Ducati Monster 696 2009, monstrueusement nouveau

Par Michel GarneauPublié le

Pour la première cure de jouvence majeure de sa gamme Monster lancée il y a 15 ans, Ducati a choisi son modèle le moins cher, question de tâter le terrain avant de se jeter à l’eau.  Les modèles Monster de Ducati ont vieilli plutôt bien. Lorsque le premier modèle avait été présenté au Salon de Cologne en 1992, il avait fait sensation. Lancé en tant que modèle 1993, ce premier modèle, de même que la 916, avait procuré à Ducati une combinaison 1-2 qui lui avait permis de tenir les créanciers au loin. Mais, comme Ducati l’avait appris (non sans pincement) quand il avait remplacé la sensuelle 916 par la 999 aux formes cubistes, la refonte de modèles bien accueillis par le pu-blic est une entreprise risquée. Bien que le public sache se montrer réceptif à certains nouveaux -concepts, lorsqu’on remplace un modèle adoré, il devient doublement plus difficile de bien faire les choses. La solution de Ducati pour revamper la 999 fut de concevoir la 1098 qui, au lieu de s’inspirer de la 999, reprenait des éléments esthétiques de la 916. On savait dès lors que lorsque le constructeur italien déciderait de revoir sa gamme Monster, il ne se montrerait pas aussi audacieux qu’il l’avait été avec sa sportive porte-étendard. En effet, Ducati admet que la nouvelle Monster – et si on ne tient pas compte des révisions annuelles apportées à l’esthétisme et au moteur, il s’agit de la première refonte majeure depuis son lancement – se devait d’arborer le profil immédiatement reconnaissable du modèle original. Il fallait lancer un nouveau modèle qui n’aurait pas l’air trop nouveau.

Le moteur, qui a la même capacité que son prédécesseur de 695 cm3, se voit doté de soupapes d’un diamètre légèrement plus élevé ainsi que d’arbres à cames reposant dans des coussinets, ce qui représente un changement par rapport aux roulements plus lourds et plus volumineux. Des ailettes supplémentaires tant sur la culasse que sur les cylindres améliorent le refroidissement, et l’ajout d’un autre capteur lambda dans le deuxième cylindre permet à l’ordinateur de bord de mieux moduler l’injection de carburant. Ces révisions se tradui-sent par un accroissement attribué de 9 pour cent de la puissance qui atteint 80 ch et une hausse de 11 pour cent du couple qui s’élève à 50,6 lb-pi. Cette puissance accrue est une amélioration attendue puisque les valeurs des Ducati 620 cm3 et des bicylindres de 695 cm3 d’ancienne génération étaient un peu justes pour que ces modèles livrent des performances réellement amusantes.

Mais ce qui importe encore plus qu’un léger surcroît de puissance, a toutefois admis Ducati sans ambages, c’est que dans le passé, ces modèles pour novi-ces étaient trop ternes. Même s’il est vrai que les consommateurs sont prêts à accepter des composantes à moindre coût, et il s’agit là d’une nécessité sur des machines affichant un rapport qualité/prix élevé: l’ajout de plusieurs compo-santes de moins bonne qualité peut donner lieu à une moto de moins bonne qualité aussi. La petite Monster a été le modèle le plus vendu de la gamme la plus popu-laire de Ducati. Selon le cons-tructeur bolognais, pour 60 pour cent des ache-teurs de la petite Monster, il s’agit de leur première moto. Si jamais ils devaient devenir loyaux envers la marque, c’est donc le bon moment de les accrocher. Mais si la moto a une allure terne, quel est l’incitatif à ache-ter par la suite un modèle plus cher? Et après avoir passé une journée en selle, je peux affirmer sans me tromper que la 696 possède davantage d’éléments qui rendent les Ducati attirantes que tout autre ancien modèle Monster d’entrée de gamme ou Multistrada.

Dès qu’on appuie sur le démarreur, on est frappé par l’amélioration de la qualité du son. Les moteurs à deux soupapes refroidis par air de Ducati figurent parmi les blocs de moto qui produisent le son le plus riche, mais vous ne pourriez jamais le savoir en écoutant le son des nombreux modèles existants. Au lieu d’émettre une belle sonorité guttu-rale, ils produisent souvent un halètement anémique. La 696, qui n’émet pas un son trop fort, produit le rythme classique propre aux modèles Ducati. Un technicien de Ducati remarque le scepticisme sur mon visage lorsque je lui demande si le silencieux est de série et il s’empresse alors de montrer sous la moto les numéros d’homologation étampés à l’intérieur des tuyaux d’échappement. L’ajout d’échappements de rechange n’est pas nécessaire mais, malheureusement, ceux-ci deviendront fort probablement des accessoires po-pulaires. Une première sur un modèle Monster, les -tuyaux d’échappement ne s’enroulent pas derrière le moteur, mais s’enroulent à travers les longerons du cadre pour sortir à mi-hauteur du silencieux. Le système est bien conçu et la chaleur a soigneusement été détournée des jambes du pilote. Ducati prétend qu’il voulait simplifier visuellement le profil du moteur, mais les mécaniciens en herbe remarqueront tout de suite la facilité d’accès au filtre à huile.

Le manque de rayon de braquage a toujours été un point faible sur les Monster, ce qui est une gaffe impardonnable sur une moto urbaine. La première fois que j’ai piloté une Monster, c’était dans le cadre d’un lancement de presse il y a quelques années. J’ai failli faire tomber, tel un effet de dominos, toute une rangée de motos en braquant pour quitter le terrain de stationnement – la moto avait le même rayon de braquage qu’un autobus scolaire. Ducati a remédié à ce problème sur la 696 en ajoutant des entrées d’air fonctionnelles dans ce qui ressemble à un réservoir d’essence (15 litres d’essence sont contenus au plus profond des entrailles de la moto; ce qui ressemble à un réservoir est en fait une boîte à air de 10 litres). Ces entrées d’air recouvertes d’un grillage à l’épreuve des insectes comportent également des caches dans lesquelles le pilote peut insérer les pouces et, en langage technique, le mouvement de braquage serait de 64 degrés. Honnêtement, je ne sais pas ce que cela signifie. Cependant, ce que je sais, c’est que l’on peut désormais faire des virages en U sur des routes étroites sans faire un virage en trois points en jouant du pied de façon embarrassante.
Bien que le cadre imite soigneusement celui des anciens modèles Monster, une inspection plus poussée révèle que la section en treillis tubulaire se termine au niveau de la culasse arrière où le -sous-cadre en aluminium moulé se prolonge vers l’arrière et supporte le siège. Le dia-mètre des tubulures du -cadre principal en acier est plus large, tandis que les parois des tubulures, qui ne paraissent pas à l’œil nu, sont plus min-ces. Le sous-cadre allégé contribue à une réduction de poids globale, et le poids à sec attribué est de 161 kg/355 lb (168 kg/370 lb pour la 695). La section médiane plus étroite n’est pas non plus visible, ce qui est essentiel puisque la 696 attire particulièrement les débutants et les femmes, et rien ne met plus en confiance que d’avoir les deux pieds plantés solidement au sol.
 
Malgré toutes ces améliorations, un irritant propre aux modèles Ducati demeure: une longue démultiplication complètement absurde. Le rapport supérieur de la boîte de vitesse à six rapports ne sert qu’à des vitesses supérieures à 120 km/h, et à vitesse d’autoroute, il vaut mieux engager le cinquième ou même le quatrième rapport. Cet aspect est plus perceptible sur la 696, car en raison de sa modeste cylindrée, il faut faire grim-per les tours du moteur pour obtenir de bonnes performances puisque ce modèle ne possède pas le généreux couple à mi-régime des bicylindres de 1000 cm3 de Ducati. Mais, s’il s’agit d’un irritant sur l’autoroute, c’est carrément un problème emmerdant sur les routes de montagne qui entourent Barcelone, alors que Beppe, notre guide, dicte un rythme d’enfer et que je n’arrive pas à sélectionner le rapport qui convient. Dans les virages plus étroits, le deuxième rapport est trop éloigné, mais quand je rétrograde en première, le moteur rechigne en émettant un cri et l’embrayage APTC glisse en guise de protestation, comme il se doit. Bien que ce problème soit agaçant, la solution pour y remédier est assez simple, et si je devais acheter une nouvelle Ducati, je demanderais à mon concessionnaire, avant de quitter la salle de montre avec ma machine, de rapprocher les rapports, soit en enlevant une dent au pignon de l’arbre intermédiaire, soit en ajoutant quelques dents au pignon arrière.

Les réglages de série sur la fourche Showa de 43 mm non ajustable semblent offrir un bon compromis, mais les routes ibériques n’ont jamais connu d’hiver comme celui que nous avons eu cette année, donc prenez mon opinion avec un grain de sel (de route). L’amortisseur Sachs est ajustable en précontrainte et en détente, ce qui suffit à la tâche. Ducati admet avoir lésiné, par le passé, sur les freins de ses modèles les moins chers. Chose intéressante, le constructeur prétend que les propriétaires des Monster de petite cylindrée ont été négligés pour ce qui est de connaître la véritable sensation au freinage de Ducati. À cette fin, la 696 a été dotée de doubles disques de 320 mm pincés par des étriers à montage radial à quatre pistons, ce qui est impressionnant pour une monture de 9495$. Mais ce qui est encore plus notable, c’est que la modulation des freins ne terrifiera pas les novices, puisqu’elle se fait tout en douceur, et que l’effort au levier est plus élevé que ce qui est re-quis habi-tuellement d’un système de frei-nage comparable sur une sportive pure. Afin de suivre Beppe, notre guide, j’ai dû freiner souvent de façon frénétique, et bien que j’aie senti une légère augmentation du mouvement du levier vers la fin de notre course, aucune diminution de performance n’était perceptible. Le frein arrière n’avait pas tendance à bloquer, ce qui est une bonne chose en soi, mais dès que je l’actionnais, il criait autant que les freins à tambour arrière de ma vieille Buick 1978 que je détestais et qui a abouti à la ferraille.

Ducati a toujours conçu des motos viscérales, et l’attention aux détails n’a jamais été un de ses points forts, semblant même parfois avoir été accablé par la tâche. Mais cette tendance semble vouloir changer. La 696 affiche une sophistication qui se rapproche de celle d’une moto japonaise, comme en témoignent les rétroviseurs montés sur les guidons qui pivotent aisément dans des socles stationnaires, comme ceux d’une auto. Certains les trouvent fa-buleux, d’autres inutiles; pour ma part, mon opinion est partagée. Le tableau de bord est également bien conçu. Je préfère la lisibilité des indicateurs à affichage analogique, mais le compte-tours à diagramme à barres est facile à lire et tout ce qu’il manque est une jauge à essence (pour remplacer la lampe témoin de bas niveau) et un indicateur du rapport sélectionné, qui devrait être obligatoire sur les motos destinées aux débutants. 

Les techniciens de Ducati sont sans aucun doute les plus habiles dans l’industrie de la moto pour ce qui est d’éluder les questions posées par les journalistes. Lorsque j’ai demandé à savoir quand au juste la technologie de la 696 serait reprise sur les autres modèles de la gamme Monster, ils m’ont tous regardé comme s’ils n’avaient jamais pensé à la question avant. Pas plus qu’ils n’ont sourcillé lorsque je leur ai mentionné qu’il était très inhabituel que le modèle de bas de gamme soit le premier à subir des révisions. La réponse, bien entendu, est que c’est le public qui décidera du sort de ce modèle et des autres modèles de la gamme Monster. Si la 696 fait un tabac en concession, son style sera repris sur les autres modèles Monster aussi rapidement que le feu a ravagé les forêts et les maisons en Californie, mais si elle reçoit un accueil mitigé (et je ne crois pas que ce sera le cas ni ce qu’elle le mérite), il se pourrait fort bien que le vieux modèle Monster demeure inchangé pendant encore 15 ans.

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