Le rétro à la japonaise

PAR Partenaire de Moto JournalPosted on

Par : Bertrand Gahel

Los Angeles (Californie). Le nombre de modèles de type café racer et scrambler récemment lancés est facilement assez grand pour établir que le rétro ne s’avère pas une mode passagère.
Le mouvement rétro représente désormais une classe en bonne et due forme qui, d’ailleurs, ne devrait que grandir. Si cette nouvelle Kawasaki Z900RS offre un indice de ce que l’avenir réserve dans ce créneau, il semble que le genre rétro soit également sur le point de se raffiner en devenant le fruit d’une réflexion intelligente et d’un grand effort créatif.

Ça n’est certainement pas le cas de tous les modèles de ce type offerts présentement. Rien ne paraît plus facile que de boulonner quelques pièces de style vieillot à une moto déjà en production. Mais le résultat ne donne qu’une machine déguisée ayant comme seul but de tirer avantage d’une tendance vite et à peu de frais.

Kawasaki aurait très facilement pu prendre cette voie avec la nouvelle Z900RS. Il n’aurait eu qu’à remplacer trois ou quatre morceaux de carrosserie sur la Z900. Mais ce que le ­constructeur a fait s’avère très différent. Il s’est servi de la Z900, oui, mais uniquement comme base. Puis, il ne s’est imposé aucune restriction sur le travail à réaliser pour la métamorphoser en machine digne de la légendaire Z1 1973, l’une des motos les plus importantes de l’histoire de la marque. Grâce à son puissant ­4-cylindres de 903 cc à deux arbres à cames en tête, la Z1 a permis à Kawasaki de battre quelque 46 records incluant la plus haute vitesse maintenue sur 24 heures. Elle est un pilier de la marque ­japonaise et l’un des modèles ayant permis à cette dernière de s’établir comme un ­constructeur offrant des produits plus ­puissants que la ­moyenne. Si la Z900RS avait pour but de lui rendre justice, elle allait devoir être nettement plus qu’une Z900 maquillée.

Si l’on tentait, aujourd’hui, de recréer avec exactitude la Z1 et sa place dans l’histoire de Kawasaki, on finirait avec un monstre de ­plusieurs centaines de chevaux — à la H2R. Or, la Z1 était aussi une excellente routière, et ça semble plutôt cette direction que la nouvelle RS favorise, avec une attention extraordinaire au style en prime. Peu importe qu’on soit assez vieux pour avoir été marqué par la Z1 originale ou si jeune qu’on n’était pas encore né en 1973, on ne peut qu’en arriver à une seule conclusion à propos des traits de la RS : que c’est beau!

Les façons de dessiner une machine rétro sont nombreuses. Kawasaki aurait pu, comme Triumph le fait avec sa Bonneville T100, créer une moto difficile à distinguer de l’originale. Mais il s’agit de cas différents, puisque la Z1 n’a pas aussi bien vieilli que la Bonneville. En regardant une Z1 1973 aujourd’hui, on a l’impression de voir une vieille monture ­japonaise assez quelconque. Le style de la Z900RS est beaucoup évolué et en fait même l’une des rares motos nippones modernes dont la ligne paraît tellement soignée, réfléchie et artistique qu’elle en devient sexy. Les RS et Z1 se ressemblent donc beaucoup tout en étant complètement différentes, ce qui fascine.

Avec sa fourche inversée, ses freins à montage radial, ses pneus sport larges, son moteur refroidi par liquide et son échappement de style actuel, la nouveauté est clairement une moto moderne. Pourtant, plus on la regarde, plus on découvre de beaux détails et plus on ­apprécie les efforts déployés par les designers pour les inclure. La forme du réservoir, par ­exemple, a carrément nécessité un nouveau cadre. Au lieu de classiques roues à rayons, Kawasaki a créé des roues coulées dont les branches très fines donnent l’impression de rayons. L’instrumentation ressemble à s’y méprendre à quelque chose qu’on aurait vu durant les années 1970, mais elle est moderne et ­discrètement munie d’un écran numérique rempli d’informations.

L’attention aux détails ne se veut pas que visuelle et s’étend jusqu’au comportement, bien que ça soit un peu plus subtil à percevoir à ce chapitre. Le 4-cylindres constitue un bon exemple. Par rapport à celui de la Z900, il a été légèrement modifié en apparence pour faire un clin d’œil aux vieilles mécaniques refroidies par air, tandis que plusieurs changements internes lui font perdre une quinzaine de chevaux à haut régime en faveur de plus de couple à bas régime. Sur papier, les 110 chevaux qui restent ne représentent pas une montagne de puissance, mais une fois en mouvement, on constate que c’est assez. Le couple disponible dans les tours bas et moyens est particulièrement plaisant, tandis que la ­puissance maxi suffit pour étirer les bras juste assez pour faire sourire un pilote expérimenté. Même la sonorité du silencieux a été ajustée afin de ressembler au chant d’un système d’échappement de performance. Kawasaki a aussi ajouté un balancier de plus au moteur de la RS, ce qui la rend assez douce jusqu’au milieu de la plage de régimes, mais, comme sur la Z900, ça continue de chatouiller plus qu’on ne le voudrait en haut. Un certain à-coup ­ressenti lors de l’ouverture des gaz est le seul autre reproche qu’on peut faire à la mécanique.

En termes de comportement, tout se passe bien. La Z900RS n’est pas du tout une moto de piste dénudée et se conduit simplement comme une bonne routière. En fait, en raison de la nature sans effort, sans drame et sans surprises de l’expérience de pilotage que propose la RS, ça ­devient presque ­tentant de la qualifier d’ordinaire. Une routière ­docile animée par un 4-cylindres en ligne n’est pas exactement ce qu’il y a de plus caractériel sur le marché… Mais pour autant que l’on comprenne à quel type de moto on a affaire, cet aspect « ­ordinaire » n’est pas négatif.

Mécaniquement, la RS n’a pas d’autre but que celui de bien fonctionner, ce qu’elle accomplit très bien. Les freins sont ceux d’une sportive, mais sans que leur grande puissance arrive de manière abrupte. Les suspensions se montrent assez souples pour être qualifiées de confortables même sur route imparfaite. La selle est bien formée et rembourrée (la version basse offerte en accessoire est toutefois moins ­confortable). Et le châssis reste sain et précis même lorsqu’on s’amuse franchement en virage. Cela dit, les repose-pieds moins hauts et reculés que sur la Z900 font que la garde au sol a ses limites, et un rythme un peu agressif en courbe aura pour résultat de faire frotter certaines pièces. Le côté gauche demande une attention particulière, puisque dans ce cas, le cadre et non le repose-pied articulé touche en premier. Quant à l’électronique, elle se limite à l’ABS livré en équipement de série et au contrôle de traction à deux niveaux, donc juste ce qu’il faut et rien de superflu. Notons que le contrôle de traction peut être désactivé, ce qui ­élimine son effet anti-wheelie.

Après d’innombrables courbes, de beaux moments à longer le Pacifique et même quelques wheelies loin des regards indiscrets, la nature de la nouvelle Z900RS s’est clarifiée. On ne peut que l’avouer : son style compte pour une partie très importante de son attrait. S’il n’était pas aussi réussi, cet attrait deviendrait moindre, puisque mécaniquement, même si elle fait très peu de fautes, la nouveauté n’a rien de vraiment exceptionnel. D’un point de vue strictement froid et logique, il s’agit donc d’une bonne moto, bien dessinée. Mais cela ne suffit pas à la décrire; ce que Kawasaki propose avec sa RS va au-delà d’une position parfaitement naturelle ou d’un remarquable équilibre mécanique. Il s’agit aussi d’un modèle offrant un facteur émotionnel intangible. Aux commandes de la Z900RS, on ressent le sentiment de ne rien avoir à prouver et on éprouve un malin plaisir à se balader calmement et sans raison. Cette dernière qualité semble aller de soi, mais la réalité, c’est qu’elle a tendance à s’effriter lorsqu’un modèle se voit forcé à se conformer à une catégorie, ce qui n’est pas le cas de la RS.

D’une certaine façon, le plus grand attrait de la Z900RS réside donc dans le fait d’être libérée de la ­catégorisation. Ça ne représente rien de nouveau pour Kawasaki — ou pour chacun des constructeurs japonais, d’ailleurs —, puisque la marque a déjà produit des motos de ce type par centaines de milliers. En raison de leur grande versatilité, on les appelait les UJM, ou Universal Japanese Motorcycle. La spécialisation les a tuées et, ironiquement, cette même spécialisation fait de ce retour un événement tellement apprécié.

Réflexions rétro…
Qui saurait expliquer avec clarté la popularité de plus en plus grande de la tendance rétro chez les motos? Des ­spécialistes en sociologie? Nul besoin de ces derniers pour comprendre la force de la nostalgie habitant l’esprit des baby boomers qui, durant les années 1950, 60 et 70, ont été marqués par une Triumph Bonneville, par une Honda CB750 ou par une Kawasaki H2. Peu importe le contexte, les souvenirs de jeunesse sont toujours responsables d’émotions intenses. Mais qu’en est-il des jeunots dans la vingtaine, des trentenaires et des quarante-quelques qui salivent devant une Triumph Thruxton, une BMW R nineT Urban GS ou encore cette nouvelle Kawasaki Z900RS? Ils n’ont pourtant jamais connu les versions originales ayant inspiré ces nouveautés. Leur intérêt viendrait-il du fait qu’au premier regard, le style moins agressif de ces montures les rend moins intimidantes qu’une sportive pure? Cet attrait serait-il plutôt lié au ­contraste entre la beauté naturelle des lignes rétro et l’aspect prévisible des sportives de plus en plus effilées et des ­customs de plus en plus semblables? Un peu de tout ça? Difficile à dire…

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