Escapade dans l’Ouest canadien – partie III

Par James NixonPublié le

Après six jours de route en Colombie-Britannique et en Alberta, James Nixon pense à prendre sa retraite. C’est le pouvoir d’attraction des Rocheuses.
Après notre randonnée dans la région des glaciers et la contemplation du magnifique lac Louise, notre petit groupe de cinq Harley-Davidson reprend la route. Et il fait beau. Ce qui est absolument bienvenu après une journée de route absolument exécrable à rouler sous la pluie et dans le froid (voir le numéro précédent). 

La route jusqu’à Jasper, en plein cœur des montagnes Rocheuses, est absolument magnifique, mais elle est également très achalandée. Le lendemain, nous continuons vers le nord-ouest sur la 16, et je suis content de rouler à nouveau à l’écart des hordes de touristes. Il fait encore beau et chaud, et nous franchissons à un rythme langoureux et agréable les 375 km qui nous séparent de Prince George. 

Plus nous approchons, plus la tour que je croyais voir au loin se transforme en un drôle de personnage absolument gigantesque qui nous accueille avec le drapeau canadien. Nous nous arrêtons à l’hôtel un peu plus loin et je me promets bien d’aller examiner ce géant de plus près demain matin. Pour l’instant, je suis épuisé et j’aurais juste envie de faire une sieste. Mais c’est impossible, car nous avons une réservation au Nancy O’s.

En entrant au restaurant, la vue d’une très jolie blonde a le don de me faire revivre instantanément. En plus, la table qui nous est réservée est juste à côté de la sienne. Je me dirige vers le bout de la banquette qui me permet d’être le plus près d’elle possible, mais tout à coup, je suis bloqué par Daniel, un des deux Allemands de notre groupe. Il a contourné la table et volé ma place… Je le regarde avec un air intensément exaspéré pendant qu’il se contente de sourire béatement. Martin, l’autre Allemand, vient s’asseoir à ma gauche. Il me tapote sur l’épaule et me dit : t’as pas été assez rapide, le jeune… Déjà, Daniel est en conversation avec la blonde. Mais cette soirée n’est pas ratée pour autant, car il y a un excellent quatuor du nom de High Society qui joue de la musique éclectique, fusion de rock, de blues et de jazz. En plus, Martin tourne et tourne sur la piste de danse comme s’il était possédé du démon. Intéressant de voir une telle transformation chez cet Allemand habituellement si stoïque.

Le lendemain matin, je me réveille tard. Normalement, cela devrait engendrer une course folle pour me lever, me préparer et rejoindre le groupe, mais pas aujourd’hui. Hier soir, j’ai dit aux autres de ne pas m’attendre, que je les rejoindrais en fin de journée. Notre destination, Wells, est à seulement 200 km, alors je prends mon temps. Après un café au Zoe’s Java House, je vais jeter un coup d’œil au parc de Cottonwood Island et je passe voir de près Monsieur PG (voir l’encadré). Puis je démarre le gros V-2 de la Road King et j’enfile la route 97 vers le sud. 

Même si je ne suis pas pressé, j’accélère la cadence dès que la route se dégage. En fait, je devrais dire que je reprends simplement mon rythme normal, ce qui est plus facile quand on roule seul. Je suis peut-être un peu égocentrique, mais je ressens plus de plaisir à rouler en solo (ou avec un compagnon qui pilote de façon semblable à la mienne) qu’en groupe. Pas besoin de constamment surveiller les autres dans les rétroviseurs, de s’attendre aux intersections, de s’inquiéter lors d’un dépassement. Un peu avant Quesnel, je bifurque vers l’est sur la 26. La route serpente et je roule avec enthousiasme en faisant frotter les marchepieds de ma Road King jusqu’à Wells.

Je m’installe dans ma chambre du motel Hubs. En fin de soirée, nous décidons d’aller au pub de l’hôtel Wells pour un nightcap. L’endroit est tout indiqué puisqu’on y propose plus d’une centaine de scotchs selon le site Internet. Je me dis également que je pourrais rencontrer là-bas une magnifique fille des Rocheuses (ce qui ne serait que justice vu que Daniel m’a fait rater ma chance hier). Mais je me retrouve plutôt à côté d’un grand gars un peu étrange qui a l’air de sortir du bois. Ce qui est effectivement le cas. Il a passé les deux dernières semaines à camper en solitaire dans la région. « Je cherchais de l’or », me dit-il avec un air tellement sérieux que je n’ose même pas esquisser un sourire. Puis il ajoute aussitôt : « Ne fais jamais confiance aux banques, le jeune ». Pendant que j’essaie de trouver un lien entre ces deux affirmations, il poursuit déjà en me parlant de la conspiration du 11 septembre 2001. Bon, c’est l’heure d’aller me coucher…

Aujourd’hui, nous devons rouler environ 500 km pour atteindre Kamloops. C’est la dernière journée de notre randonnée et c’est aussi la plus longue distance que nous avons à parcourir en un seul jour. Nous reprenons la 26 vers l’ouest pour rejoindre la 97. Après Quesnel, nous continuons vers le sud en passant par Kersley, Williams Lake et Lac la Hache. Nous arrêtons un peu plus loin pour faire le plein dans la petite ville de 100 Mile House. Avec plus de 300 km de petites routes dans le corps, nous sommes tous un peu épuisés. Sauf Al Perrett, notre guide accompagnateur; cet homme de 76 ans semble infatigable. Il est le propriétaire de Kamloops Harley-Davidson (là où nous avons loué les motos par l’intermédiaire d’Eagle Rider – voir le numéro de janvier dernier) et il nous suit depuis le début dans sa camionnette. Il nous propose de changer d’itinéraire. « Ça va être plus beau par là », dit-il en pointant Lone Butte et Little Fort sur la carte.

Et, effectivement, la route 24 mérite une note A+. Elle longe une magnifique enfilade de lacs et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle porte bien son nom : Interlakes Highway. Nous prenons ensuite la 5 qui serpente doucement en descendant dans la vallée de la rivière Thompson. Superbe promenade. À McLure, nous montons avec les motos dans un ingénieux bac à câble qui traverse la rivière. Petit moment de calme et de repos très agréable avant de reprendre la route.

Al nous a dit qu’à partir d’ici, il ne restait qu’une cinquantaine de kilomètres avant d’atteindre Kamloops. J’anticipais donc une dernière promenade mollo pour finir notre escapade. Sauf que la route qui longe le côté ouest de la rivière est nettement plus petite, et nettement plus cabossée. La suspension arrière à débattement limité de la Road King cogne au fond et transmet les coups dans le bas de mon dos. Nous roulons beaucoup plus lentement parce que nous devons zigzaguer entre les nids de poule. Je trouve que nous mettons nos motos de location à rude épreuve, mais je me dis également qu’après tout, c’est le propriétaire lui-même qui nous a proposé cette route… Pour la dernière section, l’asphalte redevient lisse et nous roulons avec entrain jusqu’à Kamloops.

Après six jours et près de 2000 km, nous voici de retour à notre point de départ. Le détour de dernière minute que nous avons fait par la 24 illustre bien tout l’attrait de la Colombie-Britannique pour rouler en moto. Toutes les routes sont belles, mais quand on examine la carte de plus près, on découvre tout un réseau de routes extraordinaires et moins fréquentées. Pour un homme de l’Est comme moi, habitué aux plaines et aux basses montagnes, les Rocheuses canadiennes font office de paradis sur terre. Six jours, ce n’est pas assez. Il faut que je fasse dès maintenant des plans de retraite…

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