Sur ma 450, j’ouvre les gaz à au moins 90 % en deuxième si je prends la ligne intérieure du virage pour sauter le Rocket et atterrir en douceur dans la descente. La rampe est abrupte, sa base est à 5 mètres du virage, il faut accélérer sérieusement pour se propulser avec assez de vigueur! Si j’emprunte la trajectoire extérieure, j’enclenche rapidement la troisième et la vélocité additionnelle me permet de n’ouvrir qu’à environ 75 % la poignée droite pour le même résultat, soit faire une orbite qui culmine à 7 mètres d’altitude et se termine à peu près 20 mètres plus loin. Ça, c’est quand tout va bien… Ce qui ne fut pas le cas à ma dernière visite au circuit Supercross de Saint-Marcel de L’Islet. Depuis le mois de mai, je n’ai roulé qu’à deux reprises en motocross au début juin, et ce fut deux sorties écourtées. Ma YZ est restée tout l’été dans le garage car je n’avais pas la forme requise. J’aime vraiment beaucoup rouler en hors route et la plupart du temps c’est sur un circuit de motocross mais si je ne me sens pas à la hauteur physiquement je m’abstiens. Contrairement à ce que certains croient, personne ne se lance sur un triple saut à 75 km/h en se disant que ça va faire mal! Si je ne suis pas convaincu d’avoir la bonne technique, une très bonne appréhension du résultat et la confiance de réussir, je n’entreprends pas la manœuvre! L’expérience y est pour beaucoup. Le physique doit suivre aussi! En début de saison, j’ai l’habitude de me réapproprier les sensations et d’aiguiser mes réflexes sur des tracés sans obstacles ou presque. Virages, accélérations et freinages, tout doit être coulé et fluide car sinon le contrôle n’est pas là. Si vous avez une idée de ce qu’une 450 moderne peut offrir comme performance, vous pouvez comprendre que tout arrive vite, très vite, lorsque l’on ouvre les gaz. Assoyez-vous quelques centimètres trop vers l’arrière sur la selle et soudain, il n’y a plus de moto sous vous en sortie de virage ou tout au mieux, vous êtes accroché à un monocycle de 50 chevaux qui vous amène où bon lui semble! Après quelques heures en selle, ma position redevient naturelle, mes mains s’endurcissent et les muscles endormis se réveillent peu à peu. Ensuite, on passe aux choses plus sérieuses sur une vraie piste. Mes jambes doivent alors prendre les forces G dans la face des sauts et mon cerveau se remettre aux calculs de trajectoire aérienne : une rampe de 2,5 mètres de haut multipliée par un angle d’attaque de 38 degrés par le facteur d’accélération (troisième vitesse à 100 % des gaz) et précharge de la suspension au décollage égal vol de 26,5 mètres! Si je me lance, c’est que je suis absolument convaincu de retourner sur terre 26,5 mètres plus loin, dans le bon angle et en bonne position sur la moto. À Saint-Marcel, par ce beau samedi après-midi ensoleillé, j’en étais à ma deuxième sortie en plus de deux mois, car j’avais roulé le dimanche précédent. Je connais ce circuit comme le fond de ma poche, les conditions étaient bonnes, la piste pas trop défoncée, juste assez d’humidité dans le sol pour une belle traction et une température fraiche. À ma première sortie, ce
que l’on appelle un heat, j’ai pris un rythme pour me remettre les repères en tête mais en ménageant mon énergie encore plus qu’à l’habitude. Je suis quand même assez doué quand il est question de laisser la moto faire le travail et ménager ma carcasse! La solution simple pour ne pas trop se faire brasser en motocross est de faire tous les sauts à la perfection (ou presque), question de ne pas faire trois bosses lorsqu’un seul bond vous laisse en plus quelques secondes de relaxation en vol! J’ai fait quatre tours de piste, tout allait bien. Ensuite, eh bien… Je ne me souviens pas à quel endroit les choses se sont gâtées! Pour moi la suite est d’être attaché sur une planche et de me retrouver dans un petit camion jaune ! Mon copain André qui était l’un des premiers sur les lieux où j’ai fait une sieste, si je puis dire, m’a dit que j’ai repris connaissance après quelques instants et que je tenais des propos somme toute assez cohérents. Des spectateurs nous ont fourni des explications sur ce qui est arrivé : j’ai pris mon envol sur le Rocket tout à fait normalement, bonne vitesse, moto bien alignée et dans le bon angle, atterrissage au bon endroit et tout. Le seul hic est que le pilote semblait endormi dès le décollage et se soit laissé choir sans aucun réflexe, ayant lâché le guidon en vol. Ouais, j’ai perdu la carte, une chute de pression que je n’ai jamais vue venir! Au moins, mon séjour à l’hôpital aura permis de trouver des indices qui aideront à régler mes problèmes! Aujourd’hui, il s’est déroulé exactement 4 semaines depuis cette aventure ou je me suis fracturé sept côtes, l’épaule et l’omoplate en plus de me perforer et décoller un poumon. Et je vais régler un autre « problème » dès que je ferme cet ordinateur : je me tape ma première balade en moto, sur la route bien sûr! J’emprunte la Ninja 250 de Brigitte pour ménager mon épaule, mais je suis certain de remonter mon moral d’au moins 100 % après avoir raté l’Orange Crush à cause de cette mésaventure!
Bonne route et soyez prudent!