Kawasaki Ninja 1000 : Le jour de la marmotte?

Par Marc ParadisPublié le

Vingt-cinq ans après le lancement de la Ninja 1000R, Kawasaki récidivait en 2011 avec une moto répondant presque à la même dénomination. Retour de balancier ou nouvelle approche?

Ayant été témoin de l’apparition de la première incarnation, destinée à devenir la moto de production la plus rapide de son ère (ce qu’elle fut, enregistrant une vitesse de pointe de 258 km/h lors de notre match vitesse d’août 1986), je me suis amusé à comparer l’incomparable (car à part le nom, rien ne les unis). Si l’on considère l’utilisation journalière, la 1000R ne faisait pas l’unanimité, surtout en raison de son poids considérable de 264 kg tous réservoirs pleins, qui constituait un certain handicap même à l’époque. À titre comparatif, la Ninja 900 semblait beaucoup plus stable et agile en courbe tout en bénéficiant d’un avantage de poids non négligeable. Grâce à l’évolution de la race, la Ninja 1000 n’a plus à se battre en piste pour le titre de meilleure sportive ou pour la vitesse de pointe, car les ZX-10R et ZX-14 s’en chargent très bien merci! Son rôle s’orienterait plus vers le créneau des routières sportives, catégorie abandonnée par Kawasaki depuis le retrait de la GPZ 1100 en 1998, après trois années de ventes décevantes. Avec l’hyperspécialisation des motos d’aujourd’hui, une sportive bonne à tout faire devrait facilement se trouver des adeptes. L’acheteur potentiel visé par les ingénieurs et gens du marketing de Kawasaki me ressemble beaucoup; un bonhomme qui a déjà possédé des motos sportives, mais qui en recherche une polyvalente sans pour autant vouloir se promener sur une monture anonyme. Pour ce qui est de passer inaperçu au guidon de la Ninja, oubliez ça! Plusieurs jeunes m’ont montré des signes d’approbation. Même qu’un petit blond d’environ 10 ans m’a dit : « Pas mal cool, ta moto, man! »

Premier contact : Dire que la Ninja 1000 est en fait une Z1000 dotée d’un carénage serait assez simpliste, mais pas vraiment loin de la réalité. Seulement cinq mm d’empattement et de hauteur de selle, 3,5 litres de contenance de carburant et 10 kg (les chiffres les plus élevés s’appliquant à la Ninja) séparent ces deux machines, qui partagent le même moteur et sensiblement la même partie cycle. Étrangement, le réservoir plus gros ne gêne pas le pilote en position de conduite, seuls les coudes venant en contact avec sa partie supérieure lors de virages serrés. L’amincissement du réservoir à la hauteur des genoux élimine la sensation de chevaucher un éléphant, comme c’était le cas sur les ZX9 de première génération. Les normes anti-pollution de plus en plus sévères obligent par ailleurs les fabricants à recourir à toutes leurs ruses. Kawasaki a fait de son mieux pour tenter de camoufler la préchambre quatre dans deux, qui permet de diminuer le volume des silencieux, mais la forme donnée à ceux-ci (ils sont semblables à ceux de la Z1000) ne recrute que très peu de fans. Leur allure « lézard à collerette affolé » détonne avec celle de la moto. D’un autre côté, les prises d’air inspirées de la ZX-14 s’intègrent mieux à la ligne de la machine, tout comme le cadre en aluminium de couleur bronze, qui apporte une touche de raffinement. Fait intéressant, le nom Ninja terrorise toujours les non-initiés, qui y voient une marque de commerce se rapprochant du diable! J’ai eu beau essayer de les tempérer en leur disant qu’il s’agit du modèle « sport-tourisme », le logo sur le carénage avait déjà fait son œuvre! Encore heureux qu’à la SAAQ, on soit capable de voir la différence!

En selle : Trônant à un raisonnable 820 mm, la selle, dont l’avant aminci aide le pilote à poser les pieds à plat au sol, contraste avec la vague de motos d’aventure qui semblent conçues pour des joueurs de football. Le guidon tubulaire relevé procure une position de conduite naturelle qui, combinée à un emplacement standard des repose-pieds (on n’attrape pas de crampes en 10 minutes), permet plusieurs heures en selle sans trop de lamentations. L’une des caractéristiques les plus innovatrices, du moins sur ce genre de machine, se situe dans le pare-brise ajustable en trois positions. Cette particularité peu coûteuse offre le choix d’une position sportive, intermédiaire ou tourisme au long cours. Son ajustement manuel constitue sa force. En appuyant sur un petit levier derrière le tableau de bord, il suffit de relever le plexiglas avec l’autre main. Le fabricant déconseille l’ajustement avec la moto en mouvement, mais la manœuvre demeure possible. Bien que d’après la taille du pare-brise, ces opérations peuvent sembler provoquer un effet minimaliste lorsqu’on s’installe sur la moto dans une salle d’exposition, sur la route, la différence apparaît dès qu’on approche les vitesses d’autoroute. Ayant effectué cet essai au milieu d’octobre, les chaleurs de l’été étaient déjà passées, et l’apport de la déflection obtenue en position relevée se sentait facilement dans le cou, qui se retrouvait dans une poche d’air au lieu de recevoir l’air frais directement. Traitez-moi de poseur, mais chaque fois que je stationnais la Ninja, je rabaissais le pare-brise pour améliorer son style (je lui trouvais des allures de Verbo dans Les 100 tours de Centour). Seule ombre au tableau, vers 3700 trs/min, une vibration apparaissait lorsque ce dernier se trouvait en position haute, puis disparaissait vers 4000 trs/min. Était-ce particulier à ma machine d’essai?

En route
Le moulin de 1043cc prend vie et tourne quelques minutes à un régime supérieur, au ralenti pendant quelques autres minutes, le temps d’atteindre sa température de fonctionnement. Sur l’asphalte froide, l’accélérateur demande un dosage poli afin d’éviter de faire patiner le Bridgestone BT-016 de dimensions 190-50-zr17, qui offre une traction plus que raisonnable en temps normal. Mais avec une puissance de plus de 130 ch., un certain respect s’impose. Même chose une fois que le mercure se dégêne. En ouvrant sèchement l’accélérateur à 4000 tr/min, l’avant se cabre graduellement tant qu’on maintient la poignée tournée. Parlant de dosage de poignet droit, en sixième rapport à 118 km/h, les révolutions avoisinent les 5000 trs/min. Le couple maximum étant atteint à 7800 trs/min, et la puissance maximale 1800 trs/min plus loin, l’accélération se veut soudaine et franche. Nul besoin de rétrograder pour voir disparaître les VUS dans les rétroviseurs. Ceux pour qui le « son » constitue un attrait seront heureux d’apprendre que les ingénieurs du Team Green ont concocté une boîte à air munie d’un résonateur afin d’accentuer la sonorité d’admission. Le simple fait d’enrouler la poignée à compter de 6000 trs convaincra les plus sceptiques. Même si le couple est atteint assez haut en régime pour une moto de cette cylindrée, le tirage final permet de rouler légalement en ville en sixième rapport sans sentir le besoin de rétrograder.

En proposant des sacoches Givi de couleurs assorties en option, Kawasaki mise sur les qualités de routière de sa machine. D’un autre côté, l’absence d’une béquille centrale peut sembler étrange. Disons que pour les propriétaires désirant mener leur moto en piste, ce sera une corvée de moins! Pour les autres, tentés par les photos promotionnelles montrant un couple en pleine sortie rapide, il ne s’agit pas de fiction. En effet, la Ninja peut être considérée lors de sorties à deux sur plusieurs centaines de km sans redouter les commentaires négatifs du passager. Les repose-pieds recouverts de caoutchouc offrent une bonne adhérence aux bottes, mais leur proximité peut occasionner des contacts avec les talons du pilote, tout dépendant des pointures. Pour revenir sur les sacoches, la réputation du fabricant italien le précède. Bien que ne proposant pas le format le plus volumineux (34 litres), elles sont faciles à utiliser et contiennent suffisamment d’espace pour un week-end à deux. Le rembourrage de la selle, plus épais de 10 mm que celui de la Z1000, sans rivaliser avec ce que le marché de remplacement offre, contrôle quand même bien les vibrations. Mais à certains régimes moteurs, un léger bourdonnement se fait sentir. Le recouvrement, contrairement à certaines sportives pures, bénéficie de caractéristiques antidérapantes qui, combinées aux massives poignées de maintien, évitent de recevoir le passager dans le dos lors de freinages brusques. Parlant de freins, les disques à pétales de 300 mm à étriers opposés à quatre pistons montés radialement offrent un bon mordant initial. Pour sa part, le contrôle au niveau du levier ajustable en six positions permet de demeurer en contrôle, peu importe votre gabarit. Il est dommage que le levier d’embrayage n’offre pas le même rendement. Le frein arrière de 220 mm, lui aussi à pétales, pincé par un étrier à piston unique, s’acquitte très bien de sa tâche, étant facile à moduler et ne bloquant pas la roue involontairement. En 2012, les Ninja 1000 seront munies de freins ABS de série. Côté suspensions, la fourche inversée de 41 mm propose une vaste gamme d’ajustements en précontrainte des ressorts, amortissement en compression et amortissement en détente. À l’arrière, la calibration de série convient pour un pilotage sportif en solo. Une fois la moto chargée, il vaut mieux resserrer la contrainte en conséquence.

Habituellement, lorsque je teste une moto, j’essaie de me placer dans l’état d’esprit de l’acheteur potentiel. Parfois, cela demande quelques adaptations de ma part ou encore un retour dans le passé s’il s’agit de motos s’adressant aux débutants. Dans ce cas-ci, nul besoin de me créer un personnage, je corresponds exactement à la description et j’ai bien aimé ce que j’ai vu et essayé. D’après le total des ventes de 2011, on dirait que je ne suis pas le seul. Si seulement les silencieux pouvaient retrouver leur allure originale. Je sais, je ne suis jamais content…

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