Yamaha Super Ténéré 2012: Bonne à tout faire polyvalente

Par Moto JournalPublié le

Yamaha s’attaque au créneau de la BMW GS avec le lancement anticipé de sa Super Ténéré 2012. Nous vous proposons le premier essai complet effectué en sol canadien.

Il faisait 9 degrés Celsius en cette matinée de la mi-octobre. Le flot de la circulation avançait à 140 km/h sur l’autoroute en direction nord. La Super Ténéré 2012 était dans la voie rapide, filant à 141 km/h. La Super Ténéré, cette grosse monture de tourisme d’aventure et le tout dernier modèle dans la gamme de Yamaha Canada, aurait pu paraître tout aussi perdue sur cette autoroute rapide qu’une monture de tourisme sur les dunes nord-africaines.

Elle nous a néanmoins procuré un moyen de transport confortable, et ce, même par temps froid sur cette longue et ennuyeuse autoroute. Une fois en ville, elle s’est mise à dévaler la rue principale comme un chien sans laisse. Mais peut-elle être tout aussi dans son élément dans un véritable environnement de tourisme d’aventure? Oui et non. Est-ce que ça change quelque chose? Sans doute pas.

La Super Ténéré est présentée officiellement comme un modèle 2012, mais elle n’arrivera dans les salles d’exposition des concessionnaires qu’en juin 2011. En apparence, c’est une monture de tourisme d’aventure classique avec son vaste réservoir d’essence, son train avant relevé muni d’un pare-brise étroit, sa généreuse garde au sol et ses valises latérales en aluminium. Le guidon tubulaire, les longues tiges des rétroviseurs et la roue avant de 19 pouces complètent le portrait d’une moto conçue pour négocier n’importe quel type de route et certaines sections hors route avec la même virtuosité.

Un deuxième coup d’œil permet de révéler certains éléments de qualité. La ligne de jonction du réservoir d’essence est enveloppée dans ce qui rassemble à un coupe-froid, sans doute pour prévenir l’accumulation de rouille à certains endroits plus vulnérables. Les freins sont dotés de disques ondulés et sont équipés de l’ABS. Les repose-pieds sont pourvus d’un isolant en caoutchouc pour amortir les vibrations, mais les éléments de caoutchouc sont suffisamment souples pour se compresser sous le poids d’un pilote qui se tient debout pour laisser découvrir les bords en acier des repose-pieds et assurer une excellente adhérence. En selle, on aperçoit de nombreuses composantes en plastique sous le guidon, mais elles semblent faire partie intégrante de la moto et sont conçues pour durer longtemps; de toute façon, ces composantes ont l’air bien solides.

La Super Ténéré a l’air confortable, et les apparences ne sont pas trompeuses dans ce cas-ci. La relation entre le guidon, la selle et les repose-pieds est bien équilibrée et se traduit par une position relevée. Si les cruisers vous évoquent votre beau-frère avachit dans un fauteuil inclinable avec un plat de hamburgers sur le ventre et que les motos sport vous font penser à votre cousin en train de laper les miettes dans la gamelle de son chien, la Super Ténéré présente la même ergonomie qu’une table à dîner du dimanche qui semble confortable et qui l’est, même lors de longues sorties.

La selle plate et bien rembourrée est ferme sans causer d’inconfort, et suffisamment allongée pour permettre au pilote de se déplacer aisément de l’avant vers l’arrière. Le pilote peut sentir le rebord de la selle à l’intérieur de ses cuisses sans en être incommodé. Une caractéristique intéressante pour les conducteurs moins grands est la possibilité d’ajuster la hauteur de la selle : en position élevée, la selle atteint 870 mm (34,3 po), tandis qu’en position abaissée, elle s’élève à 845 mm (33,3 po). La hauteur de la selle s’ajuste facilement : il suffit d’insérer la clé de contact dans une fente située sur le côté gauche de la moto, de soulever la selle, d’avancer le support de selle en caoutchouc pour relever la selle ou de le reculer pour l’abaisser, de remettre la selle en place et de pousser dessus pour l’encliqueter. Cette procédure ne prend qu’une minute et demie, si vous êtes maladroit. Le passager dispose d’une selle distincte qui se détache également pour révéler un espace de rangement secondaire (l’espace de rangement principal se trouve derrière la selle du passager).

Dans la pratique, la selle abaissée a permis à un essayeur de 1,75 m de poser aisément les deux pieds au sol, même si ses talons étaient relevés. En position élevée, les pieds étaient beaucoup plus relevés, mais les dix orteils touchaient terre. Pour les pilotes qui mesurent moins de 1,75 m, même cet ajustement minime devrait rendre les manœuvres à basse vitesse moins intimidantes.

Le pare-brise, les protège-mains devant les poignées du guidon et les longerons du carénage minimalistes permettent, étonnamment, de contrer les bourrasques de façon efficace. Même si notre essayeur de 1,75 m a ressenti certaines turbulences sur son casque, la tête d’un pilote plus grand en est épargnée et, à l’exception des épaules et du haut des cuisses, les coups de vent ne sont pas perceptibles à vitesse d’autoroute, ce qui permet de rouler en tout confort pendant une heure à des températures inférieures à 10 degrés Celsius. L’absence de poignées chauffantes est moins dérangeante qu’elle ne l’aurait été si les protège-mains ne permettaient pas de faire dévier le vent des mains du pilote.

Les suspensions contribuent également au confort. La fourche inversée de 43 mm entièrement ajustable et l’amortisseur arrière, réglable uniquement en précontrainte et en détente, sont suffisamment souples pour absorber les grosses bosses sur la chaussée, mais assez fermes pour permettre à la moto de demeurer bien plantée dans des conditions plus exigeantes. Nous n’avons pas eu besoin d’ajuster les réglages de série.

Au cœur de la Super Ténéré sommeille son moteur, un bicylindre vertical d’une cylindrée de 1 199 cm3. Le moulin à deux arbres à cames et huit soupapes développe un couple attribué de plus de 80 lb-pi et une puissance de 110 ch. En selle, la moto donne l’impression de produire une puissance de 100 ch qui permet des accélérations rapides, compte tenu de son poids tous pleins faits de 264 kg. Elle pèse donc 35 kg de plus que la Multistrada de Ducati et un peu plus de 17 kg que sa plus sérieuse rivale : la R1200GS de BMW. La Yamaha semble aussi être plus pesante, même si son large guidon et son centre de gravité abaissé la rendent légère et maniable en conduite sur route.
 
Le moteur utilise deux bougies par cylindre pour permettre d’améliorer la combustion ainsi qu’un vilebrequin calé à 270 degrés à séquence irrégulière de 270 et 450 degrés qui offre une traction et une commande des gaz supérieure sur revêtement inégal. Le moteur est contrebalancé efficacement et transmet des vibrations qui peuvent être ressenties à pleine charge, mais sans jamais devenir déplaisantes; heureusement, les vibrations agaçantes sont inexistantes sur un bicylindre vertical. À vitesse normale d’autoroute, l’image réfléchie par les rétroviseurs reste claire.
 
Sa zone rouge étant atteinte à 7 500 tr/min, ce n’est pas un moteur qui aime grimper les tours, mais qui livre néanmoins une puissance honnête se situant entre 4 000 et 7 000 tr/min. L’ouverture des gaz à partir de 3 000 tr/min donne lieu à une poussée rapide et puissante capable d’étirer les bras du pilote avec force. Les changements de rapports entre 4 000 et 6 000 tr/min permettent au moteur de demeurer à l’intérieur de sa large bande de puissance et de produire des accélérations qui, sans être foudroyantes, sont tout de même satisfaisantes.
 
Le son des échappements du moteur est bien atténué, mais loin d’être agréable, du moins de l’avis d’un des essayeurs. Selon lui, le son du moteur s’apparente davantage à un mélange de bruits qu’au son généré par la combustion interne. Un autre essayeur a pourtant trouvé que le son à bas régime du moteur était plaisant, même s’il a admis qu’à vitesse de croisière, il semblait presque disparaître, ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose.

Une des caractéristiques de plus en plus populaires sur les motos de route de classe ouverte est le sélecteur de performance du moteur à deux modes, actionné à l’aide du pouce droit. Il suffit de couper les gaz et d’actionner le sélecteur pour passer du mode S (Sport) au mode T (Tourisme). Même en mode T, le moteur livre une performance adéquate, autorisant des accélérations franches rapides permettant d’atteindre des vitesses d’autoroute en un rien de temps, mais le mode S est plus intéressant puisqu’il permet une bonne accélération à bas régime.

La Super Ténéré est dotée d’une commande de traction électronique qui permet au pilote de changer de mode de traction. Un écran d’affichage sur l’ordinateur de bord indique le mode TCS1, qui est le mode par défaut, mais en appuyant sur un bouton situé sur le côté gauche du tableau de bord, on peut sélectionner le mode TCS2 ou le mettre hors circuit. Le mode TCS1 utilise davantage la commande de traction tout en permettant un certain patinage de la roue sur une surface en terre. Le mode TCS2 autorise un plus grand patinage de la roue. Aucun de ces modes n’a donné l’impression que la moto était sur le point de se désaligner, et les deux modes produisent une étonnante puissance à la roue arrière. Lorsque la commande de traction est hors circuit, vous pouvez patiner comme un pilote de flat track si vous êtes talentueux.

Le mode TCS ne peut être changé que lorsque la moto est immobilisée. Ce mode fonctionne en modifiant le calage d’allumage, mais la Super Ténéré est dotée de l’injection électronique de carburant et d’une commande des gaz électronique. Ainsi, si le fait de modifier le calage d’allumage ne suffit pas à prévenir le patinage de la roue, le système met hors circuit le système d’injection et la commande des gaz. Lors de nos essais, le système a fonctionné sans heurt et sans effet perceptible, sauf que la roue arrière ne s’est jamais mise à glisser.

Le freinage ABS devrait également empêcher la moto de patiner, bien entendu, et dans ce cas-ci, le freinage est couplé. Il suffit de tirer d’abord sur le levier de frein avant et la force de freinage se répartit entre les freins avant et arrière, mais lorsqu’on pèse en premier sur la pédale de frein arrière, le freinage n’est plus couplé. On ne peut donc appliquer le frein arrière que lors des manœuvres à basse vitesse. Nous avons expérimenté un plongeon modéré du train avant en appliquant fermement le frein avant, et même si les freins sont raisonnablement puissants, la rétroaction est un peu floue.

Il est étonnant de constater que l’ABS ne peut pas être désactivé sur cette moto, particulièrement quand on sait que ce système de freinage est une véritable nuisance en conduite hors route. Si vous n’êtes pas d’accord, essayez de descendre une pente rocheuse abrupte dans le brouillard, et vous allez jurer que l’application forcée des freins sur une moto équipée de l’ABS vous a fait accélérer. À ce propos, les représentants de Yamaha ont semblé tout aussi surpris que nous d’apprendre que ce système ne puisse pas être désactivé.

Toutefois, ce qui joue en faveur de cette moto, c’est qu’elle passera davantage de temps sur des surfaces asphaltées que hors route. Elle est chaussée de pneus de route, ce qui signifie sans équivoque qu’elle n’est pas conçue pour explorer les sous-bois. Même si elle est légèrement plus lourde et un peu moins puissante que certaines de ses concurrentes, c’est une moto confortable, docile et rapide qui peut être pilotée par temps froid et dans des conditions peu clémentes sans broncher. Elle peut même s’avérer une excellente moto sportive lors d’une virée sportive.

Les valises sont larges et solides, et leur système de fixation est relativement simple et très sécuritaire : quand on tourne la clé dans une direction, le couvercle s’ouvre à l’arrière et lorsqu’on tourne la clé dans l’autre direction, il suffit de lever un levier à l’arrière et de faire pivoter un autre levier à l’avant, et une rampe située en dessous d’un longeron se déploie, ce qui permet d’ôter les valises. Lorsque le porte-bagages fait fonction de support pour le coffre à accessoires ou qu’il sert juste à contenir un sac souple qui y est attaché, le pilote peut transporter suffisamment de vêtements et d’accessoires pour lui durer un bon moment. Grâce à la position de conduite décontractée de la Super Ténéré, sa protection décente contre les intempéries et la souplesse de ses suspensions, une longue virée, disons de Montréal à Gaspé, pourrait s’avérer tout indiquée.

Après avoir roulé pendant une heure sur l’autoroute par temps froid puis avoir passé une autre heure à rouler en ville, un des essayeurs ne voulait plus descendre de la Super Ténéré. Cela en dit long sur le facteur plaisir de cette monture et tout particulièrement sur le confort qu’elle procure. Mais le fait de n’être qu’une bonne moto ne garantit pas qu’elle connaisse du succès. En tant que monture de tourisme d’aventure, elle évolue dans le créneau le plus féroce de toute l’industrie et doit se mesurer à des adversaires redoutables comme la Multistrada de Ducati ou l’Adventure de KTM, sans mentionner le modèle qui est probablement le plus polyvalent de toute l’industrie : la R1200GS de BMW.

Tout dépendra de son prix, qui n’a pas encore été annoncé, mais d’après ce que nous avons appris durant ce premier essai, la Super Ténéré de Yamaha a, au moins, une bonne chance de tirer son épingle du jeu.

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