Ducati Multistrada 950 S 2019: On monte de gamme

Par David BoothPublié le

La « petite » Multistrada est maintenant débordante d’électronique

Au Québec et au Canada, nous avons la réputation d’être plus réservés que nos voisins du Sud. C’est sans doute vrai en matière de gros objets ostentatoires et de consommation en général, mais pas nécessairement dans tous les domaines. Par exemple, nous achetons effectivement des véhicules plus petits (la Toyota la plus vendue aux États-Unis est la Camry – ici c’est la Corolla), mais nous sommes attirés par les déclinaisons plus luxueuses. Il en va de même en matière de performances : au Canada, la proportion des ventes de modèles survitaminés (comme les BMW M4 et Mercedes AMG, par exemple) est plus élevée que partout ailleurs sur la planète. Bref, quand on veut quelque chose, on le veut en version haut de gamme.

Il semble bien que cette particularité s’applique également aux véhicules à deux roues, surtout en ce qui concerne les marques européennes réputées. À preuve, la nouvelle version S de la Multistrada 950. La plus petite des deux machines de tourisme d’aventure de Ducati se voulait un modèle d’introduction à la marque, offert aux environs de 15 000 $, soit un prix très raisonnable (pour une Ducati). Mais les ventes n’ont pas été au rendez-vous. Même s’ils ne choisissent pas le plus gros modèle, les acheteurs d’ici veulent leur Ducati tout équipée. Au Canada, la version S est donc désormais la seule au catalogue (de même qu’aux États-Unis).

Et la 950 S est bien pourvue : suspension avec ajustement électronique de l’amortissement (le réputé système Skyhook), transmission avec fonction quickshift, dispositif de démarrage en pente (un concept emprunté au monde de l’automobile qui empêche le véhicule de reculer quand on doit débrayer dans une pente à pic), ABS qui tient compte de l’angle d’inclinaison, antipatinage, et l’interface multimédia la plus récente de Ducati. Bref, une machine de cylindrée moyenne avec tous les gadgets modernes. Voyez-la comme une Multistrada 1260 avec des pistons moins gigantesques…

La première chose qui m’est venue en tête en tordant la poignée de la 950 S, c’est à quel point nous sommes gâtés aujourd’hui. La course à la puissance fait en sorte que l’on considère parfois qu’une machine s’avère moins bonne parce que sa cylindrée est de « seulement » 937 cc, et qu’elle ne produit que 113 chevaux. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, les moteurs de 900 ou 1000 cc étaient perçus comme de grosses cylindrées, surtout pour des motos de tourisme d’aventure. Et il y a moins longtemps encore, une puissance de 113 ch était considérée comme plus qu’amplement suffisante.

Et c’est encore vrai. Certaines personnes – et certains magazines – vous diront que vous avez « besoin » de 158 ch (c’est la puissance de la nouvelle Multistrada 1260) et que la cavalerie de la 950 n’est pas tout à fait adéquate.

Ne les écoutez pas. Le V-2 de 937 cc de la 950 S 2019 est très semblable à celui de l’an dernier. J’ai fait une randonnée de trois semaines dans les Alpes suisses au guidon de cette version précédente, avec ma passagère à l’arrière, et je peux vous assurer que les 113 ch et le couple de 71 lb-pi étaient amplement suffisants. Bien sûr, dans les montées particulièrement à pic, comme celle qui mène au col du Stelvio, par exemple, il fallait faire grimper le régime un peu plus haut qu’avec une 1260. Mais on n’était absolument pas à court de puissance. Même avec une passagère et la moto chargée à bloc, le moteur ne manquait jamais d’entrain, et il répondait toujours présent pour les envolées sportives. Si vous voulez encore plus de puissance, achetez la 1260. Mais ne l’achetez pas parce que vous avez « besoin » de cette puissance supplémentaire.

 

En outre, ce Testatretta de plus petite cylindrée compense sa puissance brute moins élevée par un tempérament plus enjoué. C’est un moteur nettement super carré (alésage de 94 mm et course de 67,5 mm) qui adore les hauts régimes. De plus, comme ses composantes internes (vilebrequin, pistons, volant, etc.) sont plus légères, les montées en régime sont rapides et on se retrouve en un clin d’œil au-delà des 9000 tr/min (là où est développée la puissance maximale), et on flirte avec les 11 000 tr/min de la zone rouge. En fait, ce moteur donne l’impression de produire une puissance supérieure à celle affichée par Ducati.

Même s’il atteint des régimes très élevés pour un bicylindre de bonne cylindrée, et même si ses huit soupapes sont entraînées par un mécanisme desmodromique, ce moteur Ducati est loin de s’avérer aussi exigeant que ses ancêtres côté entretien. En fait, c’est même le contraire puisque l’intervalle officiel recommandé par Ducati est maintenant de 15 000 km, et de 30 000 km pour le complexe système d’entraînement des soupapes. Il s’agit là d’un intervalle plus long que celui de l’Africa Twin de Honda et de la V-Strom de Suzuki, deux machines réputées pour leur longévité et leur entretien peu exigeant. La passion à l’italienne rencontre la fiabilité à la japonaise; c’est bon.

La principale différence entre le modèle 2019 et l’ancienne 950 tout court réside dans l’ajout de la suspension Skyhook Evo. Cette suspension semi-active (un concept déjà passablement répandu dans le monde de l’automobile) permet de contrôler la précharge des ressorts, l’amortissement en compression et l’amortissement en détente de la fourche inversée de 48 mm et du monoamortisseur Kayaba.

Ce système est plus utile que la plupart des autres systèmes électroniques du genre parce qu’il permet facilement de personnaliser les ajustements. Par exemple, j’aime bien opter pour la souplesse du mode de tourisme à l’avant, combinée à un amortissement sport et beaucoup de précharge à l’arrière afin d’obtenir une direction plus rapide. La complexité du système de suspension explique en bonne partie pourquoi la nouvelle 950 S se vend presque 5000 $ de plus que l’ancienne. Cela dit, la suspension s’avère le point faible de l’ancien modèle; l’amortissement de meilleure qualité et la facilité d’ajustement sont donc bienvenus.

Le système quickshift fonctionne dans les deux sens. Il vous permet de monter – et de descendre – les rapports sans toucher au levier d’embrayage. Par contre, contrairement au système à double embrayage de l’Africa Twin, il y a quand même un levier d’embrayage au guidon, et vous pouvez vous en servir pour changer les vitesses si vous voulez. En pratique, toutefois, on apprend vite à s’en passer puisque le système s’occupe de tout : dès que vous actionnez le levier avec votre pied, l’ordinateur coupe l’allumage et resynchronise le régime. Ce dispositif de Ducati est excellent (bien que sa quincaillerie semble exiger un peu plus d’efforts quand on décide d’y aller à l’ancienne et d’actionner le levier d’embrayage).

Chose étrange, Ducati affirme que c’est le gadget high-tech que les consommateurs désiraient le plus. Je dis étrange parce que l’industrie motocycliste a encore de la difficulté à vendre le concept de la transmission à double embrayage, tandis que les fans de Ducati réclament le quickshift. Pourtant, tout compte fait, le quickshift est simplement une version moins sophistiquée de la transmission à double embrayage.

Avec ou sans sa panoplie de fonctions électroniques, la 950 S demeure une Multistrada, ce qui veut dire qu’elle conserve l’approche unique de Ducati en matière de tourisme d’aventure, et qu’elle dégage une sensation de sportivité plus marquée que la plupart des autres modèles de cette catégorie. De même, son guidon est plus bas, sa selle est plus ferme, et le pare-brise plus petit offre moins de protection qu’un modèle comme la Triumph Tiger, par exemple. Par ailleurs, malgré sa roue avant de 19 pouces, la 950 S ne se montre pas aussi à l’aise en hors-route qu’une BMW GS ou une KTM.

Somme toute, la 950 S offre une excellente tenue de route (un trait caractéristique des Ducati), elle semble très robuste (pas nécessairement un trait caractéristique des machines italiennes) et elle peut faire une bonne machine de tourisme, surtout quand on ajoute l’ensemble voyage avec valises, béquille centrale et poignées chauffantes. Si vous êtes à la recherche d’une machine de tourisme qui penche du côté sportif, allez examiner la Multistrada 950 S de plus près.

Et espérons que ça ne vous dérangera pas trop de payer 5000 $ de plus que pour l’ancienne 950 tout court pour avoir accès à tout cet équipement électronique que les consommateurs semblent tant désirer. Ne venez pas vous plaindre que les Ducati (en particulier) ou que les motos (en général) sont devenues trop chères…

Étonnamment, la Multistrada 950 S 2019 est maintenant vendue à coût plus élevé en gris (20 495 $) qu’en rouge italien (19 795 $). C’est le prix à payer pour l’esthétique hipster…

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