Salon de la moto de Montréal

Par Moto JournalPublié le

Dans les sillons du salon

Le Salon de la moto au Palais des Congrès de Montréal qui s’est tenu à la fin février a permis à des milliers d’adeptes de deux roues de se côtoyer à leur aise et de s’informer bien sûr des nouveautés concernant les modèles, les accessoires et les équipements. Ils se sont entretenus des obstacles qu’ils rencontrent quand il s’agit de donner libre cours à leur passion pour la moto. Ils ont imaginé et partagé quelques solutions simples et à portée de la main pour ceux qui sont disposés à faire preuve d’imagination et de bonne foi. Voici ce que ça donne.
 
Un premier tour du salon a suffi pour nous convaincre que de plus en plus de motocyclistes ont un certain âge. D’aucuns diraient un âge certain. Les plus politisés n’hésitent pas à dénoncer les augmentations annuelles effrénées du coût d’immatriculation des motos, imposées par la SAAQ. Ils notent toutefois que cette société d’État semble disposée à lâcher un peu de lest à cet égard en renonçant un tantinet à cette politique intransigeante. Si la SAAQ se repent et passe à l’acte ce sera, selon plusieurs de nos interlocuteurs, le résultat des opérations Escargot récentes ou appréhendées et de la ténacité de la direction du CAPM, cette première ligne de défense des motocyclistes. Le CAPM a su mener des négociations franches et chiffrées, nous a-t-on répété, alors que les arguments de la gloutonne SAAQ semblaient s’appuyer d’abord sur l’autorité assénée et la surdité maladive. La SAAQ partait d’un principe qu’elle érigeait en article de foi : la moto est dangereuse quel que soit celui qui la conduit. Les preuves du contraire que lui apportait le CAPM n’étaient pour elle, jusqu’à tout récemment, que des arguties.

Malgré cette ouverture de la SAAQ qui semble s’annoncer, il reste encore, toujours d’après nos interlocuteurs du salon, un irritant majeur : celui de l’obligation pour les motos, à l’instar de tous les véhicules moteurs du Québec, d’être équipées de pneus à neige homologués pour pouvoir rouler légalement pendant la période du 15 décembre au 15 mars. Cette politique bébête est une exclusivité de la Belle Province où la SAAQ ne consent aucune remise des frais d’immatriculation pour la période interdite. Partout ailleurs en Amérique du Nord, les administrations laissent la décision de rouler en moto durant cette période au bon jugement des usagers. Ces administrations peuvent alors réclamer aux motocyclistes, tout à fait correctement, le paiement intégral de l’immatriculation de leur deux-roues.

Pour plusieurs il est patent que la SAAQ ne prend pas en compte le fait que la moto est un moyen de déplacement qui encombre moins que d’autres les stationnements du centre-ville et les ponts d’accès. Il est patent aussi que trop d’automobilistes et de policiers font preuve d’hostilité à l’égard de la gent trotte-plus-vite à deux-roues. C’est à se demander si cette hostilité ne résulte pas de la mauvaise presse instillée par des bandes de motards-voyous qui ont mené des activités illicites. Il est urgent de faire les distinctions qui s’imposent, d’ajuster son jugement à la réalité. Il est passablement révolu le temps où la pétarade tôt le matin d’un engin poussé à plein régime réveillait le quartier ou le village, et où l’on s’amusait à faire de la boucane en fin de semaine. On a évolué vers des adeptes de deux roues moins motards et plus motocyclistes, qui se font régulièrement accompagner de leur conjointe durant leurs balades.
 
Policier retraité, Jean Roy de Trois-Rivières, motocycliste de loisir, nous a parlé d’abord de jeunes automobilistes dont les mésaventures et les bravades décorent trop souvent la une du Journal de Montréal, puis d’automobilistes moins jeunes qui, entourés de leurs tôles protectrices, n’hésitent pas à coincer les motocyclistes même si ceux-ci ne leur ont jamais causé ni retard, ni embêtement.   

Et pourtant, la SAAQ, touchée par la grâce — on peut rêver — pourrait combler les motocyclistes par une toute petite décision, sans impact financier négatif sur ses coffres. Un motocycliste aux cheveux gris qui a roulé en Europe avance qu’il suffirait de permettre ou du moins de tolérer la remontée des motos entre les files de voitures immobilisées aux feux de circulation. Dieu sait qu’il y en a de ces files d’attente et de fort longues bien souvent. Et qu’il y en aura bien davantage au cours des cinq prochaines années avec tous les travaux projetés sur les infrastructures. Pour une fois, la petite taille relative des motos serait un atout. Y trouveraient aussi leur profit les automobilistes que les décibels des motos dans leur sillage irritent au plus haut point. On rêve du policier qui dirait « Félicitations! » au motocycliste débrouillard, en train de remonter prudemment une file d’autos à l’arrêt, plutôt que de lui dire « Range-toi, tes papiers » avant de lui remettre une contravention pour conduite dangereuse.

Le rédacteur en chef de Moto Journal en a parlé dans son éditorial de novembre/décembre 2010. Plusieurs visiteurs du salon ont repris ses propos avec enthousiasme. Sur cette lancée, pourra-t-on voir un jour les motocyclistes remonter même entre les files d’autos en mouvement, comme cela se pratique à Paris? Une fois parti, on pourrait laisser les motocyclistes emprunter les voies que l’on réserve aux bus et aux taxis. C’est ce genre d’avancées souhaitées qui alimentaient les échanges au salon où l’on estimait que cela compenserait un peu à la fois les frais d’immatriculation très élevés, l’interdiction exclusive à la Belle Province de circuler sans pneus à neige et les désagréments que ne manqueront pas de causer l’avalanche de travaux routiers à venir, partout au Québec.

Propos et confidences
Une oreille attentive prêtée aux visiteurs plus âgés du Salon de la Moto nous a fait découvrir des gens bon-enfant, simples, directs et bien déterminés à profiter de la vie nomade.

Ainsi Marc Fournier, 63 ans, de Saint-Lazare, ne voit pas le jour où il rangera son bolide. « De la moto, je vais en faire jusqu’à ma mort… En tout cas, jusqu’à ce que je sois incapable de monter dessus. Comme je vieillis, je songe à m’en acheter une plus petite surtout que j’ai beau m’entraîner, avec mon diabète, je n’arrive plus à me muscler ».

Alain Coulombe, retraité d’Hydro-Québec depuis 2000, devenu vendeur de Honda, Polaris et Kawasaki chez un concessionnaire de Joliette note que : « Les gens n’achètent pas tellement au salon. Ils viennent voir, ils comparent. Ils profitent du fait qu’ici les concessionnaires sont regroupés ».

Guy Fafard adore la moto : « J’aime rouler. Je vais travailler en moto, je vais à l’épicerie en moto avec un sac à dos et je fais moi-même l’entretien de ma machine. Je suis mécanicien de gros camions mais peut-être que je vais finir ma carrière dans la mécanique de motos. Pourquoi pas? Les motos à trois roues, à quatre roues ou encore les systèmes audio, ça ne m’intéresse pas. Ce que j’aime, c’est le son du moteur ». 

André Lavictoire, 63 ans, de Bronwsburg n’est pas prêt à tout pour son bolide. Il nous l’a avoué : « J’ai peinturé le chrome de ma Harley parce que j’étais tanné de frotter! »

José Saint-Cyr, de Beloeil, retraité de l’enseignement, est un adepte de la prudence. « La vulnérabilité d’un motocycliste face à un automobiliste force à prévoir, à anticiper, à être sur la défensive et à n’attendre rien de bon de lui. Avant de tourner devant lui, il faut le regarder dans les yeux surtout s’il est jeune et parle au téléphone. Il est bon de porter des vêtements de couleurs vives. La mode, c’est pour les blessés…
On a des paquets de bons souvenirs, ma femme et moi. Quand on était enseignants, nous partions en moto l’été pendant huit semaines. On s’est promené sur la côte de la Californie, de Vancouver à San Francisco sur la route 1, avec le Pacifique d’un côté et les montagnes de l’autre. On l’a fait plusieurs fois. On a fait aussi la route des Pionniers vers l’Ouest, on a roulé sur les pistes des wagons. On a revécu la conquête de l’Amérique. Mon plus beau souvenir : un jour, au Wyoming, je regardais dans mes rétroviseurs et je ne voyais personne, sauf un cerf qui courait dans le champ, à côté de nous ».

André Cake, 69 ans, de Saint-Laurent se confie candidement : « Je suis un jeune amateur de 69 ans. Je viens au salon pour une première fois. Je veux absolument deux roues à l’arrière, pour ma sécurité. J’ai travaillé toute ma vie. Alors, il n’y a pas de prix pour s’amuser. Tu ne peux pas arrêter de rouler quand tu vieillis. C’est arrêter de rouler qui te fait vieillir! »

Marc Fournier, 63 ans, de Saint-Lazare, fait un retour aux sources en grand : « J’ai eu une première moto à l’âge de 17 ans, que j’ai vendue pour me marier. Quand mon fils est arrivé à la maison avec une moto, ça m’a donné le goût de m’y remettre. En beau pépère, j’ai en acheté une de 500 cc et je l’ai grandement regretté. Il me manquait 1500 cc. Je viens de corriger l’erreur ».

Claude Plouffe, de Sherbrooke, se prépare de longue main à une retraite en moto : « Je suis ingénieur électrique et j’ai 53 ans. Je vais acheter une moto pour nourrir mes rêves, m’habituer à la conduire et aussi pour que ma blonde puisse s’asseoir derrière. Des voyages, j’en ferai une fois à la retraite, quand les enfants auront quitté le nid et que le patron et les clients seront loin derrière. Dans l’intervalle, je vais regarder des vidéos de voyage et arpenter chaque année le Salon de la moto ».

Ghislain Hébert de Montebello se préoccupe du confort de sa passagère : « Je viens au salon pour acheter un bicycle. La Kawasaki que j’ai depuis 1974 est finie. Je veux en acheter une moto plus confortable, une flambant neuve, ma dernière. Je veux changer de bicycle pour que ma blonde ait un meilleur siège. Car cet été, on s’en va pour un mois, jusqu’à Terre-Neuve ».

Monsieur X a 60 ans. Il refuse de s’identifier, mais pas de nous parler. « Les automobilistes, je les aime en arrière de moi quand je les ai dépassés. D’ailleurs les automobilistes, ils ne m’achalent pas. On roule en gang et on n’a pas de problème… à cause des “couleurs”. On est quinze dans notre club ». (Il pointe son doigt vers l’écusson montrant son appartenance à un club de motards où apparaît le mot mort.)

Femme au guidon
Sylvie Dubé, de Venise-en-Québec, aime la vitesse depuis toujours. « J’ai été élevée à la campagne et, à 12 ans, mon père m’a inscrite dans des courses de skidoos. Comme il était dépositaire d’Artic Cat, j’ai été élevée là-dedans. J’ai toujours été portée sur la vitesse. J’adore ça. Je n’avais jamais conduit de moto avant que mon père, à l’âge de 67 ans, décide de réaliser son rêve et de s’acheter une Harley. Comme ma mère ne voulait pas s’asseoir à l’arrière parce qu’elle avait peur, j’ai décidé d’y aller. C’est la seule fois que je me suis assise à l’arrière d’une moto. Après, j’ai pris les poignées. Ma première moto a été une BMW 1200. J’étais la seule femme qui conduisait dans le groupe de motocyclistes avec qui je roulais. J’ai décidé de partir seule en voyage, en Nouvelle-Écosse.

J’ai adoré le Cabot Trail. Il y a trois ans, j’ai eu le goût d’aller dans les chemins de gravelle, d’explorer le bout du bout, d’aller voir plus loin. J’ai pris un cours avec Moto Internationale, puis j’ai acheté une BMW pour faire du hors route. Depuis, j’ai fait Terre-Neuve, le Tennessee et la Caroline du Nord. Je roule seule ou avec mon chum que j’ai rencontré dans un voyage de moto. Je suis directrice d’importation pour un grossiste et j’ai pris des journées de vacances pour venir au Salon de la moto. Pour ma septième saison de moto, je vais aller en Espagne, en Andalousie. J’ai loué une moto pour six jours. »

Régis Parent

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