Ducati Streetfighter 848: le chef de file

Par Moto JournalPublié le

Des routes de montagnes, une Ducati, du soleil. À première vue, tout semblait parfait. Mais il manquait quelque chose.

par Neil Graham

Photos : Brian J. Nelson

J’étais un peu bougon. La journée de route tirait à sa fin et je commençais à me résigner à quitter la Californie sans avoir trouvé ce que je voulais. Ce que je voulais, c’était au moins une bonne randonnée à fond de train sur des belles routes sinueuses. La promenade avait été agréable jusqu’à maintenant, mais nous n’avions pas roulé très vite parce que notre chef de file, dans sa grande sagesse, tenait compte du fait que nous étions un groupe aux talents inégaux.

Puis voilà que notre chef de file habituel a cédé sa place à un certain Dominique Cheraki. Cheraki est un Français sympathique qui a été directeur général de Ducati France, puis de Ducati Europe, et qui dirige maintenant Ducati Amérique du Nord. J’ai déjà roulé avec les hautes gommes des grands fabricants et, soit par prudence, soit pour éviter d’endommager le matériel, ils ont généralement tendance à rouler mollo dans ce genre d’événements.

Dominique Cheraki a une épouse, des enfants et une grosse job, mais il n’a pas perdu son sang latin pour autant. C’est ce que j’ai compris dès que je l’ai vu passer le second rapport sur sa Multistrada. Je le suivais sur une Streetfighter 848 (13 995 $) et j’ai dû m’adapter rapidement au nouveau rythme de conduite. J’ai aussi commencé à revoir la perception que j’avais de la 848 jusqu’ici.

Après quelques minutes de conduite intense, je me suis dit que j’aurais dû augmenter l’amortissement en compression et en détente de la suspension. Comme l’avait fait remarquer notre collaborateur Derreck Roemer dans le cadre du lancement européen de la 848 (numéro de janvier dernier), la suspension est un peu molle avec les ajustements de base. Avec Cheraki devant moi, je sentais osciller le train avant et arrière dans les virages à rayon décroissant. Et pourtant, chapeau à la 848, je réussissais à maintenir ma ligne malgré tout.

La Streetfighter 848 est dérivée de la Superbike 848. En passant de la Superbike à la Streetfighter, le moteur a eu droit à un traitement adoucissant. Ducati avait fait de même avec le moteur de la Superbike 1198 quand est venu le moment de l’installer dans la Multistrada et la Diavel. Essentiellement, la firme a joué sur la période de croisement des soupapes, c’est-à-dire le temps pendant lequel les soupapes d’admission et d’échappement sont ouvertes simultanément. Sur la Superbike, le croisement s’étend sur 37 degrés de rotation du vilebrequin. Sur la Streetfighter, il est réduit à 11 degrés pour privilégier la douceur de roulement à bas régimes. La dernière fois que nous avons mesuré la puissance à la roue arrière d’une Superbike 848 sur un dynamomètre, nous avons obtenu une lecture de 120 ch. Alors j’imagine que celle-ci en produit 110 environ.

La douceur de roulement, comme toute chose, est un concept relatif. Dans le trafic des rues de Palm Springs, la Streetfighter se comporte comme un chat dans une cage (un chat qu’on emmène chez le vétérinaire). Le tirage final a beau avoir été raccourci par rapport à la Superbike, il est quand même long, tradition Ducati oblige. On sent que la bête veut s’échapper, mais la circulation, et le civisme qui s’impose quand on roule en groupe, nous incitent à la retenue. Sachez qu’on peut se débrouiller en conduite urbaine avec une Streetfighter 848, mais elle n’aura jamais la docilité et la souplesse d’une japonaise de même cylindrée.

Le seul remède pour remédier aux défauts des sportives, c’est une bonne dose de grande route, et cela s’applique tout autant à la Streetfighter. Son guidon est plat et large, mais il est tout de même un peu bas pour la conduite urbaine et on le sent dans les poignets. La selle est plutôt ferme mais les repose-pieds sont bas (et étonnamment courts, ce qui est peut-être une façon d’obtenir à la fois une bonne garde au sol en virage et un bon dégagement pour les jambes). En transformant ses motos pour les faire entrer dans l’ère moderne, Ducati a réussi à assimiler les tendances contemporaines tout en conservant ses qualités fondamentales. La Streetfighter permet une conduite légère et rapide tout en offrant une très bonne stabilité (même quand l’amortissement de la suspension est mal ajusté comme nous l’avons expliqué plus tôt). Si on accélère ou freine avec une ardeur excessive, la direction demeure parfaitement stable et solide. Et même dans un freinage sauvage en courbe, la Streetfighter a gardé la ligne de façon admirable.

Si on m’avait demandé ce que je pensais de la Streetfighter à 15 h cet après-midi-là dans les montagnes californiennes, j’aurais fait un rapport positif, sans plus. Mais à 16 h, après une heure à la poursuite de Cheraki, j’ai eu l’impression d’avoir saisi mieux que jamais ce qui fait l’essence de toutes les Ducati (mise à part la Diavel peut-être) : c’est quand on les pousse à fond et qu’on les bouscule que les Ducati passent de compétentes à exceptionnelles. Plus on roule fort, plus on prend conscience du feedback sublime que renvoie le cadre, et de la capacité du moteur à appliquer sa puissance sur le pavé avec une redoutable efficacité. Dans certains courbes au revêtement aussi défoncé que chez nous, malgré les composantes de suspension milieu de gamme et leur mauvais calibrage, la Streetfighter me laissait toujours savoir combien il me restait de traction en banque, et jusqu’où je pouvais pousser les pneus Pirelli. J’ai aussi apprécié le système antipatinage, mais la puissance du V-2 est tellement facile à moduler que je n’ai jamais senti que je risquais de perdre le contrôle, même dans les sorties de virage les plus énergiques. 

Si j’achetais une Streetfighter, je ferais quelques modifications : une ou deux dents de plus au pignon arrière, une selle un peu plus souple et un guidon un peu plus reculé. Le son des échappements est parfait tel quel, donc pas besoin de changer les silencieux. Avec l’argent ainsi économisé (!) je raffinerais la suspension et je ferais peut-être installer un amortisseur Elka un peu plus tard.

Certains trouveront peut-être que ce serait fou de modifier une moto toute neuve. Mais je pense que, sans dépenser une fortune, on pourrait transformer la Streetfighter 848 en une machine absolument exceptionnelle.

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