Honda Africa Twin 2016: Vive la garnotte!

Par Moto JournalPublié le

Voici une moto de tourisme d’aventure réellement à l’aise en hors-route. En plus, elle est disponible avec transmission à double embrayage.
Par David Booth

Un des pires défauts de la course folle à la puissance, c’est qu’elle est contagieuse. Même si on prédit depuis longtemps qu’il y aura une accalmie, la folie se poursuit. Le niveau de puissance des motos sportives est de plus en plus insensé. Kawasaki a vendu – à fort prix – toutes ses machines suralimentées de 300 chevaux. Il en va de même pour la Panigale de 205 ch; la plupart des journalistes moto reconnaissent qu’elle n’est pas pilotable sauf dans un environnement parfaitement adapté. En réalité, peu de gens osent mettre l’accélérateur à fond sur les sportives actuelles de 1000 cc; la puissance qu’ils envient tant sur le papier glacé des magazines leur fait peur dans la vraie vie.

Cette mentalité de « on n’a jamais trop de puissance » devient encore plus ridicule dans le cas des motos de tourisme d’aventure. À lire et écouter certains commentateurs, il « faut » au moins 150 ch pour rouler en hors-route, et les essais comparatifs sont souvent fortement centrés sur la puissance brute. La 1290 Super Adventure de KTM et la Ducati Multistrada « Enduro » affichent quelque 160 ch. Même BMW, habituellement plus réservée dans ce créneau, a dû hausser la puissance de sa GS à 125 ch pour rester dans la course. À l’opposé, on critique sévèrement le manque de puissance de la Suzuki V-Strom et on dit de la brillante Aprilia Caponord qu’elle n’est pas assez sportive. Dans tout cela, on oublie que la raison d’être fondamentale des motos d’aventure, c’est la polyvalence, pas la capacité à faire des wheelies

Ce qui nous amène au retour (longtemps attendu) de l’Africa Twin de Honda. Ce modèle légendaire, du moins en Europe, a été vendu là-bas en déclinaison 750 cc de 1990 à 2003. La version actuelle CRF1000 porte encore fièrement l’héritage hors-route de ses prédécesseurs.

Son moteur produit « seulement » 94 ch? Pas de problème, Honda mise sur le fait que les acheteurs savent que l’aventure ne se mesure pas à la longueur des traces de pneus brûlés laissées sur l’asphalte. Suspension électronique complexe? Trop lourde quand vient le moment d’enjamber une bille de bois. Un réservoir de 30 litres? C’est bien pour ceux qui veulent enfiler 500 km de suite, mais il en résulte un centre de gravité trop haut pour facilement garder le contrôle dans une montée boueuse.

L’engagement de Honda envers le volet hors-route du tourisme d’aventure est profond. L’Africa Twin est dotée d’un bicylindre en ligne compact Unicam (à simple arbre à cames) parce qu’il permet d’obtenir un centre de gravité un peu plus bas qu’avec un DACT. Par rapport à un bicylindre en V, cette configuration permet également de placer la batterie et d’autres composantes électriques lourdes directement derrière les cylindres pour obtenir une meilleure centralisation des masses. La roue avant de série est un modèle de 21 pouces (dans ce créneau, ce grand format est généralement offert seulement en option) et le pneu est très étroit : 90/90-21. Bref, l’Africa Twin est conçue pour le hors-route plus que tout autre modèle de tourisme d’aventure de grosse cylindrée proposé par les grands manufacturiers.

Et ça marche. La légèreté (relative) est un des principaux avantages qui résultent de cette approche. Bien sûr, à 211 kg, on ne peut pas parler d’un poids plume, mais la Honda donne presque l’impression d’être une machine de motocross en comparaison avec la BMW R1200 GS Adventure, par exemple. Sur les routes de gravier, la différence de comportement est minime, mais dans les sentiers serrés, l’avantage est évident. De plus, son rayon de braquage de 2,5 m est le meilleur de la catégorie. Quant au pneu avant étroit, il facilite les virages tout en offrant une meilleure prise dans la boue et le sable. Dans les séries de bosses de type whoops (oui nous avons même fait un peu de motocross avec la bête), la légèreté est aussi un atout : on se fait moins brasser, on a l’air moins maladroit, et on s’amuse plus… De même, quand on échappe la machine, il est beaucoup plus facile de la relever qu’une grosse GS Adventure (une tâche herculéenne dans ce cas spécifique). Somme toute, plus on s’aventure en dehors des routes pavées, plus on apprécie les « compromis » choisis par Honda pour son Africaine bicylindre.

Son moteur est bien adapté aussi. On ne peut peut-être pas faire des wheelies juste en tordant la poignée, mais la livraison linéaire de couple à bas régime est idéale pour rester en contrôle quand les pneus à crampons Continental TKC 80 commencent à glisser malgré tout leur mordant. Dans les sentiers serrés, on peut rouler en première au ralenti sans craindre de caler le moteur. Puis, en tournant un peu l’accélérateur, la puissance augmente en douceur. De plus, le système antipatinage à trois niveaux est bien calibré. Le premier intervient beaucoup et il est peu utile en hors-route. Le troisième, par contre, est idéal et il fonctionne très bien pour grimper des pentes glissantes, par exemple : tournez simplement l’accélérateur avec entrain et le système déterminera la combinaison idéale de patinage et de motricité.

Ce qui m’amène à formuler une recommandation qui ne fera peut-être pas l’unanimité parmi nos lecteurs : optez pour la transmission à double embrayage si vous voulez rouler souvent dans la boue et la terre. Oui, vous avez bien lu, je crois que cette transmission automatisée peut s’avérer plus efficace en conduite hors-route. Voici pourquoi.

Concentration d’abord. À moins de vous appeler Gaston Rahier, vous apprécierez de ne pas avoir à vous soucier d’un levier d’embrayage quand vous traverserez votre 47e mare de boue de la journée au guidon d’une machine de plus de 450 lb. Vous serez content de conserver ce qu’il vous reste d’énergie simplement pour garder la moto sur ses deux roues. Il en va de même pour grimper les côtes difficiles ou négocier des virages creusés d’ornières profondes. J’ai aussi été surpris de voir que cette transmission fonctionne très bien pour les routes de gravier. Donnez deux petits coups sur le levier au guidon pour faire rétrograder de deux rapports et vous lancerez un dérapage sans avoir à freiner ou jouer avec l’embrayage. En fait, après deux jours de conduite hors-route intense, je n’avais qu’une seule critique à formuler à propos du comportement de cette transmission : elle n’offre pas la sensibilité d’un embrayage manuel classique si on veut rester debout sur les repose-pieds et faire un demi-tour à très basse vitesse dans un sentier serré. Optez alors pour la position assise, moins élégante mais plus efficace.

Cela dit, pour la conduite sur route, je ne suis pas aussi convaincu de l’efficacité de la transmission à double embrayage pour toutes les situations. En ville, elle fonctionne très bien : les changements de vitesse sont rapides et ils surviennent au bon moment. Même chose sur l’autoroute : la transmission rétrograde en un clin d’œil pour dépasser les camions qui lambinent. En fait, le problème se situe entre ces deux extrêmes : par exemple, après avoir accéléré à fond pour un dépassement, la transmission demeure dans un rapport trop bas pendant bien trop longtemps et le gros bicylindre tourne à haut régime pour rien. C’est très agaçant et on finit presque toujours par monter les rapports manuellement avec le petit levier à la poignée de gauche. La bonne nouvelle, cependant, c’est qu’il ne s’agit pas d’un problème mécanique, mais plutôt d’une question de programmation. Une simple mise à jour du système de gestion devrait suffire à corriger la situation dès qu’un nombre suffisant de propriétaires se seront plaints à Honda.

Le bicylindre de la CRF1000 convient très bien pour un usage routier. Comme nous l’avons dit, vous ne gagnerez pas de courses d’accélération contre une Ducati ou une KTM, mais il offre assez de puissance et un couple amplement suffisant (72 lb-pi à 6000 tr/min) pour faire du mototourisme. De plus, avec son vilebrequin calé à 270 degrés, le moteur livre pratiquement le son et la douceur d’un V-2. Quant à la boîte manuelle à six rapports, elle est dotée d’un embrayage antisautillements facile à actionner. Les amateurs de transmission manuelle ne seront pas déçus – et ils économiseront 1000 $.

Côté confort, vous ne serez pas déçu non plus. Par exemple, malgré leur taille relativement petite, le carénage et le pare-brise sont très efficaces et ils créent une poche d’air calme plus grande qu’on ne le croirait. En fait, avec le pare-brise plus haut offert en option, j’ai expérimenté un des meilleurs postes de pilotage sur le marché en matière d’absence de turbulences. Les affirmations des manufacturiers sont souvent excessives en ce qui concerne l’aérodynamisme, mais dans ce cas-ci, Honda a visé très juste avec son pare-brise savamment découpé à prises d’air latérales et centrale. La version haute était parfaite pour moi (je mesure 5 pi 11 po). Les pilotes de 5 pi 10 po et moins ont préféré le pare-brise de série.

Comme c’est le cas pour la plupart des modèles de tourisme d’aventure, la position de conduite est confortable et bien adaptée pour le tourisme sportif. Le guidon de style hors-route permet de se lever debout facilement, non seulement pour franchir des obstacles, mais également pour changer de position et s’étirer les muscles lors des longues randonnées. La selle est relativement étroite à l’avant, mais bien rembourrée et plutôt plate (nous n’avons pas roulé suffisamment sur les routes asphaltées pour bien évaluer son confort à long terme). Quant à la suspension, elle offre une excellente souplesse pour le hors-route et les routes défoncées tout en demeurant est assez ferme pour la conduite (semi) sportive sur les petites routes en lacets.

Côté critiques, peu de choses à dire. Le bloc d’instrumentation est trop petit et il a l’air vieillot. Les leviers de changement de vitesse pour la transmission à double embrayage pourraient être mieux placés; en conduite sportive, on se retrouve avec des crampes au pouce et à l’index gauche si la route en lacets dure trop longtemps. En fait, la principale critique de notre groupe des journalistes moto canadiens concernait le fait que la transmission à double embrayage n’était pas (encore) disponible avec le modèle à livrée rouge rallye Honda… Voilà qui en dit long sur les qualités d’ensemble de l’Africa Twin.

Et ajoutons une autre qualité : avec son approche minimaliste efficace pour le hors-route, l’Africa Twin gagne aussi l’avantage d’être offerte à prix très raisonnable. Le PDSF du modèle de base est de 13 999 $; même la version à double embrayage ne coûte que 14 999 $.

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