propriétaires de Multistrada devront verser 850 $ s’ils veulent activer la fonction.

Et maintenant, on quitte l’asphalte

Bon d’accord, il n’y aura sans doute pas beaucoup de propriétaires de Multistrada à 25 000 $ qui vont se retrouver souvent en situation de pilotage hors-route super technique. Mais on ne pouvait pas passer à côté de ce volet de l’essai. Notre machine était équipée de pneus Pirelli Scorpion Rally sans chambre à air, montés sur les roues à rayons offertes en option par Ducati. Avant de partir à l’aventure, j’ai utilisé le dispositif d’ajustement pratique pour abaisser la selle à son niveau le plus bas (860 mm), question d’avoir les pieds fermement au sol au guidon de cette machine de 243 kg (avec son réservoir de 22 litres rempli). J’ai aussi appuyé sur quelques boutons pour sélectionner le mode Enduro et hausser l’amortissement de la suspension.

Étonnamment, le niveau d’intervention de l’antipatinage en mode Enduro était nettement trop élevé sur sol meuble. J’ai donc décidé de désactiver complètement l’antipatinage. Par ailleurs, bravo à Ducati pour son système qui permet de conserver les paramètres d’antipatinage, de contrôle des wheelies, etc., même lorsqu’on retire la clé; ainsi, on retrouve tout de suite nos sélections à la randonnée suivante.

La Mutlistrada V4 ne pourrait pas semer une KTM 1290 Super Adventure R en pilotage hors-route, mais il n’en demeure pas moins que cette imposante Ducati se comporte nettement mieux qu’on pourrait le croire quand on quitte l’asphalte, surtout avec des pneus à crampons. L’ergonomie améliorée permet de se déplacer plus facilement sur la moto, que ce soit pour se lever ou pour déplacer le poids vers l’arrière. Quant à la suspension, avec son débattement de 170 mm à l’avant et 180 mm à l’arrière, elle est capable d’absorber une bonne dose de bosses.

Le comportement de la Multistrada V4 est exemplaire pour gagner et pour perdre de la vitesse, même en conduite hors-route. Son moteur est d’une grande souplesse, ce qui permet, par exemple, de rouler à 25 km/h en deuxième vitesse pour franchir sans encombre une section particulièrement glissante. De plus, le dispositif quickshift rend les changements de vitesse simples et efficaces. Quant aux étriers de freins Brembo Stylema, ils sont incroyablement performants, que ce soit pour ralentir de plusieurs dizaines km/h sur la route, ou de 2 km/h dans une descente sablonneuse.

Ducati mérite aussi un coup de chapeau pour sa gestion de la chaleur du moteur. Une série de grilles et de prises d’air aérodynamiques permet de dissiper l’air chaud, et un système de désactivation des cylindres réduit la production de chaleur quand la moto est à l’arrêt.

Pour contrer les aléas du pilotage en route, Ducati avait équipé la Multistrada d’une plaque et de barres de protection pour le moteur et d’une grille pour le refroidisseur d’huile. Le pare-brise Enduro plus bas augmente la circulation d’air pour mieux rafraîchir le pilote. Coût total : 1200 $, sans compter les roues à rayons (500 $ de plus en remplacement des roues coulées) ni les pneus Pirelli Scorpion Rally.

En conclusion

Comme on pouvait s’y attendre, la Multistrada V4 est une superbe dévoreuse de bitume. Et en déclinaison S, elle est équipée d’une liste de fonctions plus élaborée que pratiquement toute autre moto sur le marché.

Les motocyclistes de naturel plus économe trouveront sans doute que c’est excessif d’allonger 22 000 $ et plus pour une moto de tourisme d’aventure. Par contre, les passionnés au budget plus élastique trouveront que la Multistrada V4 vaut son pesant d’or, et que le prix à payer est parfaitement raisonnable pour obtenir une machine italienne aussi polyvalente, compétente et charismatique.

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