BMW HP2 Sport: Unique en son genre

Par Uwe WachtendorfPublié le

Elle coûte les yeux de la tête et est aussi excentrique qu’une moto puisse l’être. Et elle divisera les lecteurs en deux camps : ceux qui l’adorent et ceux qui la trouvent complètement absurde.

L’information la plus importante à savoir à propos d’une moto ne peut être obtenue d’un simple coup d’œil sur sa fiche technique. En effet, il est impossible de déchiffrer le caractère du moteur en analysant son alésage et sa course ou encore le diamètre de ses soupapes. Même le nombre de pistons qui se meuvent à l’intérieur de celles-ci ne révèle pas tout. Les généralisations étant ce qu’elles sont, nous pouvons tout de même affirmer que, de façon générale, le roulement à bas régime des bicylindres contraste avec le tempérament nerveux des moteurs quatre cylindres en ligne. Mais qu’en est-il du bicylindre à plat de BMW? Est-ce qu’un moteur reconnu pour sa capacité à voyager d’une traite autour du globe a sa place au sein d’une sportive radicale et dispendieuse?

L’une des caractéristiques de l’ingénierie allemande est sa persistance. Porsche, avec sa 911, est parti d’une plate-forme défaillante (un moteur refroidi à l’air perché à l’arrière) qu’il a raffinée au-delà de ce que quiconque aurait pu penser être humainement possible. Bien que BMW ait décidé d’opter pour des configurations de moteur plus modernes pour ses motos (il semble y en avoir pour tous les goûts dans sa gamme : des monocylindres, des bicylindres, des quatre cylindres), son moulin Boxer refroidi à l’air est son moteur de marque, soit l’équivalent du six cylindres à plat de Porsche. Mais même si les moteurs Porsche sont refroidis au liquide; le moteur Boxer qui continue de rouler sa bosse malgré son âge vénérable n’est refroidi que par le vent.

Le moteur de la HP2 représente le summum en matière de performance pour un moteur Boxer de série. Conçu pour les courses d’endurance, le bloc HP2 comporte plusieurs caractéristiques non traditionnelles pour un Boxer, y compris des doubles arbres à cames en tête et quatre soupapes par cylindre. Comparativement aux maigres 8,5 ch du moteur original de 486 cm3 fabriqué dans les années 20, le moulin de 1 170 cm3 développe 117 ch et 79 lb-pi de couple sur le dynamomètre de Pro 6 Cycle, soit des valeurs plus élevées que ce à quoi les techniciens sceptiques de Pro 6 Cycle s’attendaient. Même si ces valeurs sont solides (la puissance est à peine en deçà de celle produite par la 848 de Ducati, laquelle est loin de se traîner les pieds), ce qu’il faut retenir ici, c’est que l’entraînement de la HP2 est un cardan sapeur de puissance.
 
Une Visigoth — comparativement au fonctionnement uniforme d’un quatre cylindres en ligne japonais, la HP2 — n’est pas pour les cœurs sensibles. Elle se comporte parfois comme un animal. Les vibrations à des régimes inférieurs à 4 500 tr/min sont quasi inexistantes, mais à partir de ce régime, là où le moteur commence à fléchir ses muscles, les vibrations deviennent envahissantes malgré l’arbre d’équilibrage à montage central. Le passage des rapports sur la boîte de vitesse à six rapports se fait sans heurt, mais à moins qu’une journée d’essais libres en piste ne fasse partie de vos plans, le sélecteur rapide à assistance électrique servira davantage à vous vanter que pour son côté pratique… Permettant de monter les rapports sans l’utilisation de l’embrayage, le système coupe momentanément l’allumage quand il capte une pression sur le sélecteur de vitesse. Sur la route, là où les changements de vitesse s’effectuent sans qu’il soit nécessaire d’ouvrir les gaz à fond comme sur la piste, le système a entraîné un roulis et une embardée de la moto, ce qui nous a amenés à utiliser l’embrayage hydraulique au caractère plus civilisé.

Affublée de deux énormes culasses qui dépassent de ses flancs, la HP2 attire l’attention comme des touristes vêtus de shorts dans une discothèque. Parmi toutes les motos dont nous avons fait l’essai l’été dernier, la HP2 est celle qui a attiré le plus l’attention dans la rue. Le chef italien du restaurant situé à côté de nos bureaux est passé sans s’arrêter devant une nouvelle Streetfighter de Ducati pour avoir un meilleur aperçu de la HP2!

La fourche Telever et le bras oscillant non traditionnel de la HP2 se traduisent par une qualité de roulement tout aussi non traditionnelle. Le revêtement usé de la piste de Shannonville a mis en lumière la dualité particulière de la fourche Telelever. À la fois incroyablement efficace pour composer avec le revêtement abîmé de la piste et son mélange (et ses portions) de pavage, le feedback que la fourche Telelever communique au pilote est vague, car elle ne procure pas la même sensation fine qu’une fourche télescopique traditionnelle. Il faut dire que sur une piste comme celle de Shannonville, le fait de ne pas savoir avec quoi un pneu doit composer peut être une bénédiction.

Il est rare que l’angle d’inclinaison soit restreint par les culasses d’une moto, mais à toute vitesse inférieure à la vitesse sur une piste de course, ce problème ne se pose pas. Si nous avions été sur un circuit au revêtement adhérent, comme celui de Calabogie à l’ouest d’Ottawa, cela aurait pu causer un problème, mais faire frotter une culasse sur la piste de Shannonville est un acte de bravoure que nous n’avons pas osé poser. Si une culasse touche le sol sur la route, cela signifie que vous venez tout juste de faire une chute. Et si jamais une culasse devait toucher le sol, les coulisseaux en plastique des culasses donnent un moment de répit aux couvercles en fibre de carbone des cames.

La HP2 contient plusieurs composantes en fibre de carbone, et pas seulement comme pièces décoratives comme c’est le cas sur la plupart des motos. Plus particulièrement, toute la carrosserie est faite de fibre de carbone, en plus de plus petites pièces comme les talonnières (lesquelles, soit dit en passant, ont une pointe acérée qui a accroché l’exosquelette de la botte d’un des pilotes, immobilisant son pied. Il a poussé un cri de douleur, mais s’en est remis).

Les conduites hydrauliques savamment dissimulées dans l’entretoise de la fourche procurent un freinage puissant et prévisible et, heureusement, sans servofrein. Nous avons désactivé les freins ABS sur la piste, puisqu’ils n’exhibaient pas le même raffinement que ceux de la S1000RR du même constructeur ou encore de la CBR de Honda. Nous ne savons pas pourquoi, mais en enfourchant la HP2 nous a avons eu l’impression de monter sur un Clydesdale pur-sang, sa hauteur de selle nous donnant carrément le vertige. Plus tard, nous avons été renversés d’apprendre que sa hauteur de selle est plus basse de 5 mm que celle de la R1. Une fois assis, la position de conduite est spacieuse et peut être ajustée grâce aux guidons-bracelets et aux repose-pieds réglables. La selle monoplace effilée permet de poser aisément les jambes au sol entre les culasses et les repose-pieds et facilite les déplacements sur la moto lors des mises sur l’angle.

La même entreprise qui fabrique les systèmes de saisie et d’analyse des données utilisés en MotoGP a mis au point un poste de pilotage numérique surdimensionné qui fait figure de centre de traitement de l’information. Conçu pour être consulté à vitesse élevée, l’écran est aussi lisible qu’il est polyvalent, et peut être réglé en mode Course ou en mode Route. Sa caractéristique la plus intéressante est son interface utilisateur intuitive qui ne requiert aucun manuel pour la décoder. Au démarrage à froid, une rangée de voyants colorés sur la partie supérieure indique le degré de réchauffement du moteur. Les voyants s’éteignent à mesure que le moteur se réchauffe et la ligne rouge augmente graduellement, empêchant toute utilisation abusive tant que le moteur n’est pas entièrement réchauffé. En mode Course, le visuel affiche les temps au tour, le nombre de tours, la vitesse moyenne au tour, la vitesse de pointe et le nombre de passages de rapport au tour. L’accro des statistiques peut télécharger toutes ces données sur un ordinateur et analyser les changements de rapports manqués pendant tout l’hiver!

Les pièces rigides de la moto permettent également à la moto de passer d’utilisation routière à une sur piste. La partie du train arrière qui accueille le feu de freinage, les clignotants et le porte-plaque d’immatriculation se détache rapidement, tout comme les témoins avant et les rétroviseurs, permettant de convertir promptement la moto pour une utilisation sur piste. Quand un inspecteur technique nous a demandé d’un ton impassible si nous avions remplacé l’antigel par de l’eau (une exigence standard pour les journées d’essais libres), nous sommes demeurés silencieux et lorsqu’il a réalisé que la BMW était refroidi à l’air, il a laissé tomber le sujet. Mais cela nous a rappelé que le fait de ne pas avoir à changer de liquide de refroidissement était une bénédiction pour le propriétaire d’une HP2 qui envisage de rouler tant sur la route qu’en piste.

Bien que l’attention portée aux détails par BMW sur la HP2 soit impressionnante, l’absence d’une aile enveloppant la roue arrière se fait cruellement ressentir. Les morceaux de caoutchouc qui se sont détachés du pneu Metzler Racetec ont rapidement maculé le ressort et le fourreau de piston jaune vif de l’amortisseur arrière Öhlins. Mais ce qui est encore plus troublant, c’est que la batterie située devant le pneu arrière soit entièrement exposée à la vue, et en plein dans la trajectoire de l’eau et des saletés de la route.

Évidemment, il est impossible de justifier rationnellement le prix de 27 590 $ d’une moto qui se fait battre à plates coutures en piste par des japonaises de 600 cm3 de 13 000 $. Mais compte tenu de la conjoncture économique défavorable aux motos vendues au prix fort (le propre modèle S1000RR de BMW coûte 10 000 $ de moins), nous admirons la HP2 à titre d’exemple de la folle dévotion d’un constructeur envers la fidélité à ses racines. Si vous pensez que nous sommes fous, alors la HP2 n’est pas pour vous. Mais si vous voulez collaborer pour que le moteur Boxer atteigne son 100e anniversaire, alors vous ne pouvez pas mieux servir cette cause qu’en vous procurant votre propre HP2.

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