Trois-Rivières la pas fine

Par Marc ParadisPublié le

Ha les interdictions de motos! Au début du 20e siècle apparut un mode de transport économique, rapide, amusant mais surtout bruyant… Dans ce temps-là, les citadins devaient être plus tolérants qu’à notre époque ou encore les motocyclistes étaient peut-être mieux élevés et n’abusaient pas autant de leur machine à décibels pour se faire remarquer. Probablement que nos ancêtres n’avaient pas besoin d’impressionner autant que leurs descendants… Avec le temps, certaines villes se sont dotées de règlements visant à limiter, voire même à interdire la circulation motocycliste sur une partie ou encore la totalité de leur territoire. Pour quelle raison? Par pure méchanceté? Par intolérance vis-à-vis les deux roues? Pour faire plaisir à certains résidents un peu plaignards? Ou encore pour répondre à une demande de quiétude de l’entourage des payeurs de taxes?

Qui n’a jamais entendu la phrase : La musique de l’un est un bruit pour l’autre! Bon, disons que je viens de l’inventer. Prenons un autre exemple, prenons la chanson We Are the Champions du groupe Queen. Tout le monde ou presque aime l’entendre lorsque son équipe préférée vient de gagner un match important ou encore la coupe Stainless. Mais si vous vous faites réveiller en pleine nuit par un système de son qui joue et rejoue la dite chanson, vous la trouvez un peu moins bonne. Même chose si vous êtes attablé au restaurant en agréable compagnie, et que tout d’un coup, les haut-parleurs crachent à pleine puissance cette chanson à répétition! Vous commencez à comprendre où je veux en venir?

Au mois d’avril dernier, des motocyclistes aperçurent au centre-ville de Trois-Rivières des pancartes interdisant la circulation (et le stationnement) sur la rue des Forges entre les rues Notre-Dame et du Fleuve, une portion à sens unique menant au port de Trois-Rivières et au tunnel du port, tunnel dans lequel la circulation des motos est déjà interdite depuis quelques années. Il s’agissait donc de l’artère de prédilection pour les motocyclistes « m’as-tu vu? » désirant se restaurer dans la métropole de la Mauricie tout en allant « rincer » leur moto dans le tunnel, histoire de bien se faire remarquer au retour par les gens attablés aux terrasses… Une quinzaine de motocyclistes se sont vu distribuer une amende salée de 169 $ pour avoir enfreint le nouveau règlement. Aucun avertissement, aucune période de transition. Il n’en fallait pas plus pour enflammer les médias sociaux et amener au boycott pur et simple de toute la ville.

Mais voilà que, comme dans Scooby-Doo, un détail qui avait échappé à tout le monde est dévoilé : la Ville a réalisé que le règlement, que l’on croyait approuvé par le comité exécutif, n’avait été que discuté, pour être ensuite soumis au conseil municipal. Le règlement municipal n’avait donc jamais été approuvé, et ce, même si une signalisation routière adéquate avait été imprimée et mise en place, et qu’une opération policière s’était tenue pour contrôler la circulation des motos sur cette portion de rue. Se retrouvant devant un tel cafouillage et pour éviter la grogne populaire motocycliste, la Ville fit marche arrière et décida de procéder autrement en affichant clairement que la circulation est seulement interdite dans le tunnel, donc permise partout ailleurs (de plus les constats d’infraction ont tous été annulés).

Doit-on s’en réjouir? Est-ce un signe des temps? Suffit-il de faire une crise de bacon pour que les élus battent en retraite? Est-ce que cet épisode de « répression » aura servi à conscientiser certains motocyclistes délinquants? En lisant les commentaires sur les réseaux sociaux, j’en doute, certains se promettant même d’aller rincer leur moto dans le tunnel pourtant interdit de circulation depuis des années pour la raison que nous connaissons. La désinformation est elle aussi très en vogue de nos jours. Sur les mêmes forums, j’ai aussi pu lire que la municipalité de Saint-Jean-Port-Joli avait déjà interdit la circulation moto sur la 132, vraiment n’importe quoi!

Les élus essaient de nous sensibiliser à la douce avec des pancartes nous demandant le respect de l’environnement sonore que nous traversons et certains y voient une discrimination en se disant : j’ai le droit, je paie mes plaques assez cher. Une immatriculation moto est un droit, pas un privilège comme la carte sortie de prison au Monopoly. Vous en doutez? Écoutez We Are the Champions en boucle durant 48 heures et on s’en reparlera. Gardons le niveau de décibels bas et peut-être d’autres municipalités emboiteront le pas en réduisant elles aussi leurs interdictions, mais pour ça, il faudra beaucoup de discipline…

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