Moto Guzzi V9: Élégants cruisers à l’italienne

Par Paul PenzoPublié le

Les nouvelles machines de Guzzi affichent fièrement leur héritage presque centenaire
Mon ami le plus proche, Piero Zambotti, est décédé en 2003 lors d’une randonnée automnale avec des collaborateurs de Moto Journal et de Cycle Canada. Depuis, ses parents sont devenus comme ma propre famille et mes enfants les appellent grand-père et grand-mère. Alors, quand j’ai été invité à ce lancement des toutes nouvelles V9 de Moto de Guzzi, j’ai décidé de joindre l’utile à l’agréable.

Ma ville d’origine, Chioggia, est située dans la province de Venise, à environ deux heures et demie de route du siège social de Moto Guzzi, à Mandello del Lario, près de Milan. J’avais appris que les parents de Piero allaient passer le week-end chez ma mère, alors j’ai décidé de leur rendre visite.

En attendant mes bagages, je discute avec un Italien à la retraite qui a conservé beaucoup de bons souvenirs de « la vecchia » – l’ancienne – firme Moto Guzzi. Moto Guzzi a été l’une des premières marques de moto d’Italie et la compagnie fonctionne sans interruption depuis plus longtemps que tout autre manufacturier européen. À la sortie de la zone internationale, je suis accueilli par ma cousine Rosella et sa famille. Son mari m’expliquera un peu plus tard que Moto Guzzi a fourni des machines aux militaires pendant les périodes de guerre.

Après une promenade sous les arches et dans les rues aux vieux pavés de Chioggia, j’arrive au café où m’attendent Ivano et Carol, les parents de Piero. Après des étreintes chaleureuses, Ivano me raconte des souvenirs. Il y a très longtemps, il avait acheté une Moto Guzzi de 50 cc de couleur orange pour Carol, et deux casques : un jaune pour elle, et un bleu pour Piero. Le petit Piero n’avait que 3 ans à ce moment-là. Il ajoute que plus tard, la machine orange a fini entre les mains d’un autre membre de la famille plus jeune, qui l’a malheureusement peinte en noir…

Il est clair que Moto Guzzi a des racines profondes dans la région, surtout auprès des personnes plus âgées. En fait, on dirait que tout le monde à qui je parle ici a une histoire à raconter à propos des Guzzi. L’entreprise a été fondée le 15 mars 1921, soit exactement 95 ans, jour pour jour, avant cette visite et mon essai de la V9. Les trois fondateurs se sont rencontrés pendant la Première Guerre mondiale. L’un d’eux avait des connaissances en mécanique et les deux autres avaient de l’expérience comme pilotes; un de ces deux derniers était même un coureur moto établi. La technologie héritée de l’aviation est bien visible dans les premiers modèles et elle a contribué au succès de la marque dans les championnats de course européens de l’époque.

Au musée Moto Guzzi, on peut voir le prototype original construit par les entrepreneurs pour présenter leur concept à la banque et solliciter des fonds. On peut même examiner le premier prototype du moteur V-2 à 90 degrés avec vilebrequin longitudinal. C’est un musée très complet qui permet notamment d’admirer les premières motos de course de la marque équipées de freins à disque (au look préhistorique…), des moteurs huit cylindres de petite cylindrée, des scooters, des cruisers, etc. En visitant ce musée, il apparaît clairement que la V9 est fortement reliée à ses racines, pas seulement en matière de style, mais également parce qu’elle demeure fidèle à la configuration de son V-2 qui fait face à la route.

Notre guide est un employé de Guzzi de troisième génération, maintenant à la retraite. Il nous explique que la compagnie employait plus de 1600 personnes à son apogée et qu’elle produisait plus de 30 000 unités de différents produits par année – pas seulement des motos. On fournissait aux employés des maisons un peu plus haut dans la montagne, avec vue sur l’usine et la soufflerie (le tunnel aérodynamique). L’entreprise a même construit des abris contre les bombardements dans la montagne au cours de la Deuxième Guerre mondiale; comme elle produisait des équipements militaires, elle risquait d’être la cible de bombardiers ennemis.

Moto Guzzi a été la première entreprise au monde à construire une soufflerie spécifiquement destinée à améliorer l’aérodynamisme des motos. Elle est dotée d’un moteur électrique à vitesse variable de 300 chevaux – on pouvait l’utiliser seulement après 17 heures lorsque l’usine principale n’avait plus besoin d’électricité.

Lorsque les affaires sont devenues plus tranquilles et qu’on s’est mis à faire fabriquer la plupart des composantes en sous-traitance, on a vendu les maisons, et l’infrastructure électrique qui servait à alimenter l’équipement lourd a été démantelée. Sans alimentation électrique suffisante et avec l’arrivée de nouveaux voisins, on a cessé de faire fonctionner la très bruyante turbine de la soufflerie. Mais elle est encore là et encore théoriquement fonctionnelle.

À une certaine époque, absolument toutes les pièces des motos étaient conçues, fabriquées et assemblées à l’usine. Une bonne partie des habitants du village de Mandello del Lario étaient employés par l’entreprise, et les artisans des différentes disciplines transmettaient leur savoir-faire à leur successeur. D’ailleurs, notre guide a lui-même été formé par un employé retraité qui avait été rappelé spécifiquement pour lui montrer comment construire et souder les cadres des motos.

On m’a expliqué que Moto Guzzi utilisait actuellement environ 35% de la superficie de l’usine originale, mais qu’elle avait des plans pour mettre le reste à profit dans les années à venir. Toutes les composantes des motos sont assemblées à l’usine mais, pour des raisons d’économies d’échelle, la plupart des pièces proviennent de fournisseurs extérieurs. Plusieurs de ces fournisseurs sont également des partenaires de la compagnie mère, le Groupe Piaggio, le plus important fabricant de motos d’Europe.

La V9 est conçue selon les critères de performance italiens pour un cruiser de cylindrée moyenne. Ce qui est sensiblement différent des critères nord-américains. La Guzzi est facile à relever de sa béquille, elle est facile à manœuvrer à l’arrêt et sa position de conduite ressemble à celle que l’on adopte à table ou à un bureau : dos droit, bras confortablement placés en position naturelle, et genoux pliés à 90 degrés. En fait, la V9 est un modèle fonctionnel, mais qui vise spécifiquement les motocyclistes qui veulent avoir l’air cool, les néophytes et les femmes. J’ai également constaté que la V9 est très stable même à des vitesses auxquelles peu d’acheteurs se promèneront.

Moto Guzzi nous a expliqué fièrement que la V9 est faite presque exclusivement d’acier et d’aluminium (et de très peu de plastique) et qu’elle est constituée de nouvelles pièces dans une proportion de 90%. Deux déclinaisons sont offertes, la Bobber et la Roamer, et toutes deux affichent un style qu’on peut qualifier d’ancien ou de néo-cool, selon le point de vue.

La Roamer est dotée d’une selle plus haute et d’un guidon plus large, pour une position de conduite plus relaxe, et elle a un look plus traditionnel avec ses pièces chromées et sa peinture à liserés. La Bobber est nettement plus intéressante, à mon avis. Elle arbore un style plus affirmé avec sa peinture mate, son large pneu avant, sa selle plus mince, son guidon plus bas et sa position de conduite un tantinet plus sportive. Sur les deux modèles, 45% du poids est placé sur la roue avant, ce qui fait qu’on sent que la moto est stable et bien ancrée au sol.

Quand on démarre le moteur, on sent la machine qui tire vers la droite à chaque coup d’accélérateur. Cette particularité devient cependant imperceptible dès qu’on roule. L’échappement d’origine est silencieux. Mais ce n’est pas celui-là que vous voyez sur les photos de la Bobber. Celle-ci était équipée de certains des quelque 400 accessoires offerts par Moto Guzzi, dont ce silencieux noir mat au look nettement plus méchant (l’ajout le plus intéressant du catalogue à mon avis). Tous les accessoires sont vérifiés à l’usine pour s’assurer qu’ils s’ajustent parfaitement. Vous devrez cependant être patient, car il faut souvent attendre un bon moment avant que les accessoires ne soient homologués et livrés en Amérique du Nord.

Moto Guzzi ne dévoile pas la puissance maximale du V-2, mais on sait qu’il produit plus de 44 lb-pi de couple entre 2500 et 6500 tr/min, ce qui se traduit par une livraison de puissance solide et linéaire. Les cylindres qui dépassent de chaque côté produisent une chaleur bienvenue par temps frais. Fidèle à la tradition de la marque, ce moteur est fiable et la moto est facile à piloter.

Pour un modèle rétro, la V9 est équipée de nombreux accessoires et fonctions électroniques, dont l’antipatinage à deux niveaux (si on le désactive entièrement, la V9 part facilement en wheelie simplement en tournant l’accélérateur!). Elle est dotée de systèmes électroniques Magnetti Marelli, de freins ABS avec étriers Brembo à l’avant et, en option, on peut obtenir une interface multimédia pour iPhone qui permet d’augmenter les informations disponibles sur l’écran d’affichage.

Les chambres de combustion ont été améliorées et on a allongé le tirage de la première et de la sixième vitesse. Les changements de rapports se font en douceur. Les premiers sont rapprochés, ce qui fait que je pouvais choisir indifféremment un rapport ou l’autre dans les petites routes sinueuses où j’ai roulé pendant une bonne partie de la journée. Si on laisse le régime descendre trop bas, par contre, la réponse de l’accélérateur est un peu abrupte entre la position fermée et ouverte. La position de conduite est bonne, l’embrayage est facile à moduler et la moto est maniable à basses et moyennes vitesses.

En roulant dans les routes de montagne, je me sentais parfois comme dans les magnifiques montagnes Rocheuses. Sauf que nous sommes dans les Alpes, et au lieu des paysages sauvages et des ours, il y a des petites villes rustiques et des gens partout. Nous sommes dans la région de l’un des plus grands lacs glaciaires du nord de l’Italie, le lac de Côme. À mesure que l’on monte, les virages en épingle à 180 degrés sont de plus en plus nombreux, et il y a de plus en plus de neige de chaque côté de la route.

C’est ici que Moto Guzzi met ses motos à l’épreuve, et on comprend pourquoi la V9 est si maniable et dotée d’autant de couple moteur. Personnellement, je préfère la conduite de la Bobber à celle de la Roamer, mais c’est peut-être simplement parce que je préfère son look… Il en va ainsi des motos : à moins de vouloir faire de la course, ce sont les émotions plutôt que la logique qui nous font choisir une fois qu’on a défini ses besoins de base. La Roamer (11 090 $) est offerte en blanc ou en jaune. La Bobber coûte 500 $ de plus; elle peut être habillée de noir mat ou de gris.

Les ailes du logo de Moto Guzzi ont été incorporées en mémoire d’un de ses fondateurs, Giorgio Parodi, mort peu de temps après la Guerre. Le grand-père et la grand-mère de Piero ont aussi une sculpture qui représente une aile, en mémoire de leur fils; elle est dans leur jardin. J’aimerais tellement qu’il soit encore parmi nous.

Les ventes de Moto Guzzi ont augmenté de 8% entre 2011 et 2015 et l’entreprise vise notamment les propriétaires de Harley-Davidson qui voudraient essayer quelque chose de différent. La firme a prévu le lancement d’un modèle 95e anniversaire à Sturgis plus tard cette année. À suivre, donc. Il y a actuellement 17 concessionnaires au Canada et Moto Guzzi a bien l’intention de faire grimper ses parts de marché partout dans le monde.

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