Yamaha YZF-R1: La bête apprivoisée

Par Neil GrahamPublié le

La dernière saison de course en World Superbike a été dominée par cette machine. Nous voulions voir si ce qui a si bien fonctionné pour Ben Spies et compagnie fonctionnerait aussi pour les plus humbles habiletés des essayeurs de Moto Journal.

Pendant des années, le développement des motos sport fut orienté vers la recherche de puissance, d’accélération et de vitesse. Les pilotes tant sur route que sur piste étaient devenus obsédés par le désir de posséder la moto qui affichait les plus hautes caractéristiques. Mais attention! La puissance est finalement devenue si importante qu’elle dépassait les possibilités du châssis et des pneus, et plus important encore, du pilote.

Même les coureurs aux plus hauts niveaux de compétition en avaient plein les mains — plus de puissance n’aboutissait pas en des temps au tour plus rapides. Le contrôle plutôt que la puissance brute est alors devenu le mot d’ordre dans le design des motos sport. Notre premier reportage sur la nouvelle YZF-R1 de Yamaha date de son lancement de presse en avril 2009, époque à laquelle nous n’avions aucune idée de la véracité des affirmations de Yamaha selon lesquelles une puissance plus contrôlable donnerait de meilleurs temps de piste. Mais 2009 s’est révélé être une grande année pour la R1.

Le vilebrequin cruciforme de la R1 (MJ, mai 2009) est une technologie dérivée de la course et adaptée à un modèle de production. Technologie choisie par nulle autre que Valentino Rossi, qui a sélectionné le vilebrequin cruciforme pour sa machine de MotoGP parmi différentes configurations possibles, la R1 a immédiatement rapporté des dividendes sur la piste. Ben Spies a gagné le championnat World Superbike 2009, ce qui est une première pour Yamaha. Mais Spies ne fut pas le seul à démontrer l’an dernier les capacités de la R1 : Igor Jermann, Steve Martin et Gwen Giabbani sont devenus champions du monde d’endurance et Leon Camier est devenu le champion anglais de Superbike. Plus près de nous, Andrew Nelson et Kevin Lacombe ont respectivement terminé aux quatrièmes et sixièmes places du championnat de Superbike Parts Canada sur leur R1.

Nous voulions vérifier si les caractéristiques qui ont donné ce succès à la R1 étaient apparentes et utiles pour les pilotes plus modestes.

Contrairement à beaucoup d’innovations dérivées de la course dont l’effet n’est pas tout de suite apparent, l’impact du vilebrequin non orthodoxe fut immédiat. La première chose qui nous indique que nous n’avons pas affaire à un quatre cylindres en ligne habituel vient de la sonorité de l’échappement, le son étant beaucoup moins aigu à haut régime. Mais cela n’est qu’un effet secondaire, la grosse différence vient de la manière dont la puissance est livrée.

Alors que la majorité des motos sport quatre cylindres allument harmonieusement leurs pistons à chaque rotation de 180 degrés du vilebrequin, ceux de la R1 sont allumés de manière irrégulière et alternative (1, 3, 2, 4 au lieu de 1, 2, 4, 3). L’allumage à intervalles décalés (270-180-90-180 degrés) produit un effet sur le couple qui agit sur le vilebrequin. En réprimant le couple initial qui est créé lorsque le vilebrequin accélère et ralentit entre chaque allumage, le vilebrequin cruciforme améliore la traction lorsque la puissance est passée au sol.

Notre première mission avec la R1 fut de roder une nouvelle paire de pneus qui seraient ensuite utilisés sur piste. Quand le trafic sur l’autoroute proche de notre bureau s’est allégé, le moment fut parfait pour ouvrir les gaz à fond. Mais un coup d’œil sur le compteur nous a révélé que nous filions déjà à une vitesse digne de nous envoyer directement en prison. Et c’est alors que nous avons compris que ce moteur à l’allumage décalé peut être à la fois si doux et si rapide. À bas et mi-régime, les plus fréquents sur la route, la R1 était superbement docile.

Même si la R1 ne possède pas de contrôle antipatinage (pour l’instant), elle propose un choix de style de conduite qui est différent de celui des concurrents, généralement basé sur plusieurs cartographies d’injection d’essence. Celui de Yamaha modifie le rapport entre l’accélérateur électrique et les papillons d’admission. Contrôlé par un bouton sur le guidon droit, le mode standard du système offre un ratio de 1:1. Une poignée à demi tournée ouvre les injecteurs jusqu’à la moitié. En choisissant le mode A, plus agressif, l’action de la poignée des gaz est exagérée à 130 % pendant les deux premiers tiers de sa rotation puis elle revient progressivement vers un ratio de 1:1 à pleins gaz. Le mode B permet une ouverture des papillons correspondant à seulement 70 % de la rotation de la poignée et ne lui permet jamais d’atteindre le ratio 1:1.

Bien que nous ayons surtout utilisé le mode standard, nous avons aussi essayé les autres modes. Dans le mode A, la puissance arrive en urgence; c’est agréable sur la route ouverte, mais requiert du respect lors d’une inclinaison en virage. Pour tempérer la moto pendant qu’il apprenait un nouveau circuit, un essayeur a utilisé le mode B (qui est principalement prévu pour les routes avec surfaces humides ou à faible adhérence).

Deux journées sur piste et une semaine sur la route nous ont amenés à la conclusion suivante : pour une moto d’un litre, la R1 est extrêmement facile à piloter, et sa livraison de puissance pardonne. Tandis que les motos sport habituelles peuvent patiner violemment avec les gaz ouverts à fond, la R1 offre une traction de type Vtwin — elle adhère et elle passe la puissance sur la piste. Même à des vitesses moindres, il était évident que les limites de la R1 peuvent être approchées progressivement. Vers la fin de la seconde journée de piste, les Dunlop Sportmax Qualifiers (pas d’origine) étaient complètement usés. Leur longévité est surprenante étant donné la puissance de la R1 et les températures élevées de la piste en pleine chaleur du mois d’août. Il est simplement difficile de déterminer dans quelle mesure la longévité du pneu provient de sa gomme, du couple docile de la R1 ou de notre manque d’habileté pour en user un plus vite. Une chose est certaine : avec les pneus qui se détérioraient, nous étions suffisamment à l’aise pour glisser et déraper en accélération sur le circuit, ce qui est une preuve du contrôle que permet la R1.

La tenue de route de la R1 est fluide, ce qui ne veut pas dire molle. Elle exécute les transitions rapidement avec un bon feedback et un bon niveau de pardon. Yamaha déclare que cette douceur provient du châssis Deltabox en aluminium et de sa capacité à fléchir, tout en restant extrêmement rigide au niveau de la tête de direction, du pivot du bras oscillant et des points de fixation du moteur.

La fourche partage les tâches d’amortissement afin de simplifier le circuit de l’huile et de minimiser les pertes de performances dues à l’aération. L’amortissement en compression est ajustable sur la fourche gauche, tandis que l’amortissement en rebond s’ajuste sur la droite. L’amortisseur arrière offre des ajustements en compression pour haute et basse vitesses. Yamaha prétend que la R1 est capable de défier la gravité jusqu’à un angle de 56 degrés; n’ayant pas d’appareil de mesure lors de l’essai, tout ce que nous savons, c’est que ni les repose-pieds ni nos coudes n’ont touché le sol.

Le maître-cylindre radial Brembo et les deux étriers avant à six pistons sont une autre contribution du programme de MotoGP de Yamaha. Bien qu’extrêmement puissant, le mordant initial reste progressif.

Avec une position de pilotage spacieuse pour une moto sport, la R1 était étonnamment accueillante pour nos essayeurs. La distance aux bracelets et aux commandes reculées était idéale pour la piste et ne causait pas de désagrément sur la route, si vous vous souvenez que c’est une moto pour aller au prochain point de corde et non vers la prochaine province. Le tableau de bord de la R1 est dominé par un gros tachymètre analogique et ce que Yamaha appelle une unité multifonction. Sur le dessus se trouve une lumière programmable de changement de rapport dont l’intensité est réglable.

Il aura fallu plusieurs courriels de Dave Shepherd, le conseiller technique de Yamaha, avant que nous ne comprenions le fonctionnement du système d’éclairage de la R1. Nous avions indiqué par erreur lors du lancement de presse que les deux phares de la R1 avaient une ampoule pour le feu de croisement et les pleins phares. En réalité, chaque phare a une ampoule à un seul filament et son faisceau est dirigé vers le haut ou le bas avec un volet actionné par un solénoïde pour créer les deux éclairages requis. En changeant de mode, nous pouvions entendre le solénoïde fonctionner dans les phares, lequel est similaire à la technologie utilisée par BMW dans ses voitures. Shepherd nous expliqua que le but de ce système est d’accroître la puissance du moteur. Comme ces projecteurs fournissent un éclairage suffisant avec un diamètre inférieur, il y a davantage de place pour augmenter l’admission d’air du moteur et la placer à un endroit où la pression d’air est supérieure, l’endroit où se trouvent habituellement les phares.

Au milieu de telles avancées technologiques, l’échappement sous la selle semblait anachronique, malgré l’affirmation de Yamaha selon laquelle il livre plus de puissance à mi-régime. Les plus grandes critiques contre l’apparence de la R1 sont venues des pilotes sur la piste. Tous, incluant ceux qui possédaient d’anciennes R1, étaient d’accord pour dire que l’esthétique de la R1 a été bâclée. Probablement en partie parce que l’ancienne R1 était la plus belle des quatre japonaises.

Avant de rapporter la R1, nous sommes allés sur le dyno de Pro 6 pour vérifier la puissance de 182 chevaux annoncée par Yamaha. Les puissances annoncées par les manufacturiers sont généralement au vilebrequin, donc notre puissance de 151,7 chevaux à la roue arrière, bien que moindre, n’est pas atypique.
 
La guerre des motos supersport a désormais pris une direction différente qui reconnait que les humains qui les pilotent ne sont pas parfaits. En nous fiant à nos essais et aux résultats obtenus en course, nous pensons que Yamaha est dans la bonne direction. Mais le temps passe. Avec Ducati et BMW qui offrent maintenant l’antipatinage, et dans le cas de la S1000RR de BMW l’ABS pour la course, nous prévoyons que la prochaine génération de R1 en sera aussi équipée. Nous sommes heureux que la guerre des motos sport soit devenue une guerre de contrôle au lieu d’une guerre de puissance. La différence est subtile mais significative.

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