Yamaha R1 et R1M: Des MotoGP pour monsieur Tout-le-Monde

Par James NixonPublié le

On aura attendu longtemps la nouvelle YZF-R1. Mais ça valait le coup de patienter.

J’attends sagement avec les autres le signal de départ dans la voie de ravitaillement du circuit Motorsport Park de Sydney, en Australie. Pour cette première activité du lancement de presse, nos positions ont été établies au hasard, et je me retrouve le premier en avant de la file. Le plan, c’est de conserver cet ordre pendant le premier tour, en suivant le pilote de Yamaha qui nous sert de guide. Le problème, c’est que derrière moi, il y a plusieurs motocyclistes très rapides, notamment Cameron Donald (un habitué du TT de l’île de Man), Steve Martin (vétéran du championnat mondial de superbike et gagnant du championnat mondial d’endurance) et Josh Brookes (coureur au championnat britannique de superbike). Je suis nerveux, surtout que je n’ai pas roulé depuis l’automne dernier. Après le premier tour, je laisse passer les autres pilotes, et je m’applique à découvrir ma machine et la piste. En me donnant un peu de temps et d’espace, je deviens rapidement plus à l’aise, et la R1 facilite grandement mon apprentissage.

Pour concevoir une bonne moto, il faut du temps, bien sûr. Mais la période de gestation de cette nouvelle R1 aura été excessivement longue, surtout qu’elle évolue dans un segment de marché très compétitif et en perpétuelle évolution. La dernière refonte complète remonte à 2006. Par la suite, il y a eu différentes améliorations à la pièce : nouveau système de gestion avec accélérateur à commande électronique en 2007, vilebrequin avec manetons à disposition cruciforme en 2009, antipatinage en 2012. Depuis, plus rien.

Pendant ce temps, les manufacturiers européens ont continué à incorporer toutes sortes de dispositifs technologiques perfectionnés dans leurs machines de superbike. Pensez par exemple à la Ducati Panigale, l’Aprilia RSV4 ou la BMW S1000RR (avec plus de 190 ch mesurés à la roue arrière). Maintenant, c’est au tour de la Yamaha R1 d’entrer dans la danse avec son nouveau look, sa mécanique renouvelée et ses dispositifs électroniques issus des machines de MotoGP. Il y a aussi une déclinaison R1M avec composantes encore plus sophistiquées – nous y reviendrons un peu plus loin.

Pour la première matinée en piste, je roule sur une R1 de base avec ses pneus sport de série, des Bridgestone RS10R. Cette machine est livrée avec un limiteur de vitesse (qui permet tout de même d’atteindre 299 km/h…) et l’unité de gestion électronique du moteur limite la puissance au vilebrequin à seulement 195 ch environ, afin de répondre aux normes nord-américaines en matière de bruit. En après-midi, nous aurons droit à l’unité de gestion moteur « de course » offerte en option (le prix n’a pas été dévoilé encore, mais il devrait osciller entre 300 et 400 $). Cette unité désactive le limiteur de vitesse, le couplage des freins ainsi que l’ABS à la roue arrière, elle applique le mode de course pour l’ABS de la roue avant, et elle restaure la pleine puissance du moteur, soit 200 ch selon Yamaha.

La puissance de la R1 est impressionnante. Pour l’apprivoiser, je commence par rouler en mode C : intervention plus prononcée des dispositifs d’aide au pilotage et livraison de la puissance adoucie. Cela me permet aussi de m’habituer à ce circuit exigeant avec des S très serrés, des longs virages rapides, des côtes, des courbes à angle inversé et un virage en épingle à cheveux excessivement serré. J’essaie ensuite le mode B, puis le mode A (intervention électronique réduite et puissance livrée sans restriction).

La réponse de l’accélérateur est impeccable et la puissance à bas régime est solide, ce qui fait qu’on n’a pas à rétrograder trop souvent. Le système quickshift permet de monter les rapports en rafale et la R1 accélère à un rythme effarant. J’atteins facilement 280 km/h dans le grand droit en cinquième, et je sens que le moteur est loin d’être à bout de souffle. Même à cette vitesse, on n’a pas l’impression d’aller si vite à cause de l’efficacité du nouvel ensemble carénage et pare-brise dérivé de celui de la M1, la machine de MotoGP de Yamaha. Le poste de pilotage est plus spacieux que sur l’ancien modèle (10 mm de plus entre la selle et les repose-pieds, 55 mm de plus entre la selle et le guidon) et je peux facilement me recroqueviller malgré mon squelette de format géant.

Quand on roule à près de 300 km/h, les virages arrivent vite, et les freins deviennent d’une importance capitale. Ceux de la R1 sont férocement efficaces. À l’avant, on trouve de tout nouveaux étriers monoblocs à quatre pistons, avec disques de 320 mm. On peut facilement les contrôler avec deux doigts seulement, et on peut moduler la puissance appliquée avec une précision incroyable.

La tenue de route de la R1 est impeccable, et bien au-delà de mes capacités. C’est une moto légère (199 kg, tous pleins faits) et dotée de roues légères en magnésium coulé; on peut l’inscrire en virage très rapidement. La selle large, plate et ferme, permet de se déplacer facilement d’un côté à l’autre; vers l’avant, elle se marie en douceur avec le réservoir en aluminium de 17 litres. Côté suspension, on trouve une fourche inversée de 43 mm et un amortisseur KYB, tous deux entièrement ajustables. La sensation du train avant est excellente, de l’entrée jusqu’à la sortie des virages, et la R1 demeure prévisible et solidement plantée au sol, même dans les sections les plus serrées.

En tordant la poignée dans les sorties de virage, je vois une série de témoins lumineux qui s’allument au tableau de bord, ce qui indique que les systèmes d’antipatinage et de contrôle des dérapages entrent en action. La modulation de la puissance qui en découle se fait de façon très subtile, de sorte que tout ce que je ressens, au final, c’est une solide accélération. (J’ai réussi à faire intervenir le système à quelques reprises seulement en mode B, et jamais en mode A. Pour que le système intervienne en mode A, il faut une intensité de pilotage bien supérieure à la mienne, et à celle de la plupart des motocyclistes ordinaires.) De même, le système de contrôle des wheelies fonctionne tellement bien que même un débutant au poignet trop lourd pourra faire lever la roue avant avec élégance et style. Il peut s’avérer très intimidant de piloter une machine de superbike à haute vitesse sur un circuit, mais la R1 réussit à rendre les choses plus faciles.

La R1M maintenant. J’étais tellement impressionné par la R1 que je n’imaginais pas qu’on puisse faire mieux. C’est pourtant le cas avec cette déclinaison encore plus sophistiquée. Visuellement, elle est dotée d’un réservoir et d’un bras oscillant polis à la main et recouverts d’un vernis transparent, et de pièces en fibre de carbone. Techniquement, elle se distingue principalement par sa suspension de course Öhlins à contrôle électronique, qui ajuste en continu l’amortissement en compression et en détente, à l’avant et à l’arrière. Il en résulte une conduite encore plus précise et plus aiguisée. Le système permet aussi de faire des ajustements très fins. Et le fait qu’elle soit équipée de pneus Bridgestone V02 très collants renforçait encore l’expérience.

Côté électronique, la R1M est également munie d’un système de communication par GPS (aussi offert en option sur la R1) qui permet d’enregistrer et d’analyser vos performances par l’entremise de l’application Y-TRAC de Yamaha. 

La R1M est une machine de Grand Prix accessible à tous. C’est un peu comme si vous pouviez avoir la M1 de Valentino Rossi dans votre garage… Sauf qu’elle est légale pour la route. Quant à la R1, elle est juste un peu moins extrême. Et quant à moi, après cinq sessions en piste, je suis loin de m’approcher des performances des Donald, Martin et Brookes – ils sont carrément sur une autre planète – mais je suis de plus en plus à l’aise à vitesse élevée sur cette machine de superbike. Pour nous, simples mortels, les dispositifs d’aide à la conduite particulièrement efficaces de la R1 sont extrêmement rassurants. 

Le monde est-il prêt pour une machine si sophistiquée et si rapide? Il semble bien que oui à en juger par le fait que toutes les R1M destinées au pays ont été réservées dès le mois de janvier (prix demandé : 22 999 $). Il y en avait moins de 100 et John Bayliss de Yamaha Canada explique qu’elles se sont envolées en un éclair. (Il se peut que certains concessionnaires aient déposé des acomptes et que quelques machines soient encore disponibles. Informez-vous discrètement…) 

Cet engouement a aussi des répercussions sur les R1. Bayliss explique que de nombreux acheteurs potentiels de R1M se rabattent sur la R1, et les machines s’écoulent rapidement. Si vous en voulez une, allez (ou plutôt, courez) chez votre concessionnaire avec votre carnet de chèques en main. Ou attendez à l’an prochain. La nouvelle Yamaha YZF-R1 illustre avec éloquence que l’attente en vaut parfois la peine.

Moteur et cadre renouvelés
On ne peut pas vraiment parler d’un nouveau modèle si le moteur n’a pas été sensiblement retravaillé. Dans le cas du quatre cylindres en ligne de la R1, Yamaha a conservé la même cylindrée (998 cc) et le vilebrequin avec manetons à disposition cruciforme. Pour le reste, les changements sont nombreux. Le nouveau moulin est plus étroit, plus léger et plus puissant que l’ancien. Il est doté de nouveaux arbres à cames, d’un nouveau système de lubrification et d’un embrayage plus léger et plus compact. La nouvelle transmission affiche des rapports légèrement plus bas pour les quatre premières vitesses. Les bielles en titane séparées par fracture (une première pour une moto de production) permettent de réduire le poids de 40 % par rapport à l’acier. Différents couvercles de moteurs sont en magnésium avec vis d’aluminium. Au total, le nouveau moteur pèse 4 kg de moins que l’ancien. Le système d’échappement 4-2-1 est en titane.

Le nouveau cadre en aluminium deltabox a été conçu pour offrir une rigidité et un équilibre inspiré de la M1. Yamaha explique qu’il est calibré en fonction de la course et qu’il met l’accent sur le comportement en entrée de virage et sur la qualité des sensations du train avant. Le sous-cadre est entièrement en magnésium. Le bras oscillant en aluminium a été raccourci de 15 mm afin d’améliorer la traction en sortie de virage.

Instrumentation fonctionnelle
La R1 est dotée d’un nouveau tableau de bord à affichage numérique, facile à lire. En plus des informations classiques, il présente notamment les modes de conduite et de livraison de la puissance sélectionnés ainsi que les réglages des systèmes d’antipatinage et de contrôle des dérapages latéraux. On peut configurer l’écran de 4,2 pouces en fonction d’un usage routier ou sur circuit. Dans ce dernier cas, le compte-tours affiche uniquement le régime à partir de 8000 tr/min et on a accès à différentes fonctions utiles en piste : chronomètre, temps au tour, etc. L’ensemble du système est intuitif et facile à contrôler (grâce à un interrupteur à bascule sur la poignée de gauche et une molette à droite).

Dispositifs électroniques sophistiqués
Au cœur du cerveau électronique de la R1, on retrouve un dispositif que Yamaha appelle module de mesure de l’inertie. Ce système a fait ses débuts sur les M1 de MotoGP de la firme en 2012 (Jorge Lorenzo a remporté le championnat cette année-là). Qui a dit que la technologie des machines de course ne servait à rien pour les motos de production?

À l’aide d’un senseur gyroscopique et d’un gyromètre, le module détecte en continu la position de la moto dans l’espace ainsi que les forces g en jeu. Ces données permettent ensuite de mettre en place une série de filets de sécurité technologiques très performants. Par exemple, en tenant compte de l’angle d’inclinaison, le système antipatinage se transforme également en système de contrôle du glissement latéral. On peut ainsi limiter le patinage de la roue arrière quand on accélère à fond en sortie de courbe, ce qui permet de faire de jolis dérapages contrôlés qui vous donnent une allure très pro. Il y a également un contrôle du soulèvement (pour les wheelies), une commande de contrôle des départs et un système de freinage unifié. En plus de relier les deux freins, ce système module la répartition de la puissance de freinage en fonction de l’angle d’inclinaison (par exemple en réduisant le freinage à la roue arrière lorsque la moto est fortement inclinée). Le niveau d’intervention de tous les systèmes peut être ajusté, ou désactivé si vous avez des tendances suicidaires. Il y a quatre modes de livraison de la puissance, dont un qui réduit la puissance maximale disponible.

Pour ne pas virer fou avec cette surabondance de possibilités d’ajustement, Yamaha propose aussi un choix de quatre modes de pilotage (A à D) avec réglages préétablis pour les différents paramètres. Une fois à l’intérieur d’un mode en particulier, toutefois, on peut quand même réajuster chaque paramètre en fonction de ses besoins. « Je n’arrivais pas à trouver les bons ajustements » ne sera plus une excuse valide…

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