Aprilia RSV4 Factory, Le nouvel étalon Italien?

Par Marc ParadisPublié le

Le terme race replica a souvent été utilisé pour désigner des machines qui se voulaient des répliques de modèles victorieux dans différentes classes et configurations. Avec l’avènement de la catégorie Superbike en 1988, plusieurs de ces incarnations se contentaient seulement d’une peinture et de graphiques s’inspirant du modèle d’usine, laissant le volet performance à l’imaginaire de l’acheteur potentiel. Depuis le lancement de l’Aprilia RSV4 Factory l’an dernier, les « poseurs » n’ont qu’à bien se tenir, cette race replica n’a pas que l’allure, elle livre aussi la marchandise, et ce, comme aucune autre auparavant. Forte de ses 36 championnats, dont le dernier et non le moindre remporté l’an passé par Max Biaggi en World Superbike, Aprilia peut s’enorgueillir d’offrir l’une des motos les plus désirables (et aussi dispendieuses à 25 495 $) en vente libre sur notre marché.

Ayant pu lire comme vous le comparo avec l’Audi R8 dans le numéro de mai et visionné le tour de piste de notre racer Guy Caron dans le numéro d’août, je me suis dit qu’un essai en mode de tous les jours serait de mise. D’autant plus que la bête était disponible presque dans ma cour! N’ayant pas le talent et l’expérience de Guy (c’est lui qui a usé les avertisseurs des repose-pieds et surtout les extrémités des carcasses des Pirelli Diablo, me laissant pleinement de surface de roulement pour mon usage routier…), ma mission consistera à garder l’usage de mon permis de conduire, difficile tâche…

Première impression : il ne s’agit pas d’une monture de route, mais bien d’une machine de course légale pour la route. Tout a été conçu pour une efficacité en piste, la partie arrière à démontage rapide, les clignotants intégrés aux rétroviseurs et la cartographie variable de l’injection au bout du pouce, l’usage sur route n’étant qu’une option pour les concepteurs de la marque de Noale. L’abondance des composantes en fibre de carbone : garde-boue avant, cache-latéraux et garde-boue arrière ajoutent en légèreté. Les éléments de suspension Öhlins, les roues en aluminium forgé et les composantes de freins Brembo ont leur place en piste, qu’en ferais-je sur la route? J’ai roulé nombre de motos depuis des décennies, mais rares sont celles qui m’ont autant impressionné avant de monter en selle et je n’avais pas encore fait démarrer le moteur…

Ce n’est plus un secret, je suis un gars de quatre en ligne. Je ne sais pas si le fait que la CB750 fut lancée l’année de ma naissance, mais je considère cette configuration comme étant l’idéale pour une moto sport tant du côté sonorité que des performances. Tout ça bascula lorsque j’appuyai sur le bouton du démarreur du V4 à 65 degrés. Une espèce de mélange bien dosé des deux mondes, un son saccadé tel un twin à bas régime suivi d’un grondement sourd, mais aussi volontaire à monter en crescendo au fur et à mesure qu’il prend des tours.  L’échappement, pourtant de série, laisse échapper un grondement qui semble à la limite de la légalité, mais vraiment enivrant. 

En selle : bien que compacte, la position de conduite demande quand même un minimum de garde au sol de la part du pilote. La large selle obligeant à écarter les jambes pour toucher le sol. Une fois en position de conduite, avec les pieds sur les repose-pieds, plusieurs options de positions s’offrent au pilote voulant se dégourdir un peu. Comme mentionné précédemment, la cartographie propose trois choix : pluie, route ou encore piste, lesquels sont ajustables du pouce droit en se servant du bouton du démarreur. J’ai trouvé ce système plus difficile à faire fonctionner comparé à celui de la R1 que j’avais eu l’occasion de tester l’an dernier, il me fallut parfois maintenir le bouton du démarreur enfoncé plusieurs secondes avant de pouvoir changer de mode. Prenant possession de la moto en ville, je choisis l’option route qui bride un peu la cavalerie sur les trois premiers rapports comparativement au mode piste qui, comme son nom l’indique, ne fait aucune concession, sachant que l’option pluie verrait son tour venir sous peu avec les nuages menaçants qui assombrissaient déjà l’horizon.

Quant à l’option piste, je me gardai une petite gêne et me dis qu’une fois en terrain dégagé… on verrait bien! Petite pour une 1 000 cc, la RSV4 a quand même une direction lourde à l’arrêt. Dès les premiers tours de roue complétés, cette impression s’envole aussi vite que l’aiguille du compte-tours. Le grondement énergique du V4 encourage les modulations de la manette des gaz dans la circulation juste pour le plaisir des oreilles. Chaque changement de voie inspire un gain de position dans une course de Superbike imaginaire. La réponse de l’accélérateur ride by wire demeure toujours nette et précise, sans jeu dans le rouage d’entrainement. Premier arrêt aux puits pour faire le plein. J’aime bien amorcer mes essais avec une machine dont le réservoir est rempli au ras bord, premièrement pour éviter les pannes sèches, mais aussi afin de pouvoir calculer la consommation tout au long de l’essai. Sage précaution dans ce cas-ci, car la belle italienne ne possède malheureusement pas de jauge à essence.

Seul un témoin lumineux apparait lorsqu’il reste 4 litres sur les 17 au total dans le réservoir d’essence. Petit désagrément à la pompe, le système anti-éclaboussure censé faire son boulot agit à l’opposé, faisant renverser du précieux liquide sur le non moins précieux réservoir si l’on ne s’applique pas à la tâche… Muni de deux totalisateurs journaliers, le centre de contrôle peut aider à prévoir les prochains « arrêts pétrole ». Les autres instruments consistent en une horloge, une jauge numérique de la température du liquide de refroidissement, un indicateur du rapport de boîte engagé et du système de cartographie de l’injection, le temps écoulé, la consommation moyenne de même que les vitesses moyennes et maximales atteintes depuis la dernière réinitialisation. À chaque plein, je me suis laissé surprendre par une vitesse maximale enregistrée supérieure à celle que je croyais avoir roulé…

En complément, un ordinateur de bord — permettant de connaitre les temps au tour, temps partiel et autres statistiques chères aux compétiteurs — vient prendre la relève sur piste. Mon essai se déroulant uniquement sur route, je ne m’attardai guère sur ces gadgets. Les trois phares qui donnent un style caractéristique à cette super sportive possèdent un interrupteur qui contraste avec ce à quoi nous sommes habitués. Au lieu d’un bouton à bascule pour sélectionner les phares, il faut déplacer le bouton situé à l’avant avec l’index au lieu du pouce comme le veut la norme. Cependant, on s’y habitue plus rapidement que ceux utilisés sur les BMW par exemple. Première constatation lorsqu’on désire regarder derrière : les rétroviseurs (qui intègrent aussi les clignotants) ne renvoient qu’une image très nette de vos coudes! Naturellement, les concepteurs prévoient que la majorité des propriétaires amèneront leur belle machine sur un circuit, là où ces artifices sont superflus et facilement démontables…

Habituellement, mes aides-essayeurs ne se font pas prier pour tester la partie arrière de la selle. Mais cette fois, ne disposant pas de selle pour le passager, seul le couvre-selle était disponible sur cette moto d’essai, les volontaires ne semblaient pas déçus. Était-ce un manque de confiance en leur vieillissant paternel (le père c’est loin d’être Brett McCormick, semblent dire leurs regards) ou encore la précarité de l’espace réservé au passager, mais aucun ne se plaignit de ne pouvoir rouler avec moi. C’est donc en solitaire que je mis le cap en direction de ma route préférée pour tester la tenue de route et le couple d’une moto : les équerres de Stoneham-et-Tewkesbury au nord de Québec. Cette route secondaire offre une quantité de virages serrés, grandes courbes dégagées, revêtement parfois parfait et souvent bosselé, plusieurs dénivellations et des paysages changeants au long des saisons.

Je me fais un devoir de m’y rendre au moins trois fois par année. Au tiers du trajet, une bonne ondée vint me rafraichir… Petite séance de Sans-zo plus tard et la diva était prête pour la séance de photos. Roulant déjà à une allure modérée, je pus mettre à l’épreuve le système de cartographie en mode pluie qui fait passer la puissance maximale de 180 ch à 140ch. Un peu d’aide pour contrôler la bête fut la bienvenue! Une fois la route asséchée, le choix des courbes pour les photos d’actions ne manquait pas. Plus j’allais et venais toujours dans les mêmes courbes, plus la confiance en la machine augmentait et le plaisir montait. Une partie de la route étant particulièrement bosselée, je me promis de revenir le lendemain pour voir si en plein jour et avec des pneus chauds les performances seraient améliorées.

Pari tenu, la série de bosses fut avalée par la suspension et l’amortisseur de direction, aucun guidonnage n’étant décelé. Petite note en passant : ne jamais tenir pour acquis qu’une route conservera les mêmes caractéristiques d’un jour à l’autre, de petits cailloux étant apparus dans quelques courbes au cours de la nuit… Le merveilleux moteur m’a gagné au premier grondement. Comment le décrire en condition de marche? Tout simplement en disant que le poignet droit semble connecté directement à la roue arrière, tout mouvement entrainant un défilement en avance accélérée avec en prime une chanson unique dans le monde motocycliste. Je me suis imaginé en proprio désirant se rendre à sa piste de course préférée dans le but d’effectuer une journée d’essai en piste. Bien sûr, il n’y a rien de logique à rouler une pareille moto munie de pneus à gomme très tendres sur l’autoroute, mais il s’agit ici d’une hypothèse et aussi de déterminer si l’on peut rouler en semi-confort sur une machine avec un pareil ADN.

Devant me déplacer vers le Bas du Fleuve, je décidai de m’y rendre à vitesse légale tolérée (le moteur ronronnant faiblement à 4700 tr/min) pour tester le confort de la selle et de la position de conduite. Étonnamment, plus de 300 km plus tard, je suis toujours capable de marcher droit et de me toucher les orteils! Sans blague, sauf pour un petit bourdonnement au niveau du poignet droit, la Factory m’a agréablement surpris encore une fois par un niveau de confort plus que correct pour une moto de cette catégorie.

Est-ce que je me paierais le luxe de me procurer une telle machine si j’en avais le budget? Pour un usage sur route uniquement j’opterais pour le modèle courant qui coûte 5 000 $ de moins. Mais pour des séjours en piste, lorsqu’on est au courant des prix exorbitants des composantes et de la main-d’œuvre nécessaires afin de modifier une moto pour la rendre comparable, mais certainement pas supérieure, là, le choix devient évident. De plus, si vous voulez faire tourner les têtes et vous endormir en vous remémorant la mélodieuse symphonie de son système d’échappement, la Factory vous attend.

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