KTM RC8, les bonnes choses valent la peine d’attendre

Par Alan CathcartPublié le

L’arrivée de KTM sur la scène des motos sport, avec la redoutable RC8, était attendue avec impatience depuis octobre 2003. Cette année-là, lors du Tokyo Motor Show, le spécialiste autrichien du hors route avait surpris le public avec le dévoilement de son prototype supersport avec moteur bicylindre en V, un geste de bravoure dans la cour des grands japonais. Depuis, la transition du constructeur autrichien, d’un spécialiste du hors route vers un manufacturier généraliste, s’est faite progressivement avec la sortie d’un nombre croissant de motos dépouillées. L’occasion de piloter cette RC8 1190 sur le Ascari Race Resort en Espagne m’a permis de constater que cette moto sport, petite mais efficace, est tout à fait unique sur le marché.

En regardant la RC8 (qui veut dire : Road Competition 8 soupapes), il est évident que sa ligne, même si elle date de 2003, est toujours d’actualité. En blanc ou en noir, au lieu du orange emblématique de la marque, vous savez que c’est une KTM. Les qualités uniques de la RC8 vous frappent dès que vous enjambez le siège, qui est à une hauteur de 805 mm et qui, comme les repose-pieds, peut être relevé de 20 mm pour s’adapter aux différents types de pilotes; les pédales et les leviers de commande sont aussi ajustables. Le siège bien rembourré semble immédiatement plus bas et plus spacieux que ce à quoi l’on se serait attendu. Pour la première fois depuis longtemps sur ce type de moto, j’étais capable de poser les deux pieds à plat lors des arrêts aux feux de circulation pendant la promenade de 100 km dans les collines andalouses. Les bracelets sont placés vers l’avant et au même niveau que la tête de fourche, ce qui produit moins de stress sur les bras et les épaules que la conduite d’autres motos supersport modernes. Vous êtes assis dans la moto, plutôt que perché dessus, mais elle semble en même temps très étroite et compacte, une impression qui se confirme par les genoux qui se positionnent bien serrés à l’arrière du réservoir à essence de 16,5 litres, pendant que les bras contournent ses flancs bien sculptés. Le pare-brise plat et large dégage l’air au-dessus du casque, même en étant assis vers l’avant et assez droit.

Le tableau de bord est très propre, drapé de blanc et d’orange, sans fils, câbles ou tuyaux qui sortent de partout. Le compteur numérique offre une multitude d’informations accessibles par un bouton de commande situé sur le bracelet gauche, en face d’un bouton de chronométrage situé près du pouce. La quantité d’informations disponibles est énorme dans le mode course comme dans le mode route, l’indicateur de vitesse numérique et les lumières de changements de rapport à deux niveaux sont faciles à lire, mais le compte-tours qui s’affiche sous forme de barres dans le haut du bloc est plus difficile à déchiffrer, surtout avec les petits chiffres qui le rendent encore plus dur à lire. L’absence de jauge à essence et d’indicateur de rapport sélectionné devrait être corrigée rapidement.

Le nouveau bicylindre en V de 75 degrés et 1 148 cm3 de KTM, avec huit soupapes DACT, mesure 103 mm X 69 mm (alésage de 2 mm et course de 7 mm plus grands que sur le moteur original de 990 cm3 de la moto concept) et émet une sonorité plus aigüe que le son grave et profond du moteur à 90 degrés de la Ducati. L’accélérateur à commande rapide et le volant d’inertie allégé donnent une réponse du moteur immédiate. Ce dernier est tout de même coupleux, permettant des sorties de virage avec un rapport de trop à 4 000 tr/min avec une bonne montée en régime jusqu’à 10 700 tr/min, où intervient le coupeur partiel de surrégime, suivi 300 tr/min plus tard du coupeur de surrégime complet. La plage de couple est plate comme l’horizon; il n’y a pas de creux à 5 000 tr/min en raison des contrôles d’émissions comme sur les autres motos à injection, ce qui semble donner une livraison de puissance moins excitante que celle de sa rivale italienne. Par contre, l’injection à bas régime apparaît plus raffinée, et elle est douce jusqu’à la zone rouge. La RC8 annonce 155 ch de puissance au vilebrequin à 10 000 tr/min, avec 88,5 lb-pi de couple à 8 000 tr/min. Les changements de rapports sont rapides et l’embrayage à action progressive est confortable pour la conduite dans la circulation automobile; les deux contre-balanciers éliminent bien les vibrations, sauf au-dessus de 8 500 tr/min où elles se font un peu ressentir dans les repose-pieds.

Un autre élément clé dans l’architecture unique de KTM est le grand silencieux oblong situé sous le moteur. Il diffère de celui de Buell, car les deux convertisseurs catalytiques pesants du silencieux sont situés directement sous l’embrayage, ce qui abaisse considérablement le centre de gravité et contribue, avec la répartition des masses 54/46 % vers l’avant, à donner une tenue de route fluide et intuitive à la RC8; cette moto tourne comme une 600 malgré un poids à sec annoncé de 188 kg. Les transferts de poids sont beaucoup moins présents sur la RC8 que sur d’autres motos sport. Les wheelies sont donc moins fréquents et la roue arrière reste bien plantée en freinage tardif, même sous l’effet des étriers monoblocs radiaux à quatre pistons Brembo et bien que le frein arrière à deux pistons avec disque de 220 mm soit moins remarquable, car il ne fonctionne qu’à la toute fin de la course de sa pédale.

La stabilité à haute vitesse est excellente malgré la petite taille de la RC8. Les pneus Pirelli Dragon Supercorsa mordent le bitume et la moto offre une garde au sol incroyable. Dans une séquence de virages qui exige de balancer la moto d’un côté à l’autre plusieurs fois, le châssis rigide tubulaire en chromoly offre une géométrie équilibrée, avec un angle de chasse de 23,3 degrés, un déport de 90 mm et un empattement de 1 430 mm qui la rendent aussi facile à manœuvrer qu’une Duke 690. Pendant un freinage tardif en courbe, la RC8 ne quitte pas sa trajectoire et offre une direction neutre. Avec la suspension ajustable WP sur des réglages plus mous, la RC8 absorbe bien les plus mauvaises routes que je croise. Ce n’est pas une moto de sport tourisme, mais la RC8 s’en sort très bien sur les routes ordinaires.

Équilibre est le mot qui décrit le mieux la tenue de route de la KTM ainsi que l’impression ressentie à son guidon. De retour sur le circuit Ascari, je passe à une moto réglée pour le circuit, comme tout client de RC8 serait en mesure de le faire, dénudée de ses pièces pour la route démontables, avec des repose-pieds et un siège ajustés plus haut, le tableau de bord en mode course, des suspensions réglées plus fermes. J’ai fait beaucoup de tours à Ascari sur des motos différentes, mais jamais aucune n’a trouvé ses trajectoires de manière aussi intuitive que la KTM sur le circuit de 5,4 km. Il suffit de lui montrer un virage et elle trouve sa ligne, plus vite que vous n’avez le temps de vous y habituer; une fois « éveillé », et alors que vous aurez commencé à vous concentrer, vous vous régalerez avec ce mélange de poids moyen agile et de couple d’un gros bicylindre en V.

« Notre but était d’utiliser les dimensions compactes du moteur bicylindre en V à 75 degrés… pour faire une moto qui offre les performances motrices d’une Ducati 1098 sur le châssis d’une Honda CBR600RR », admet le directeur de projet de la RC8, Wolfgang Felber, sans aucune gêne. Felber a dirigé l’équipe R&D de 16 personnes depuis le début « Mais nous voulions être certains qu’il y aurait assez d’espace pour que le pilote puisse bouger sur la moto… Il est important d’être à l’aise, car c’est ce qui développe la confiance. » Dans les années 1980, Felber était un jeune coureur privé en 250GP avant de devenir le champion allemand en Supermotard avec sa KTM qu’il avait modifiée lui-même, ce qui est peut-être la source de son inspiration.

La RC8 est aussi agile dans les virages serrés que stable dans les grandes courbes, son amortisseur de direction étant rarement sollicité, même réglé au minimum. Par contre, une fois le pneu arrière réchauffé, il est préférable de le régler un peu plus fort pour éviter que les bracelets vous sautent dans les mains en pleine accélération en sortie de courbe, quand la roue avant s’allège en raison du gros couple disponible.

Felber admet que son équipe a considéré l’installation d’un embrayage à glissement limité pour finalement opter pour un système contrôlé par l’unité de calcul électronique Keihin qui ralentit la fermeture des gaz pour le cylindre arrière afin de contrer les effets du frein moteur et d’éliminer le sautillement de la roue arrière en entrée de virage. On a vraiment l’impression que cette moto a été conçue par des gens qui pilotent vite et qui savent ce qu’ils attendent d’une moto.

C’est une impression confirmée par les nombreux détails qui rendent la RC8 pratique à utiliser sur circuit, tels que le système de changement rapide de roue arrière, la position de pilotage ajustable, les deux vitesses de compression sur l’amortisseur, l’ajustement excentrique de hauteur à l’arrière, le siège passager ainsi que les supports de repose-pieds et les supports de plaque d’immatriculation qui s’enlèvent facilement. Les rétroviseurs, qui donnent une visibilité décente pour une moto sport, s’enlèvent aussi facilement et incorporent les clignotants avant.

KTM va fabriquer 2 500 RC8 en 2008 (nous recevrons au Canada le modèle 2009 plus tard cette année). Puis, d’ici douze mois, le modèle RC8S de haute performance devrait sortir avec un embrayage à glissement limité, ainsi que la RC8R prête pour la course avec un moteur de 1 200 cm3 que KTM utilisera pour courir dans le FIM Superstock World Cup. La RC8R sera aussi la base de la moto utilisée par KTM pour les courses de Superbike dans les pays comme les États-Unis et l’Allemagne, où les modifications qui touchent le moteur sont limitées, avant de se joindre à l’arène des World Superbike, plus probablement en 2010, avec une version à double injecteur qui est déjà en préparation. La RC8 de base est une nouvelle approche dans la conception d’un modèle de haute performance qui est plus orienté vers une utilisation pratique que d’autres modèles supersport. C’est assez ironique que KTM, un constructeur de motos hors route, ait créé une moto de route qui fonctionne si bien. Je suis bien content de ne plus devoir attendre.

Le proverbe dit que l’on n’a qu’une chance de faire une bonne première impression. Les gestionnaires de KTM doivent croire à ce proverbe, si on se fie aux efforts qu’ils ont déployés pour dessiner et tester la RC8 1190. Le travail sur la RC8 a commencé bien avant sa première apparition publique au Tokyo Motor Show en 2003 et n’a pas arrêté depuis.

Originalement prévu pour être un bicylindre de 999 cm3, le moteur de la RC8 est une évolution du moteur original de 942 cm3 qui est encore utilisé sur la 950 Supermoto. Dès le début, les ingénieurs ont opté pour un espacement des cylindres de 75 degrés, car cela offrait le meilleur compromis entre l’équilibre parfait (mais longueur encombrante) d’un espacement à 90 degrés, tout en laissant assez de place pour les gros pistons et le système d’admission sans nécessiter d’équilibrage majeur, trois critères qui désavantagent les moteurs à faible angle d’espacement. Les deux arbres d’équilibrage rendent le moteur plus doux et permettent d’utiliser un châssis plus léger (puisqu’il n’a pas besoin d’être renforcé pour résister aux vibrations). Le moteur utilise deux arbres à cames par cylindre, entraînés par chaîne, pour activer ses huit soupapes avec des culbuteurs. Les culasses ont été complètement redessinées. Les nouvelles dimensions internes du moteur de 1 148 cm3 sont maintenant de 103 par 69 mm, au lieu de 100 mm par 60 mm pour le moteur de 942 cm3.

La lubrification à carter sec réduit les pertes de friction tout en conservant les dimensions compactes du moteur. Le vilebrequin est forgé et fixé par des roulements ordinaires. Les bielles sont aussi forgées et les pistons à tête plate permettent d’obtenir un taux de compression de 12,5:1. L’admission se fait au travers de deux corps d’admission Keihin de 52 mm et d’un injecteur unique par cylindre qui fonctionne en boucle fermée. L’échappement placé sous le moteur abaisse le centre de gravité tout en fournissant le grand volume requis pour réduire le son et assurer un bon écoulement. Le résultat final est un moteur léger (62 kg) qui offre une puissance impressionnante.

L’expertise de KTM pour la fabrication de châssis en chromoly tubulaire est ici mise de l’avant. Le châssis de la RC8 se compose de tubes de différentes tailles pour offrir une structure rigide possédant l’équilibre entre la flexibilité et la rigidité requis pour une meilleure tenue de route. La suspension est gérée par des composantes ajustables WP de première qualité et le freinage est confié à des composantes Brembo incluant un maître-cylindre radial avec des étriers radiaux monoblocs à quatre pistons qui pincent des disques de 320 mm. Le disque arrière de 220 mm est jumelé à un étrier flottant à deux pistons. Finalement, la RC8 pèse 198 kg tous pleins faits, prête à partir.

Les ingénieurs de KTM ont fait appel aux derniers logiciels disponibles pour non seulement concevoir mais tester leur nouveau porte-étendard. La technologie analyse par éléments finis (AEF) a été utilisée pour le développement et a permis d’économiser de précieux grammes sans compromettre la résistance ou la durabilité. Un certain nombre de tests ont aussi été faits pour découvrir d’éventuels problèmes avant que la moto soit entre les mains des clients. Par exemple, des prototypes ont été soumis à 150 heures continues de fonctionnement. La modélisation informatisée variait la vitesse, changeait les rapports, etc., pour simuler l’équivalent de 70 000 km d’utilisation. Les motos étaient ensuite démontées et analysées pour évaluer l’usure, après quoi les moteurs étaient soumis à des essais additionnels et des tests sur dyno pour encore 200 heures avant d’être à nouveau démontés et mesurés.

Depuis la présentation de la RC8 il y a cinq ans, l’attente a été longue pour les clients désireux de se procurer cette moto, mais ce temps a été bien utilisé par KTM. 

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