Le Kawasaki Vulcan 1700, en position d’attaque

Par Uwe WachtendorfPublié le

Tout ce que souhaite Uwe Wachtendorf, c’est de parcourir les routes secondaires de la Californie à un rythme qui convient à un homme dans la quarantaine. Mais les guides du lancement de presse de Kawasaki ont une tout autre idée en tête.

Le lancement de presse de la custom Vulcan de Kawasaki vient à peine de commencer il y a 30 secondes et je joue déjà de malchance. En sortant du stationnement de l’hôtel, mon pied gauche se retrouve inexplicablement et douloureusement coincé sous l’échappement de la Nomad. La moto vacille, déséquilibrée par un obstacle de pointure 11, et je regarde mon pied avec stupéfaction, cherchant à comprendre comment tout ça a bien pu se produire. Sans plus attendre, nous nous dirigeons vers l’autoroute achalandée et je n’ai pas le temps de me demander si mon pied qui m’élance a subi une fracture.

Me blesser au pied était une situation inattendue, mais ce qui est sur le point de se produire ne l’est pas : un lancement de presse où une custom n’est pas pilotée comme une custom. Notre armada, hormis un des pilotes qui roule comme bon lui semble, est alignée en position parfaite, soit en zigzag et bien espacée par souci de sécurité. Bien entendu, ce genre de formation ne dure jamais très longtemps. Le pilote de tête ne tarde pas à quitter l’autoroute, et dès qu’une courbe permettant une mise sur l’angle suffisante se présente, le rythme s’accroît de façon marquée. Sans plus attendre, notre groupe jusque-là discipliné part à l’assaut de toutes les courbes. La formation se resserre pour former un peloton digne du Tour de France, et ce n’est qu’à ce moment-là que je réalise à quel point une custom de 1 000 livres et son pilote peuvent dévaler à toute allure une route sinueuse.

Il est tout à fait compréhensible que cette situation se produise à chaque lancement de presse d’une custom. Ceux qui guident les essais possèdent rarement une custom, et ils agissent en fonction de la supposition commune dans le monde de la moto que les journalistes moto ne sont heureux que s’ils font râper leurs marchepieds. En vérité, j’avoue qu’il est plutôt agréable de piloter une custom énergiquement. Ne pas profiter d’une route construite par des ingénieurs ayant un penchant pour des courbes de Bézier semblerait criminel, mais cette attitude n’est pas sans conséquence. Est-il équitable de souligner des lacunes qui ne se seraient autrement jamais manifestées si la moto n’avait pas été pilotée de cette manière ? Est-ce que les limites de la garde au sol, des suspensions et des freins sont vraiment des lacunes quand elles ne ressortent que lors d’une simulation de rallye au mont Pikes Peak ? À notre premier arrêt, je discute des caractéristiques de la conduite de la Vulcan Nomad avec un représentant de Kawasaki. « L’héritage sportif de Kawasaki est réellement palpable quand on pilote la Vulcan », me dit-il. Je ne lui réponds pas, mais je me questionne sur la nécessité d’injecter une dose d’ADN de moto sport dans une custom.

Les propriétaires actuels de Vulcan avaient leur propre idée de ce qui devrait être injecté dans la Vulcan : plus de tout. La révision a donc porté sur la façon de la rendre plus compacte que l’ancienne Vulcan 1600, tout en accroissant sa puissance, ses performances et ses avancées technologiques. En examinant le produit fini, on note que les modèles Classic, Classic LT, Nomad et Voyager ont tous une présence qui se démarque, comme si chaque modèle avait été sculpté à la main à même un solide bloc de métal. Le moteur gonflé du nouveau modèle constitue son point central. Le couple attribué du bicylindre en V de 1700 cm3 à course longue incliné à 52 degrés aurait été augmenté de 15 pour cent pour atteindre 108 lb-pi à 2 250 tr/min et développerait une puissance 20 pour cent plus élevée. Je demande au représentant de Kawasaki de m’indiquer la valeur de puissance. « Je ne saurais vous le dire », me répond-il.

Agacé, je ne lâche pas prise. « Pourquoi les représentants des constructeurs se défilent-t-ils toujours quand on leur pose cette question? » Me tournant le dos comme il s’apprêtait à partir, il marmonne par-dessus son épaule que ce n’est pas la politique de la firme de divulguer les chiffres. Peu importe la puissance de la 1700, son moteur est doux, mais pas dans le sens où l’on ne saurait dire s’il est en marche ou non, mais avec ses doubles contre-balanciers, les vibrations ne viennent pas gâcher le plaisir. À pleins gaz, la Vulcan accélère avec autorité mais de façon civilisée. La livrée de puissance ne se manifeste pas subitement, mais plutôt linéairement. Les reprises se font de façon précise, sans hésitation ou temps mort sur toute l’étendue de la plage des régimes.

L’interaction du pilote avec le corps papillon se fait au moyen d’un papillon des gaz complètement électronique (Electronic Throttle Valve ou ETV). Des câbles traditionnels relient la poignée de l’accélérateur au capteur de position de l’accélérateur (Accelerator Position Sensor ou APS) plutôt qu’au papillon des gaz. L’APS, combiné à un deuxième capteur, soit le capteur de position du papillon (Throttle Position Sensor ou TPS), transmet la requête du pilote de même que d’autres données recueillies par le bloc de commande électronique (ECU), qui règle ensuite numériquement le papillon des gaz. La microgestion du mélange air/carburant permettrait d’améliorer l’économie d’essence et de réduire les émissions de gaz d’échappement, mais le pessimiste en moi ne peut s’empêcher d’imaginer les conséquences d’un court-circuit de ce système entièrement électronique. On m’assure qu’advenant une panne de l’ETV, un système de diagnostic sélectionnerait l’un des trois modes de sûreté intégrée pour permettre au moteur de continuer à rouler.

L’ancienne boîte de vitesses à cinq rapports du modèle Vulcan précédent a été remplacée par une nouvelle boîte à six rapports dont le dernier est surmultiplié. L’espace entre chaque rapport est très long; à 130 km/h, je préfère rouler en cinquième plutôt qu’en sixième. Puisque la 1700 produit suffisamment de couple immédiatement hors ralenti, la longue démultiplication ne pose pas de problème, l’embrayage et le sélecteur de vitesses étant moins sollicités. L’effort au levier d’embrayage, quand on a besoin de s’en servir, est léger, et même si la transmission produit un bruit sourd prononcé à chaque changement de rapports, les changements se font avec douceur et précision. Afin de diminuer la perte de puissance, l’ancien entraînement par arbre a été remplacé par une courroie en fibre de carbone.

Au cours de la séance d’information, le mot compacité est à l’honneur pour décrire le nouveau cadre. Dans le but de rendre une custom de grande cylindrée plus accessible aux pilotes de petite taille, la distance pour atteindre le guidon et les marchepieds a été réduite. Une position de conduite plus compacte peut certes accroître la confiance du pilote, mais je crains plus que tout de me retrouver dans une position où les genoux me touchent aux oreilles. Cependant, je n’aurais pas dû m’en faire, car la Vulcan est suffisamment spacieuse pour accommoder les personnes qui mesurent 2,0 m.

Le nouveau cadre allégé et plus rigide intègre une fourche Showa de 43 mm et deux amortisseurs pneumatiques comportant quatre réglages d’amortissement de la détente. La Classic (345 kg/761 lb) et la Classic LT (362 kg/798 lb) utilisent cette configuration, mais la Nomad (378 kg/834 lb) reçoit un coup de pouce supplémentaire avec des constantes de rappel du ressort et d’amortissement plus élevées, tandis que la Voyager (402 kg/886 lb) est pourvue d’une fourche plus large de 45 mm. Le réglage standard des suspensions confère une grande impression de souplesse, sans retransmettre les aspérités de la route. Expérimentant diverses combinaisons d’amortissement de la détente et de pression d’air, je finis par trouver un compromis acceptable entre perception de la route, tenue de route et confort. La Vulcan Classic, en tant que poids léger du groupe, est la plus maniable, mais ce n’est qu’un mince éloge. Même si l’ensemble des modèles est chaussé de pneus de taille raisonnable (130/90 à l’avant; 170/79-16 à l’arrière), les mises sur l’angle exigent un certain effort, particulièrement lors des transitions latérales, où ils donnent alors l’impression d’être mal équilibrés, une constatation corroborée par le léger effleurement des pieds au sol à basse vitesse que j’observe chez les des autres pilotes.

Seuls les freins de la Vulcan témoignent de ses gènes sportifs. À l’exception de la Voyager ABS, chaque modèle de la gamme est doté des mêmes composantes : soit deux disques de 300 mm pincés par des étriers à deux pistons à l’avant et un disque pincé par un étrier à deux pistons à l’arrière. Les freins K-ACT (technologie perfectionnée de freinage à double action de Kawasaki) de la Voyager ABS constituent non seulement un système de freinage optimal, mais comportent aussi la fonction antiblocage utilisant des étriers à quatre pistons à l’avant. N’ajoutant que 4 kg (9 lb) au poids de base de la Voyager, les freins K-ACT assistent les pilotes en équilibrant la pression de freinage de l’avant vers l’arrière, tout en utilisant la fonction antiblocage pour s’ajuster selon la traction disponible à chaque roue. Afin d’assurer un meilleur contrôle à basse vitesse, les freins K-ACT se désactivent à moins de 20 km/h. Le système de freinage standard et le système de freins ABS K-ACT fonctionnent tous deux très bien. Leur activation précise avec un mordant progressivement plus fort procure une bonne rétroaction et est fort appréciée à des vitesses élevées sur de sinueuses routes montagnardes sans rampe de sortie ni garde-fou.
 
La comparaison des modèles de la gamme Vulcan débute par le modèle Classic, conçu expressément pour les balades décontractées. Suivent d’autres modèles auxquels sont graduellement ajoutés des accessoires de tourisme jusqu’au modèle Voyager entièrement équipé. La Classic LT est offerte avec des options préinstallées qui reviennent moins cher que si on les achète séparément. La LT inclut des sacoches en cuir rigide deux tons, un siège au pourtour clouté, un dosseret pour le siège du passager et un pare-brise ajustable. Lors de notre essai, des vents violents entremêlés de puissantes bourrasques malmenèrent le pare-brise monté sur la fourche, qui a également le défaut de faire réfléchir sur sa surface intérieure le tableau de bord chromé. Mais lorsque le pare-brise est réglé en position médiane, aucun ballotement n’est ressenti sur le casque mais, malgré ses défauts, j’apprécie la protection qu’il procure en cette froide journée d’automne.

Un cran au-dessus du modèle LT offert avec des sacoches souples, la Nomad est pourvue de sacoches rigides aux couleurs agencées. Il faut faire preuve de prudence en refermant les sacoches de 38 litres de la Nomad et de la Voyager, car pendant une vigoureuse séance de pilotage, j’ai remarqué que leur couvercle battait au vent sur les motos qui roulaient en avant et en arrière de moi. La Nomad a également été munie d’un régulateur de vitesse qui fonctionne de la même façon que ceux dont sont dotées les autos. Bien que ce système marche bien, ses contrôles de même que tous les commutateurs de la Vulcan sont beaucoup trop rigides. Le régulateur de vitesse ne peut être utilisé que sur les quatre derniers rapports et à des vitesses se situant entre 50 et 135 km/h.

Seul bicylindre métrique entièrement équipé sur le marché, la Voyager est tout simplement saisissante. Selon Kawasaki, son design serait inspiré des autos des années 60 et la Voyager affiche une allure à la fois moderne et rétro. Le carénage monté sur le cadre de la Voyager, intégrant des protège-jambes et des phrases secondaires intégrés , est pratique et esthétique, mais ce que je trouve le plus attrayant est son instrumentation. Quatre jauges analogiques d’aspect rétro et un afficheur à cristaux liquides central multifonctionnel sont montés tout juste sous le champ de vision du pilote. Le tout est illuminé par une lueur d’un bleu glacé sophistiqué. Mes pieds ne sont pas aussi glacés, et vers le milieu de la journée, ils commencent à se réchauffer. Le fait d’ouvrir les conduits de ventilation massifs au bas du carénage les expose directement à l’air, me soulageant de la chaleur excessive.

La vocation de routière spécialisée de la Voyager est confirmée par son top case  d’une capacité de 50 litres avec ouverture latérale qui est suffisamment spacieux pour contenir deux casques intégraux. On trouve également une chaîne stéréo précâblée pour une radio XM, un iPod, un CB  et un système d’intercommunication de bord. Les commandes sur le guidon et celle du réglage du volume d’après la vitesse en facilitent le fonctionnement. Bien que la qualité du son soit bonne à basse vitesse, sur l’autoroute, le son est tout aussi atténué et imperceptible que les notes produites par un joueur de piano dans un bar achalandé…

Comme tous les autres constructeurs, Kawasaki a saisi l’occasion de récupérer une part de l’argent dépensé pour les accessoires de rechange en offrant plus de 100 options pour les modèles Vulcan, tous couverts par la garantie du fabricant de la moto s’ils sont installés en concession. Le prix des garanties varie selon le modèle : le modèle de base Classic (15 399 $) est assorti d’une garantie de 12 mois, tandis que le modèle LT équipé d’options (17 249 $) et le modèle de tourisme léger Nomad (17 999 $) viennent avec une garantie de 24 mois. Le Voyager (20 249 $ et 21 699 $ avec l’ABS) en offre une de 36 mois.

En rentrant dans le stationnement de l’hôtel pour la dernière fois après deux jours d’essais routiers, je repense aux paysages que j’ai vus et me désole de ceux que je n’ai pas pu voir. Trop souvent, je n’ai eu que la perception d’un panorama spectaculaire dans ma vision périphérique, néanmoins, je dois me rappeler que je suis ici pour le travail et non en vacances. Mais tout de même, je m’imagine y retourner un jour au guidon d’un Voyager et de refaire le parcours – à la moitié de la vitesse cette fois !

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