Le vieil adage que tout le monde connait : « En moto, rien de tel que de rouler le vent dans les cheveux » pourrait bien dans un avenir pas si lointain être remplacé par : « En moto, rien de tel que de rouler et n’entendre que le vent. » Cette phrase fut la première du genre qui me vint lors des quelques heures passées en selle des motos électriques Zero S et DS l’été dernier. À une époque où la recherche d’énergies alternatives pour palier au traditionnel pétrole constitue un sujet perpétuellement à la mode, nous ne pouvions nous empêcher de tester en condition réelle ces engins qui semblent tout droit sortis de Retour vers le futur II.
À l’automne 2010, j’avais eu l’occasion de prendre contact avec la première génération de la marque de Santa Cruz. Les freins − qui auraient été plus à leur place sur une bicyclette − et une autonomie assez restreinte m’avaient laissé sur mon appétit. Au printemps 2011, la nouvelle génération, issue des cerveaux de plusieurs ex-employés de chez Buell, commençait à ressembler à de vraies motos, seule l’autonomie manquant au rendez-vous (voir MJ juin 2011). J’avais donc de plus grandes attentes avec l’arrivée cette année d’une nouvelle batterie de 9kW-h (6 kWh demeurant la batterie de base) qui devrait théoriquement proposer une autonomie de 183 km selon les tests UDDS de l’EPA. Il serait bien de mettre ce test en perspective : la moto boucle un circuit de 11, 92 km à une vitesse moyenne de 32 km/h, s’arrête 17 fois et n’atteint une vitesse supérieure à 80 km/h que pendant 70 secondes, ceci ne reflète pas vraiment l’utilisation journalière d’un motocycliste québécois… Une partie du plaisir au début de l’essai résidait justement dans la possibilité de tomber en panne sèche en ramenant les motos à la maison. La DS m’attendait chez le concessionnaire UTS de Château-Richer sur la Côte de Beaupré, soit à plus de 50 km de chez moi. D’où provenait ma crainte? La majorité du trajet se déroulerait sur l’autoroute et mon expérience lors du lancement en Californie m’avait appris que la consommation augmentait drastiquement dans un tel usage, contrairement aux moteurs à essence. La DS (pour Dual Sport), un modèle double usage, n’est pas la mieux adaptée pour rouler sur la voie de gauche avec le pilote couché sur le guidon. Un 126 km/h indiqué fut la plus haute vitesse atteinte. La batterie de 9 kW-h m’a donné l’autonomie nécessaire pour me rendre sans problème à destination, même que je pus ajouter une boucle de 25 km supplémentaires avant que le voyant indique que le « réservoir » ne contenait presque plus d’énergie (selon Zero, une fois tous les segments de la jauge disparus il resterait environ 10 % en réserve). Mis à part la plus grosse batterie, le fait d’avoir doté les S et DS d’un bouton permettant de passer à la volée du mode Sport au mode Éco y est sûrement pour quelque chose. En mode Sport, l’accélération est franche et la vitesse de pointe plus élevée. En mode Éco, l’accélération se fait tout en douceur jusqu’à une vitesse de pointe d’environ 10 km/h de moins qu’en mode Sport. Au début, succombant à la tentation de me confronter aux automobiles au départ des feux de circulation (souvent avec succès!), je favorisais l’utilisation du mode Sport. En fait, de 70 km/h à un peu plus de 100 km/h, le couple disponible donne une poussée perceptible qui permet de faire disparaitre les automobiles dans les rétroviseurs! Après quelques jours à ce régime, je me suis mis à essayer de battre des records de distance en me rappelant ce que Kent Aubichon de Zero Motorcycles Canada m’avait dit : « La vitesse tue l’autonomie ». Et j’ai réussi 133 km sur une seule charge. Pour ce faire, j’utilisais uniquement le mode Éco et n’empruntais l’autoroute que sur de très courtes distances. Lorsque nous primes possession de la S au circuit de motocross de Deschambault, qui se trouve à 60 km de chez moi, l’autonomie ne causa aucun problème, la machine étant encore plus frugale. Je ne pus m’empêcher de rigoler en traversant les villages de Deschambault-Grondines arborant les pancartes « Merci de votre respect » de la campagne de sensibilisation au bruit. Je me déplaçais dans un silence presque complet! La sonorité du moteur sans balais, refroidi par air forcé, ressemble beaucoup à celle d’un kart de golf sur les stéroïdes. Le bruit de chaine présent sur la première génération ayant disparu l’an dernier avec la transition par courroie d’entrainement. Ceux désirant les avantages d’une chaine pour un usage hors route (modèle DS) peuvent toujours s’en prévaloir. Chaque station d’essence sur mon passage me semblait une relique d’un temps révolu, et ce, seulement à mon deuxième jour en selle sur des motos branchables…
Plusieurs motocyclistes dépensent de véritables fortunes pour personnaliser leur moto, par choix personnel ou encore afin d’épater la galerie… Chaque fois que je stationnais l’une ou l’autre de ces motos, je ne pouvais m’en tirer sans un minimum de dix minutes d’explications avec les badauds… Lorsqu’on en fait le tour, ces motos ne font pas bon marché. Les freins, sans être des monstres de puissance, permettent de s’arrêter sur des distances raisonnables pourvu qu’on se serve énergiquement de celui d’en avant. Il ne faut surtout pas se fier à la compression qui brille par son absence! Côté suspensions, bien qu’elles soient ajustables en compression, détente et précharge (à l’arrière), on ne peut parler ici d’une expérience sans accroc. Même si elle s’est montrée quand même rassurante sur une chaussée en bon état, la tenue de route se dégradait au fur et à mesure que l’état de la chaussée se détériorait. Néanmoins, je réussis à soutenir une cadence respectable sur ma route sinueuse préférée, et ce, sur des pneus IRC Road Winner aux dimensions d’une autre époque, soit un 110/70/17 à l’avant et un 130/70 /17 à l’arrière pour la S. De nouvelles jantes forgées remplacent celles munies de rayons qui équipaient la S de l’an dernier. Un léger louvoiement se fait sentir lorsqu’on négocie des courbes rapides presque à fond malgré le fait que le massif cadre à double poutre en aluminium donne une impression de rigidité, mais dois-je vous rappeler qu’il s’agit d’un véhicule électrique urbain et non d’une machine de Grand Prix? Effectuer des virages en U demande un peu de pratique, le fait qu’un laps de temps s’écoule entre le moment où l’on tourne la poignée et que la puissance soit transmise à la roue arrière a pour conséquence qu’on ressent une certaine perte d’équilibre lors des premières tentatives. Une fois la technique acquise, en fait il s’agit d’anticiper le temps mort en ouvrant les gaz plus tôt, si l’on peut s’exprimer ainsi, la manœuvre s’effectue en un tourne-main.
Bien qu’elle ressemble à une moto hors route ou plus encore à un supermotard, la DS ne peut rivaliser avec les machines existantes. Il s’agit plus d’une version pour les pilotes se trouvant à l’étroit sur le modèle S et désirant s’aventurer de temps à autre sur des chemins de gravier. L’autonomie limitée ne peut permettre d’envisager la traversée Parent-La Tuque, mais autorise à s’amuser à faire lever la poussière et à explorer les sous-bois, la DS remplit sa mission. La route Jean Gauvin à l’extrémité des pistes de l’aéroport de Québec regorge d’observateurs d’avions. Lors de mon passage, ils baissèrent leur regard sur le plancher des vaches, se demandant d’où diable sortait cet engin bizarre soulevant un nuage de poussière! L’utilisation d’une motorisation électrique en hors route exige aussi une certaine adaptation. En tentant d’effectuer une couple de « beignes », j’appris à mes dépens (sans chuter!) que le couple arrive sans crier gare (ou terminus d’autobus comme dirait François Pérusse) et que mes vieux réflexes de contre-braquage et coup de pied au sol m’ont grandement aidé pour récupérer ma gaffe… Rouler dans les bois en silence à la manière d’un vélo de montagne, mais sans l’inconvénient de devoir pédaler lors des montées constitue un avantage pour ceux n’affichant pas une forme olympienne.
Rendu ici dans votre lecture, la question suivante vous est sûrement venue à l’esprit : « C’est bien beau, mais combien de temps doit-on planifier pour recharger la batterie? » Une fois drainée de toute son énergie, elle mettra environ 9 heures à retrouver sa pleine charge avec l’aide de son chargeur intégré de 1-kW. Un chargeur externe, en option, diminue le temps de charge de 75 %. La batterie est conçue pour 3 000 cycles de charge-décharge complets avant de fonctionner à 80 % de ses capacités d’origine, ce qui lui confère une durée de vie de 495 000 km. L’énergie régénérative lors du freinage ne serait pas à négliger, Zero parle de 15 % en mode Éco lorsqu’on relâche l’accélérateur et de 10 % additionnels lorsque les freins sont appliqués. En mode Sport, on parle de 7 et 15 % respectivement. Un soir, je commis l’erreur majeure d’oublier de brancher les motos, le lendemain matin je dus me tourner vers ma Kawa à énergie fossile… Les soirs suivants, le rituel du branchement était entré dans notre routine!
Nous avons utilisé quotidiennement les deux motos pour aller au travail en plus de nous promener mollo soit en ville ou dans les rangs autour de chez nous. Il s’agit là de la vraie mission des motos Zero et elles l’accomplissent à merveille. Avec un prix de détail suggéré de 13 995 $ (pour la version S essayée avec l’option ZF9, soit la batterie de 9 kW) elles ne sont pas données, mais pour les motocyclistes ne désirant pas se salir les mains et préférant rouler (à 0,01$ du km) plutôt que de prendre des rendez-vous d’entretien, les S et DS sauront les combler, et ce, en silence.
Deuxième opinion:
Lorsque Marc me demanda si j’étais partante pour l’aider à effectuer un essai en tant que pilote, je me suis demandé quel genre d’engin il avait en tête. Lorsqu’il me montra la Zero S (la DS possède une selle un peu trop haute à mon goût) je tombai sous le charme. Je ne peux le cacher, j’adore les roadsters. Ma première impression en l’enfourchant : « Où se trouve le levier d’embrayage? » Nulle part! On tourne la poignée et c’est un départ! Le fait que ces motos’utilisent des transmissions automatiques comme les scooters devraient attirer plusieurs aspirants motocyclistes pour qui apprendre ces rudiments constitue un trop grand défi. J’ai bien aimé la position de conduite, avec ou sans le pare-brise offert en option. Le poids constant de 154 kg (339 lb) ne se fait pas vraiment sentir, même que la S me semblait encore plus légère. Le fait qu’il n’y ait pas de repose-pieds pour les passagers (nous apprîmes par la suite qu’ils sont optionnels) nous a empêchés d’amener les enfants avec nous, ce qu’ils font toujours. Nous en avons donc profité pour aller explorer les alentours en roulant à une cadence plus relaxe que d’habitude. C’était vraiment spécial de pouvoir communiquer sans avoir à crier par-dessus le bruit des moteurs. J’ai également constaté qu’en enfourchant une moto aussi silencieuse on ressent les mêmes sensations qu’en bicyclette, incluant un faux sentiment de sécurité. On ne semble pas rouler vite et pourtant, lorsqu’on regarde l’odomètre (numérique ou analogique selon nos préférences), on s’aperçoit que la jolie petite moto rouge est capable de rouler vite! En conclusion, mon expérience en moto électrique m’a laissée souriante, contrairement aux usagers des Écolobus de la ville de Québec qui peinent à monter les côtes!
Isabelle Bélanger
Fiche technique:
MODÈLE
Zero S Zero DS
PRIX
13 995 $ avec option ZF9, batterie de 9 kW
MOTEUR
moteur sans balais, refroidi par air forcé
PUISSANCE
N.D.
COUPLE (ANNONCÉ)
49,9 lb-pi de couple (annoncé)
CYLINDRÉE
N.D.
ALÉSAGE ET COURSE
N.D.
RAPPORT VOLUMÉTRIQUE
N.D.
ALIMENTATION
N.D.
TRANSMISSION
automatique à entrainement final par courroie
SUSPENSIONS
Fourche inversée de 38 mm ajustable en, compression et détente, monoamortisseur ajustable en précharge, compression et détente
EMPATTEMENT
1 438 mm Sero S 1 455 mm Zero DS
INCLINAISON / TRAINÉE
23,1 degrés / 76 mm Zero S
25,3 degrés/89 mm Zero DS
FREINS
1 disque à l’avant de 310 mm avec étriers à deux pistons montés radialement; disque arrière de 220 mm avec étrier à un piston
PNEUS
110/70-17 devant ; 130/70-17 derrière Zero S
100/80-17 devant; 110/90-16 derrière Zero DS
POIDS À SEC
154 kg 339 lb Zero S
155 kg 341 lb Zero DS
HAUTEUR DE SELLE
841 mm Zero S 883mm Zero DS
RÉSERVOIR DE CARBURANT
N.D.
CONSOMMATION
N.D.
AUTONOMIE
145 km Zero S
130 km Zero DS
DURÉE DE L’ESSAI
869 km Zero S
867 km Zero DS