Honda Goldwing 2012 – Quand le succès paralyse

Par Neil GrahamPublié le

C’est l’un des noms les plus réputés dans le monde du motocyclisme, presque une marque en soi. Mais il est temps de repenser l’avenir de la Gold Wing…

Dans la documentation qu’on nous a remise pour le lancement de la Gold Wing 2012, un chiffre et deux phrases méritent qu’on s’y attarde de plus près. D’abord, le chiffre : 904. C’est le poids, en livres, de la nouvelle Wing tous pleins faits. Soit 410 kg! Et les phrases : « Un système simple et ingénieux permet d’ajuster la hauteur du pare-prise grâce à un choix de six positions sur une course de près de 4 po. Le système fonctionne manuellement, ce qui permet d’éviter la complexité et le poids supplémentaires d’une commande à moteurs électriques. » Vraiment? Honda a peur de rendre trop lourde et trop complexe une moto qui propose même un sac gonflable en option? Permettez-nous d’émettre un doute…
Si vous n’avez jamais roulé sur une Gold Wing, vous vous dites peut-être qu’il s’agit d’une gigantesque abomination sur deux roues… Eh bien non, pas du tout! Bien sûr, si vous tentez de faire demi-tour dans une entrée de garage en gravier « lousse », vous allez trouver le défi titanesque (c’est pas pour rien qu’ils ont mis une marche arrière…).  Cela dit, dès qu’on roule à une certaine vitesse, la Gold Wing est une moto réellement agile, à la conduite étonnamment légère. Je me souviens, plus jeune, d’avoir lu un article dans la revue Car and Driver où l’auteur racontait une anecdote qui m’a toujours frappée. Au volant de sa MGB, il roulait à fond de train sur une route sinueuse : dérapages dans les courbes, moteur dans la zone rouge! Puis il s’est fait dépasser par un gars en Chevrolet Impala qui conduisait avec une main sur le volant et l’autre sur l’épaule de sa blonde… Je pense toujours à cette histoire quand je roule en Gold Wing. Il m’est déjà arrivé, avec une passagère à l’arrière, de semer des pilotes chevronnés qui roulaient, seuls, sur leur sportive. Bref, avec son moteur souple et puissant, et sa très bonne tenue de route, la Gold Wing est une machine étonnamment rapide et compétente. Mais là n’est pas le point.

Le point, c’est que Honda semble terrifiée à l’idée de décevoir les fidèles de la Gold Wing. On ne veut pas tuer la poule aux oeufs d’or, alors on est prudent, très très prudent.  Quand BMW a mis au point sa K1600 six cylindres, elle n’avait pas à craindre la déception des fidèles de sa grosse machine de tourisme (la K1200LT), car ils étaient peu nombreux… Le cas de Honda est différent : la Gold Wing trône au sommet du segment mototourisme de luxe depuis longtemps et on ne veut pas que ça change.

Pourtant, quand Honda a lancé sa Gold Wing dans les années 1970, il s’agissait d’une innovation majeure. La Wing était l’un des premiers modèles de motos vraiment fiables, et Honda a fait le pari que les amateurs de longues distances achèteraient une machine spécifiquement conçue pour cet usage. L’histoire a démontré que Honda a visé juste, autant au niveau du concept que de sa réalisation.

Depuis presque 10 ans, toutes les Gold Wing étaient fabriquées à Marysville, en Ohio. Honda a décidé de rapatrier la production au Japon. (À cause de cette relocalisation, et compte tenu du fait que Honda avait un surplus de modèles 2010, la compagnie a décidé de sauter l’année-modèle 2011 et de présenter un modèle 2012 dès cette année. Ils sont en montre chez les concessionnaires canadiens, et le prix est fixé à 29,999 dollars (30,999 dollars pour le modèle équipé du coussin gonflable). En changeant d’usine de production, Honda en a profité pour remanier la Gold Wing mais, contrairement à certaines rumeurs, il ne s’agit pas d’un modèle de nouvelle génération.

Le changement le plus visible est la peinture à deux tons et les feux arrière redessinés – pour donner une « allure plus sportive » à la bête, dixit Honda. La suspension a aussi été recalibrée en réponse à certaines critiques : pilote trop isolé de la route, manque de feedback. J’avais moi-même émis des citriques semblables, mais quand je suis remonté sur un modèle 2010, au début de cet essai, le feedback m’a paru meilleur que dans mes souvenirs… En passant ensuite au modèle 2012, on remarque tout de même une amélioration. La partie inférieure du carénage a été redessinée pour mieux protéger le pilote et les valises ont gagné 7 litres, pour un total de 150 litres. C’est du côté des accessoires électroniques que l’on trouve les changements les plus importants. Par exemple, le système GPS permet de partager des itinéraires avec d’autres pilotes et le système de son ambiophonique peut-être branché sur un iPod ou un lecteur MP3.

Revenons maintenant à la question du carénage et du pare-brise. C’est là que Honda aurait dû investir son énergie en priorité, à mon avis. Évidemment, l’argument selon lequel on sauve quelques kilos avec un système manuel, plutôt qu’électrique, ne tient pas la route sur une machine qui pèse presque une demi-tonne… Cela dit, il n’est pas indispensable d’avoir une commande électrique si le système manuel est particulièrement bien conçu. Mais ce n’est pas le cas de celui de la Gold Wing. Après avoir actionné deux leviers, il faut tirer ou pousser sur le pare-brise. Parfois il glisse en douceur, parfois il coince… Encore là, on pourrait vivre avec ce désagrément (surprenant pour une machine de ce prix) si le pare-brise était particulièrement efficace côté aérodynamisme. Mais ce n’est pas le cas non plus. À 120 km/h, on sent beaucoup de turbulences en comparaison avec les meilleurs modèles d’autres marques. Depuis que ce carénage a été conçu, la science et l’art de l’aérodynamisme ont évolué, mais Honda a décidé de privilégier la peinture deux tons et les gadgets électroniques.

Dans l’histoire mondiale de la moto, Honda est certainement la marque la plus importante de toutes. Aucune autre n’a été aussi significative dans l’histoire de la moto et peut-être qu’aucune autre marque n’atteindra un jour une telle renommée. Mais il faut que Honda continue à pousser toujours plus loin les frontières du design et de l’efficacité. Plus Honda innove, plus les autres marques doivent travailler fort pour la rejoindre, et parfois la dépasser, ce qui force Honda à innover encore plus, et ainsi de suite. Je veux que Honda renoue avec cette approche pour la Gold Wing en créant une moto aussi révolutionnaire que l’originale, une moto qui forcera les concepteurs et ingénieurs des autres fabricants à travailler jusqu’à tard dans la nuit juste pour la rattraper. Parce que quand Honda innove, tous les motocyclistes y gagnent, même ceux qui roulent sur d’autres marques.

 

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