Triumph Tiger 800XC: Le tigre du désert

Par Moto JournalPublié le

Steve Thornton se cogne la tête et apprécie la conduite hors route de la nouvelle Triumph Tiger 800XC

Dans le désert de Sonora, en Arizona, il y a une espèce de serpents qui s’appelle le crotale atroce. Il y a aussi des plantes neurotoxiques, des serpents à sonnettes venimeux, des monstres de Gila (un dangereux lézard), des tarentules et des scorpions… Côté panorama, l’immense désert de Sonora est beaucoup plus vivant et coloré qu’on ne l’imagine depuis nos vertes contrées. Partout, on aperçoit des oiseaux, des mammifères, des fleurs, des cactus, Mais on se sait entouré de toutes sortes de petites bibittes qui pourraient nous terrasser. C’est pourtant l’endroit qu’a choisi Triumph pour le lancement de la nouvelle Tiger 800XC. Nous sommes en février, le soleil brille et l’air est frais dans les monts de la Superstition.

Heureusement, le risque de se faire mordre à la cheville par un animal toxique est peu élevé quand on porte des bottes de moto et des pantalons. Par contre, il est toujours possible de faire une chute suivie d’une culbute, et de se retrouver avec une aiguille de cactus dans le derrière! Auquel cas mieux vaut ne pas choisir un cactus saguaro car ils sont protégés par la loi. Si vous en bousculez un, vous risquez une contravention…

Cela dit, personne de notre groupe ne semblait trop préoccupé par l’idée de se faire empaler par un cactus géant non plus. Les deux pilotes les plus rapides avaient l’air à avoir tellement de plaisir à faire des dérapages contrôlés qu’ils ne semblaient pas de bons candidats pour une chute. Quant aux autres, il n’y avait pas trop de danger non plus, mais pour la raison contraire… Étant peu habitués à rouler sur des routes de terre, ils conduisaient de manière très concentrée et très prudente. C’est ce qui se produit quand on prend un groupe de pilotes relativement rapides sur l’asphalte et qu’on les emmène jouer dans le sable : l’écart entre les plus véloces et les plus lents s’accentue. Quant à moi, eh bien j’étais plutôt dans le peloton de queue, ce qui implique notamment que j’ai vu beaucoup de poussière….

En fait, nos six Tiger 800XC sont restées poussiéreuses en permanence. De toutes façons, comme nous l’a expliqué Chris Ellis, le directeur général de Triumph Canada, l’idée était d’abord de s’amuser dans le désert. Et de découvrir ces nouvelles machines double usage à moteur tricylindre destinées à faire concurrence aux BMW F800GS. C’est pourquoi nous n’avons même pas essayé le modèle de base, moins axé hors-route, la Tiger 800 tout court.

Au milieu du siècle dernier, Triumph utilisait déjà l’appellation Tiger pour différents modèles. Mais depuis la renaissance de la vénérable compagnie anglaise, le nom Tiger a été réservé aux gros modèles double-usage. Lancée en 1994, la Tiger 900 s’attaquait à la BMW R1100GS, plus performante mais plus lourde. Au fil des ans, la Tiger a gagné en puissance sans trop prendre d’embonpoint (209 kg à l’origine, puis environ 215 par la suite). En 2001, son moteur a eu droit à une cure de rajeunissement et à un gain de cylindrée (de 885 à 955 cc). Mais pendant tout ce temps, la Tiger a toujours affiché un caractère plutôt routier. Finalement, en 2005, Triumph a semblé accepter le fait que sa machine de tourisme d’aventure était beaucoup plus axée sur le tourisme que sur l’aventure… Alors aussi bien s’assumer : on a abaissé la suspension, remplacé les roues à rayons par des roues en alliage, ajouté des valises rigides, augmenté la cylindrée à 1050 cc. Et opté pour une roue avant de 17 po, signe ultime de l’acceptation de soi pour une machine principalement destinée aux routes pavées…

Aujourd’hui, la Tiger 1050 se situe donc clairement du côté tourisme dans le spectre des machines de tourisme d’aventure. À l’autre extrémité, on retrouve des motos à roue avant de 21 po et au tempérament nettement plus axé sur le hors route, comme la KTM 990 Adventure et la BMW F800GS, par exemple. Entre les deux, des modèles à roue avant de 19 po, surtout à l’aise sur le bitume, comme la BMW F650GS et la Suzuki V-Strom 650. Quant à la Ducati Multistrada, malgré son look et son nom, elle est à ranger dans la même catégorie que la grosse Tiger.

Malgré leurs différences, tous ces modèles ont une chose en commun : leur position de conduite redressée et confortable, et cela explique sans doute en partie leur succès.

Tout cela étant dit, revenons-en à la petite Tiger. Avec l’augmentation de cylindrée et l’évolution vers le tourisme de la 1050, Triumph s’est retrouvée avec un trou dans sa gamme de produits. À la lumière du succès des 800 bicylindres de BMW, Triumph a dû se dire qu’il y avait aussi de la place pour une 800 avec un cylindre de plus… Et pour couvrir plus large, on a fait un modèle pour la route, et un pour le hors route, la XC.

Dès les premiers tours de roue, on sent que la XC est à l’aise sur les chemins de terre. Elle semble solide sur ses pattes et donne l’impression d’être bien équilibrée, maniable et légère. La fourche avant offre 220 mm de débattement, 40 de plus que la 800 de base. Les poteaux sont aussi plus costauds (43 mm de diamètre au lieu de 40).  À l’arrière, le débattement est de 215 mm et on peut ajuster la précharge du ressort et l’amortissement en rebond. La 800 offre 45 mm de moins et l’amortissement n’est pas ajustable. À l’usage, j’ai pu constater que la suspension absorbe bien les petites imperfections. Dans les sections en planche à laver, elle réagissait avec aplomb aussi. Avec ses pneus Bridgestone Battlewing, la XC permet de faire de beaux dérapages contrôlés sur le gravier. Sur l’asphalte, j’ai vu un pilote tirer quelques bons wheelies. Pour la conduite en hors route plus sérieuse, on recommande des Metzeler Karoo. 

La selle peut – facilement – être installée en position haute ou basse, soit 865 ou 845 mm (soustraire 35 mm à ces deux chiffres pour la 800 de base). Sur ma machine d’essai, la selle était au plus bas, mais je la trouvais encore un peu haute puisque je ne pouvais pas mettre les deux pieds complètement à plat au sol (je mesure 5 pi 9 po).

Un peu plus tard dans la journée, notre petit groupe s’est arrêté au bord de la route. L’accotement était en pente vers la droite. En déployant la béquille latérale j’ai réalisé que la moto ne serait pas assez inclinée pour bien s’appuyer. Alors j’ai enlevé un peu de terre avec le talon de ma botte et j’ai redescendu la béquille. L’angle semblait meilleur, mais j’ai quand même décidé de débarquer du côté droit, histoire de retenir la moto au cas où elle cherche à tomber. J’ai donc posé le pied droit par terre et laissé glisser ma jambe gauche sur la selle en sautillant élégamment vers l’arrière. C’est à ce moment que je suis tombé sur le dos… Et que la moto est tombée aussi… Mon casque a frappé durement le sol et je me souviens avoir entendu le désagréable bruit d’une moto qui tombe sur le côté. Quelques secondes plus tard, un des participants, (Uwe, un ancien collaborateur du magazine) s’est approché et m’a recommandé de prendre le temps de bien retrouver mes esprits avant de me relever. J’ai répondu que tout allait bien, mais en réalité j’avais mal à l’arrière de la tête. Une fois sur pattes, j’ai examiné la moto, un peu gêné d’avoir laissé tomber une machine qui ne m’appartenait pas. Mais à ma grande surprise, elle semblait intacte, pas même une égratignure.

Quant à moi, je suis content de ne pas avoir enlevé mon casque avant de descendre de la moto – il m’a peut-être évité une commotion. Je vais probablement devoir le remplacer au retour. Au bout de quelques minutes, mon mal de tête avait disparu et nous avons repris la route. J’étais au milieu du peloton, derrière notre guide Chris Ellis  de Triumph et un autre pilote rapide, mais devant trois autres participants. Je me suis dit que c’était un bon moment pour pousser un peu mes limites et j’ai accéléré le rythme. Ça a bien marché, notamment grâce à la réponse précise du moteur coupleux et doux (à quelques occasions, j’ai senti une hésitation à bas régime lorsque je roulais en position debout, mais elle était sans doute attribuable aux oscillations de ma main droite sur l’accélérateur). De plus, selon mes perceptions de pilote plutôt néophyte en hors route, la Tiger dégageait une impression de stabilité et de légèreté.

Par contre, à deux reprises, le moteur a calé de façon inattendue. Dans les deux cas, cela est survenu juste après avoir coupé les gaz d’un coup alors que le moteur tournait à régime élevé. Dans un des cas, je venais de rétrograder en première vitesse; quand j’ai relâché l’embrayage tout en tournant l’accélérateur pour remettre les gaz, la roue arrière a bloqué… Le moteur s’était éteint. Je portais mes bouchons d’oreille et il m’a fallu quelques fractions de secondes supplémentaires avant de réaliser que le moteur ne tournait plus. La Tiger s’est mise à déraper calmement, j’ai tiré l’embrayage, appuyé sur le démarreur, et tout est rentré dans l’ordre. 

Plus tard, nous avons repris les routes asphaltées en direction du complexe touristique Radisson, près de Scottsdale. La Tiger se comporte bien sur la route et j’ai facilement franchi le cap des 160 km/h en cinquième vitesse (sur six). Le moteur accélère franchement, il est doux à tous les régimes et il émet un beau son rauque quand on y va pleins gaz. Le petit pare-brise fait un bon travail pour détourner la pression du vent à hautes vitesses.

Avec sa position de conduite confortable, son moteur doux et puissant et ses capacités hors route, la Tiger 800XC est assez polyvalente pour emmener son pilote sur de longues distances, tout en ouvrant la porte à des épisodes hors des sentiers battus. Le modèle de base sera moins dans son élément en hors route, mais il devrait s’avérer tout aussi efficace pour les longues distances sur pavé.

Le choix entre les deux modèles dépendra de vos besoins en matière de conduite hors route et de votre budget. La 800XC coûte 12 199 $ (1400 $ de plus que la 800 de base). À ce prix-là, vous obtenez une moto qui peut facilement rouler sur la roue arrière, qui négocie les virages asphaltés avec aplomb, et qui se débrouille très bien sur les chemins de terre.

Vers la fin de notre randonnée, je suivais notre guide et quelques autres pilotes sur un chemin de terre cabossé. De chaque côté, des grands cactus et leurs épines. Le soleil se couchait devant nous et il irradiait la poussière soulevée par les autres motos. C’était comme rouler dans un néant coloré. Je ne voyais pas le sol ni les motos, je suivais le nuage… J’espérais juste ne pas rencontrer d’obstacle dangereux. J’ai terminé la randonnée sain et sauf. Je me suis dit que j’avais eu de la chance, mais que j’avais aussi eu la chance de rouler sur la bonne machine pour vivre cette expérience surréaliste.

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