CL350, la Honda tout-terrain réservée à l’Amérique!

Par Claire MartinPublié le

À la fin des années 50, un incroyable vent de jeunesse souffle sur l’Amérique. Le rock’n roll déferle sur l’occident, les vedettes de l’heure s’appellent Elvis Presley, Marilyn Monroe, Marlon Brando. L’économie est en pleine expansion et l’industrie fonctionne à plein régime augmentant ainsi le pouvoir d’achat de tout un peuple qui s’ouvre à la société des loisirs. La jeunesse américaine, les ouvriers et les agriculteurs profitent de leurs temps libres pour parcourir avec leurs motos les sentiers, forêts, dunes, au guidon des Scrambler anglais qui dominent alors le marché, mais Honda entend bien prendre sa part du gâteau et c’est ce qu’il fait brillamment, sortant une des plus belles lignées de motos off-road.

C’est avec un génie certain que Honda flaire cette transformation de la société et les besoins naissants du marché américain. Suivant cet état d’esprit, en 1962, American Honda confie au coureur spécialiste du désert Dave Ekins (le frère de Bud, la doublure de Steve McQueen) le développement de la CL72. D’une puissance de 250 cm3, elle est considérée comme la première vraie Scrambler de la marque et elle est équipée du bicylindre simple arbre à cames. De 1962 à 1973, Honda commercialise des versions sans cesse améliorées du modèle routier CB et de sa version adaptée au tout-terrain la CL, que peu de choses séparent techniquement. Les vraies versions commerciales n’arrivent qu’en 1966. 1968 voit l’apparition des CB350 et CL350. La version off-road diffère peu du modèle routier : fourche télescopique, guidon large et pour améliorer la garde au sol, deux échappements relevés du même côté gauche et roue de 19″ à l’avant.

Elles sont présentées aux États-Unis à la une de Cycle News et font sensation forte. La CL sera déclinée de la version K0 en 1968 à la K5 en 1972. Puis rapidement, la nécessité d’offrir plus qu’une routière maquillée en off-road se fait sentir. Honda se remet donc à la planche à dessin pour sortir en 1970 la SL350, véritable trail-bike dont le moteur reste cependant construit sur la base de celui de la CB350. Elle préfigure la ligne développée par la suite sur la XL250 mue par des monocylindres. Sa sortie abrège la carrière de la CL qui sera vendue jusqu’en 1973.

Finalement, la CL aura connu un beau succès et contribué à la formidable expansion de Honda. Une des apparitions les plus remarquées de la CL350 fut sans nul doute dans le film Point limite zéro, un road-movie sorti en 1971 dans lequel le héros doit rallier Denver à San Francisco au volant d’une Dodge Challenger en moins de quinze heures, poursuivi par la police. Dans le désert, il croise une jeune hippie nudiste au guidon d’une CL350. Beaucoup se souviendront d’avoir vu la fameuse scène au cinéma. Mais qui avait réellement porté attention au modèle de moto? Les CL et SL furent créées pour l’Amérique et vendues exclusivement sur ce marché, d’ailleurs les Européens nostalgiques de ces années-là nous jalousent. On les comprend, ces motos étaient bien faites, fiables et non dépourvues d’un certain esthétisme. Nul doute qu’elles auraient pu faire un malheur sur le Vieux Continent car bien que taillées pour les grands espaces, elles étaient aussi parfaitement à l’aise en milieu urbain. À noter que Honda commercialisait également un kit course circuit routier que l’on pouvait adapter au même petit moteur vitaminé. On obtenait ainsi la CYB350 sur laquelle nombre de coureurs transitèrent au cours de leur carrière. 

CL77, CL350, CB350, CYB 350, SL350 une lignée de Honda vendues à quelques 626 000 exemplaires, preuve s’il en faut de leur succès. Nous vous invitons à les découvrir dans la salle japonaise de L’Épopée de la Moto dès le mois de juin.

Témoignage
J’ai acquis ma CL350 en juin 1972 chez le concessionnaire Honda Dufour et Lapointe de Sainte-Marie de Beauce au coût de 1 049 $. Elle venait remplacer une Honda CL175 usagée achetée quelques mois auparavant. Étudiant à l’époque, cette moto, dont l’achat a été financé par mon paternel, fut, pendant quelques années, mon seul moyen de transport. Elle était d’office de la mi-avril jusqu’à la fin novembre durant mes années d’études. Honda vendait durant cette période un modèle comparable, soit le CB350 au prix de 999 $. La CB350 était plus populaire (du moins dans notre région) que la CL350. Celle-ci se distinguait de la CB350 par les éléments suivants : réservoir d’essence plus petit; pneu arrière plus grand; dégagement au sol plus élevé; engrenage arrière plus grand (2 dents); silencieux situés sur le côté droit à hauteur de cuisse plutôt que de chaque côté au bas de la moto. Ces caractéristiques différentes facilitaient l’usage hors route de la moto sans toutefois rendre cette dernière aussi agile qu’une moto-cross en raison notamment du poids plus élevé et de la traction moins performante.

En revanche, j’ai eu beaucoup de plaisir (et parfois de la difficulté) à tenter de suivre mon frère dans les sentiers avec sa Honda Elsinore 250 de type moto-cross. La CL350 s’est révélée une excellente moto de ville et de route secondaire grâce à son agilité, sa puissance adéquate et son poids relativement faible pour une routière. La vitesse maximale se situait autour de 80 milles à l’heure et la consommation était d’environ 50 milles au gallon. Sur l’autoroute, elle souffrait cependant d’un manque de puissance évident et n’était pas adaptée aux longs trajets. Ses principales rivales de l’époque étaient la Kawasaki 350, 3 cylindres, 2 temps et la Yamaha 350, 2 cylindres, 2 temps. Ces dernières étaient plus performantes en accélération et en vitesse de pointe, mais souffraient de problèmes de fiabilité (surchauffe) et étaient plus polluantes en raison du mélange huile/essence employé pour la combustion. La CL350 s’est révélée très fiable, et je l’ai utilisée sans rénovation majeure et sans accident jusqu’en 2004 (occasionnellement durant les dernières années). Un problème de valve ou de chaîne de came a mis fin à son utilisation. Le musée L’Épopée de la Moto s’en est porté acquéreur à l’été 2010.

Parmi mes souvenirs mémorables, mentionnons une randonnée effectuée dans la première semaine de décembre, vêtu d’un habit et de gants de motoneige, en utilisant le pont Pierre-Laporte et l’autoroute de la Beauce dans le but de remiser le véhicule pour l’hiver. J’ai aussi souvenir de plusieurs soirées amicales de drag sur la Saint-Vincent à Vallée-Jonction à « torcher » des Mustang 351, des Cougar 390 et des Beaumont 350. Cette moto a marqué ma jeunesse et sa vente m’a occasionné quelques pincements de cœur! Toujours passionné de moto et satisfait de la qualité des produits Honda, j’ai acquis depuis lors une Honda 750 Spirit 2007.
Michel Cliche, Saint-Nicolas, Chaudière-Appalaches

CL350, CB350, CYB350, un même moteur plein de vitalité!
Gerry Marshall est bien placé pour connaître ce moteur. Ami de longue date de Duhamel, les deux hommes ont fait leurs classes sur les mêmes circuits de Scramble. À partir de 1968, il siège parmi les officiels de l’Association Canadienne de Motocyclisme au niveau national. Constamment à l’affût des actualités du monde de la course, il se forge une image positive du moteur de la CB350 : vif, performant, quoique moins rapide que la Yamaha 350TD, la Matchless G50 et la Norton Manx, mais comparable à celui d’une BSA 500 et Triumph 500, fiable même avec peu d’entretien, facile à prendre en main, polyvalent. En 1974, l’occasion se présente, Gerry vient de prendre sa retraite et se dit qu’acquérir une CYB350 serait une bonne idée au cas où la rage de courir le reprendrait, et c’est ce qui s’est passé… 25 ans plus tard. En 1999, il décide de reconstruire la machine, il monte sa puissance à 48 ch en faisant quelques optimisations et renforce le cadre. Le résultat est une machine très compétitive qu’il met à l’épreuve sans plus tarder. À son guidon, il remporte les championnats 2002 et 2003 du Vintage Road Racing Association, le championnat Vintage North American Champions FIM 2003 et court sur de nombreux circuits en Ontario, au Québec, aux États-Unis et en Nouvelle-Écosse de 2000 à 2004. En 2005, nourri de ses nombreuses victoires, il restaure la moto à l’originale et la cède au musée de Saint-Jean-Port-Joli.

FICHE TECHNIQUE Honda CL350 K0 1968

ANNÉE : 1968-1973
PAYS : Japon
MOTEUR : bicylindre 4 temps refroidi par air
DISTRIBUTION : simple ACT entraîné par chaîne
CYLINDRÉE : 326 cm3 (64 X 50,6 mm)
PUISSANCE : 33 ch à 9 500 tr/mn
ALLUMAGE : batterie-bobine
GRAISSAGE : par carter humide
BOÎTE: 5 rapports 
TRANSMISSION : par chaîne
EMBRAYAGE : multidisque dans l’huile
CADRE : simple berceau
SUSPENSIONS AVANT : télescopique
SUSPENSIONS ARRIÈRE : oscillante
FREINS AVANT ET ARRIÈRE : tambour
PNEUS AVANT : 3,25 X 19″
PNEUS ARRIÈRE : 3,50 X 18″ 
RÉSERVOIR : 12 L
POIDS : 157 kg à sec
VITESSE MAXI : 150 km/h

ARTICLES LES PLUS RÉCENTS



Archives – Lancement des BMW R18B et R18 Transcontinental 2022 – Les R18 aux longues jambes


AIROH J 110 le casque deux-en-un au style unique


Découvrez le guide Ulysse « L’Ontario à moto »


Archives – Ducati Monster+ 2021 – La fin d’une époque


Archives – Essai Moto Journal – KTM 890 Duke 2021


Aviator Ace 2 et Twist 3 : les nouveaux casques incontournables d’AIROH pour le tout-terrain