Ducati Hypermotard 796: Cascades urbaines

Par Moto JournalPublié le

Pour composer avec les bermes, les whoops et les triples sauts qui sont le lot de la conduite urbaine, difficile de trouver une moto plus apte que celle-là.

Nous avons failli faire quelques sorties de route pour toutes sortes de raisons. Parfois, nous avons été distraits par l’architecture intéressante de certaines fermes; parfois nous avons pris des nuages bas pour des autopatrouilles et d’autres fois, nous nous ennuyions carrément et avons manqué d’attention. Mais là, c’était une première. À mesure que la pluie tombait, le jet jaillissant de la roue avant de l’Hypermotard 796 était projeté dans les airs et le phare avant illuminait chaque gouttelette avec la même intensité que le flash d’un appareil photo. C’était une vision magnifique, mais, hélas, trop distrayante pour les pilotes d’essai esthètes que nous sommes. À part le fait de franchir des trous d’eau dans lesquels nous nous enfoncions jusqu’aux genoux, et où l’eau éclabousse tout sur son passage, c’était la première fois que nous roulions dans de l’eau qui était projetée de nos propres motos! Mais une fois la chaussée asséchée, les frivolités prirent fin, ce qui nous amène à une conversation entre le photographe Bill Petro et moi-même.

« Non, nous n’allons pas laver la moto pour la séance de photos », lui dis-je d’un ton catégorique. « Mais elle est sale », rétorque Petro, en mentionnant qu’il a pris ses premières photos pour la revue en 1973, alors que je n’avais que huit ans. « Quel est le rapport avec le fait que j’avais huit ans à l’époque? » lui ai-je demandé. « Les motos se salissent. Doit-on devenir obsédé par la propreté? » Sur ce, j’ai abaissé ma visière et, au guidon de l’Hypermotard, j’ai franchi un remblai escarpé en béton armé sous l’autoroute Gardner, où j’ai failli rouler par-dessus un homme qui dormait dans un sac de couchage. Je me suis arrêté et j’ai relevé ma visière pour faire des excuses à l’homme dont nous venions tout juste d’envahir la chambre à coucher. Puis je me suis remis en route.

Il n’y a pas si longtemps, le mouvement hypermotard n’était encore qu’une nouveauté; on dirait seulement qu’il a toujours existé. Le concept original était assez simple : dépouillez une moto hors route de ses pneus à crampons, chaussez-la de pneus de route de 17 pouces et lancez-vous à l’assaut d’une piste de course ou d’une rue secondaire. L’Hypermotard 796, même si elle est dotée d’un moteur d’une plus grosse cylindrée que le monocylindre d’une moto hors route et qu’elle n’est pas destinée aux courses en circuit fermé, est restée fidèle au concept original tant du point de vue de son apparence que de sa position de conduite. En selle, le dos est bien droit, les avant-bras sont parallèles au sol et les pieds sont positionnés sous la hanche. Comme le guidon est placé directement devant le pilote, nul besoin de se pencher vers l’avant. Étant donné que les bicylindres sont des moteurs étroits, les genoux demeurent confortablement rapprochés. La selle, comme c’est traditionnellement le cas des motos hors route, est étroite et peu rembourrée, ce qui cause une certaine douleur, dans le jargon d’un instructeur de yoga, à l’ischion. Après une heure passée en selle, on sent peu à peu le plateau du siège, les longerons du sous-carénage et, enfin, les ailettes de refroidissement du cylindre arrière qui exercent une pression sur le postérieur.

Propulsant le plus petit des deux modèles de la gamme Hypermotard de Ducati (le plus gros moteur est doté d’une cylindrée de 1 100 cm3), le bloc de 796 cm3 à deux soupapes refroidi par air, une nouveauté en 2010, est là pour rester. Également repris dans le modèle Monster 796 annoncé récemment, c’est un moteur légèrement plus musclé que le bicylindre de 696 cm3 de Ducati, mais qui réussit à conserver le caractère poussif du plus petit moulin. Le moteur halète et produit un cliquetis au ralenti dans la plus pure tradition italienne, et le son des échappements est plaisant sans toutefois être trop bruyant. La puissance attribuée s’élève à 81 ch (à 8 000 tr/min) et le couple maxi attribué de 58 lb-pi est atteint à un régime exploitable de 6 250 tr/min.

Pour la première partie de notre essai, la 796 s’est acquittée de ses tâches d’intérêt général essentielles, soit de faire la navette entre notre domicile et notre lieu de travail. Le couple abondant du moteur de la 796 et l’excellente visibilité directe que procure sa position de conduite relevée nous ont incités à interpréter les voies sur la route, ainsi que les routes elles-mêmes, comme de simples suggestions d’endroits où rouler. Il s’en est fallu de peu pour que nous nous servions d’une vieille Hyundai comme rampe de lancement pour nous catapulter à l’autre bout d’une rue secondaire, mais nous nous sommes contentés de sauter par-dessus des trottoirs, de prendre des raccourcis en passant par des terrains abandonnés et, après avoir coupé le moteur, nous avons franchi un barrage policier érigé sur le site d’un accident. (La clé pour réussir cette manœuvre est d’agiter la main. Si vous souriez et agitez la main, peu de gens, incluant les policiers, soupçonneront quoi que ce soit de mal intentionné.)

La pluie ayant enfin cessé, nous avons pris l’autoroute à la recherche d’espaces verts, mais après avoir roulé la 796 à vitesse de croisière, notre opinion était partagée. Jouant en sa faveur, sa démultiplication est beaucoup plus longue que sur les autres hypermotards, ce qui permet d’adopter une conduite détendue à vitesse de croisière. Toutefois, comme c’est la norme pour un modèle Ducati, la démultiplication est tellement longue, que la sélection du sixième rapport ne convient qu’à des vitesses excédant 120 km/h. Mais la position de conduite aussi droite qu’une baguette et l’absence d’un carénage enveloppant rendent la 796 vulnérable aux bourrasques et à la turbulence causée par les camions de transport. Nous sommes donc partis à la recherche de routes sinueuses à deux voies.
 
Nous sommes tombés sur une charmante petite section de route et la 796 s’est soudainement montrée sous son vrai jour. Grâce à la géométrie de son châssis semblable à celle d’une sportive et au bon levier que procure le large guidon, nous avons pu négocier aisément les routes en lacet. À mesure que la vitesse augmentait, la fourche Marzocchi s’est révélée un peu flasque, mais nous hésiterions à la raffermir pour une utilisation générale sur la route, puisqu’elle propose un compromis presque idéal pour la plupart des types de conduite. (De la part de Ducati, ce réglage est une véritable révélation. Le dernier modèle Monster dont nous avions fait l’essai, la 696, était doté de suspensions fermes réglées pour la piste qui étaient tout simplement trop rigides pour les rues de cette ville.)

L’embrayage et la boîte de vitesse présentent une combinaison de caractéristiques que nous avons appréciées malgré certains irritants mineurs. L’embrayage, qui est lubrifié en bain d’huile, est silencieux et ne requiert qu’un léger effort sur le levier, ce qui est très bien. Mais son point d’engagement se situe dans le dernier quart de son débattement et, conjugué au tempérament au sang froid du moteur durant le réchauffement et au long espacement du premier rapport, il faut faire grimper les tours et glisser l’embrayage pour réussir à démarrer sans caler le moteur. La boîte de vitesse est précise quoiqu’un peu rétive, mais notre modèle d’essai affichait relativement peu de kilométrage et, comme nous l’avions constaté sur d’autres modèles d’essai Ducati, son fonctionnement deviendra plus régulier avec l’usure.

L’un des éléments stylistiques les plus distinctifs et les plus ingénieux de l’Hypermotard s’est également avéré une source d’irritation. La combinaison des protège-mains, des clignotants et des rétroviseurs est un concept spectaculaire, mais qui ne tient pas ses promesses. Les rétroviseurs ont au moins le mérite de se replier simplement pour faciliter le remisage de la machine dans le garage (en passant, ils se replient aussi aisément si jamais on accroche le rétroviseur d’une auto en faisant des dépassements entre les voies). Les rétroviseurs offrent une excellente vue arrière et sont exempts de vibration quand le moteur est en marche. Ce qui nous a déplu, c’est leur tendance à s’affaisser, et ce, même après avoir resserré les pièces de montage à deux reprises. L’espace entre le levier du frein avant et le protège-main droit est très étroit et à une occasion quand le protège-main s’était affaissé, il est entré en contact avec l’extrémité du levier de frein avant en le coinçant un peu. Cet incident, même s’il n’a causé aucun désastre, n’avait rien de rassurant non plus.
 
Dans sa quête pour réduire le volume, Ducati s’est sans doute surpassé avec les commutateurs du guidon. Le démarreur et l’interrupteur d’urgence situés sur le côté droit et le témoin du clignotant sur la gauche sont tellement minuscules, qu’il est difficile de les actionner avec des gants. Nous avons même envisagé de transporter avec nous un stylet, comme les utilisateurs de BlackBerry pour peser sur les boutons! La petitesse du témoin du clignotant rendait également son activation imprévisible, et nous ne sommes pas encore assez vieux pour imputer le fait qu’il restait activé à cause d’un oubli dû à l’âge.

Mais même malgré nos critiques, l’Hypermotard 796, qui se détaille 11 495 $, est à peu près idéale pour ceux qui roulent principalement en ville ou qui sont assez chanceux pour bénéficier de routes étroites et sinueuses près de chez eux. Nous n’avons pas de telles routes près de chez nous, mais nous choisirions cette moto avant plusieurs autres modèles prétendument polyvalents en raison du réglage de ses suspensions et de sa position de conduite relevée. En plus, elle a belle allure maculée de boue, alors pensez au temps que vous gagnerez en n’ayant pas à la nettoyer!

ARTICLES LES PLUS RÉCENTS



Archives – Lancement des BMW R18B et R18 Transcontinental 2022 – Les R18 aux longues jambes


AIROH J 110 le casque deux-en-un au style unique


Découvrez le guide Ulysse « L’Ontario à moto »


Archives – Ducati Monster+ 2021 – La fin d’une époque


Archives – Essai Moto Journal – KTM 890 Duke 2021


Aviator Ace 2 et Twist 3 : les nouveaux casques incontournables d’AIROH pour le tout-terrain