Ducati Desmosedici RR, première MotoGP de course homologuée pour la route

Par Roland BrownPublié le

L’occasion de piloter cette moto qui est une réplique en version homologuée pour la route de la Ducati MotoGP V4 de 990 cm3 était plus qu’excitante. Pendant ses quatre saisons de course, la Desmosedici de 990 cm3 a gagné sept courses et elle était généralement la moto la plus rapide en ligne droite jusqu’à son retrait après la victoire de Troy Bayliss à Valence dans la dernière course de la saison 2006. Bien entendu, vous n’êtes pas obligé de piloter la Desmosedici le plus vite possible tout le temps, encore moins avec l’habileté d’un Stoner ou d’un Capirossi, mais la pression reste présente, surtout sur ce beau circuit de Mugello en Toscane, qui est le berceau spirituel de la « Desmo Seize », non seulement parce qu’il est proche de Bologne, mais aussi parce que le V4 très puissant de cette moto de course a toujours excellé sur les longues lignes droites. C’est sur ce circuit qu’en 2003 Loris Capirossi a monté la Desmosedici à une vitesse maxi record de 332,5 km/h sur sa lancée pour une place sur le podium.

Ducati n’avait apporté que deux RR pour le lancement de presse. Elles tournaient sur le circuit à tour de rôle. Mon tour étant planifié pour l’après-midi, j’avais tout le temps pour stresser et pour examiner les détails qui rendent la Desmosedici RR non plus seulement exotique, mais carrément exceptionnelle. La Desmosedici semblait tout à fait chez elle dans les puits, revêtue de ses chauffe-pneus; ses accessoires de route tels que les phares étroits et les rétroviseurs contenant les clignotants semblaient ne pas affecter son allure de moto de course provenant de son carénage rouge et blanc et de son tableau de bord numérique typique d’une moto de course.

Le grand moment est arrivé. Les mécaniciens retirent les chauffe-pneus et démarrent la RR que je vais piloter à la simple pression d’un bouton sur le guidon bracelet droit (contrairement à la vraie moto de course qui démarre avec des rouleaux situés sous la roue arrière). Elle part instantanément avec un son très présent, le jappement grave d’un V4, mais un peu moins assourdissant que celui de la MotoGP dont je me souviens.

Sur la selle plutôt basse, le feeling est celui d’une moto de course avec une position de pilotage typique d’une moto sport chez Ducati. Le compte-tours numérique monte très rapidement dès que l’on ouvre les gaz. Après avoir tiré sur l’embrayage qui offre peu de résistance et avoir enclenché un rapport qui fait un léger clonk (la transmission à cassette à six rapports est étagée comme une moto de route normale), j’accélère jusqu’à la sortie des puits de Mugello et la moto prend ses tours en douceur à bas régime, mais semble plus ferme et enjouée qu’une moto sport normale.

J’avais l’impression d’être dans un film lorsque j’ai quitté les puits et que je me suis retrouvé seul sur le circuit de Mugello; c’était un véritable délice de constater que la moto était si maniable que je pouvais la coucher dans le virage de San Donato dès la première fois en toute confiance. Avec un poids à sec de 171 kg (18 kg de plus que la GP6 de course), la RR est légère, mais pas hyper légère selon les standards des motos sport actuelles. Mais la réponse de la direction est immédiate et précise comme un scalpel, et la réponse à l’accélérateur ouvert à fond est également instantanée, à vous en couper le souffle.

Avec une puissance annoncée de 200 ch, je m’attendais à ce que la Desmosedici me semble rapide, mais ce fut tout de même un choc de sentir la moto s’élancer comme une fusée en montant la côte vers la chicane gauche droite Luco, après avoir tordu la poignée des gaz. Au-dessus du compte-tours, il y avait un trio de lumières rouges qui clignotaient alors que le régime s’approchait de la limite des 14 000 tr/min. La Ducati a monté ses rapports rapprochés si rapidement que j’avais à peine le temps d’y jeter un coup d’œil, et j’ai donc atteint la coupure de surrégime quelques fois avant de m’habituer à changer de régime au son, et à garder mon pied constamment prêt à opérer au-dessous du sélecteur de vitesses.

Pour une telle moto, c’est-à-dire une moto quasiment de course, la Desmosedici offre une large plage de couple. Cette caractéristique, combinée avec la réponse précise du système d’injection Magneti Marelli, m’a amené à quelques reprises en sortie de virage avec un rapport de trop, surtout pendant les premiers tours. Malgré mon erreur, la D16RR sortait de virage à une vitesse féroce. Je suis certain qu’elle aurait aussi tout le couple nécessaire pour dépasser la circulation normale sur la route sans effort, mais avec si peu de temps sur la piste, je n’allais pas commencer à évaluer ses reprises sur le dernier rapport à partir de 5 000 tr/min…

La Ducati semblait très rapide partout sur le circuit de Mugello, mais bien sûr en particulier sur la longue ligne droite. C’était une sensation fantastique de se rentrer dans la moto et de monter les rapports en sentant le V4 se délier les jambes pendant que la vitesse atteinte par la moto, selon le Ducati Data Analyser (qui, comme le système similaire de la 1098, enregistre la position de l’accélérateur, la température du moteur, le régime moteur et la vitesse pour les afficher sur un PC), serait affichée plus tard comme étant de 302 km/h. C’est plus rapide que ce que j’avais atteint avec la moto d’usine sur la ligne droite plus courte de Valence, et il y avait encore mieux à venir, puisque j’ai fini par arriver près des 320 km/h.

Le freinage de la vitesse maxi au premier rapport pour le virage San Donato était un excellent test pour les freins. Le système Brembo Monobloc de la RR du style de celui de la 1098 s’est très bien acquitté de la tâche avec puissance, précision et sans aucun adoucissement dû à la chaleur. Plus cette moto est pilotée rapidement, mieux elle réagit, en raison de la rigidité de son châssis et de la qualité de sa suspension qui était réglée « selon ce qui se fait actuellement en MotoGP » et réagissait très bien ainsi. La direction était plus remarquable pour sa neutralité que pour son ultra rapidité et la D16RR nécessitait une impulsion franche sur le guidon pour passer à travers les quatre chicanes de Mugello. Mais elle répondait si bien, supportée en cela par l’adhérence exceptionnelle de ses pneus Bridgestone BT-01 super collants, que je ne peux pas imaginer une moto de route plus rapide.

Le seul léger inconvénient, si j’ose dire, est l’inévitable impression que votre pilotage n’est pas à la hauteur de la moto qui offre des performances proches d’une MotoGP. Cela dit, il est certainement préférable de ne pas être trop téméraire quand vous n’avez que cinq tours à faire sur un circuit que vous connaissez à moitié avec une moto qui vaut 85 000 $. Elle vous force à vous dépasser, et si vous y parvenez, vous obtenez la plus belle expérience de pilotage que vous n’ayez jamais eue. La vitesse, le feeling et le son de la RR sont très proches de ceux de la véritable Desmosedici de course, tellement qu’aucune autre moto de production ne peut l’approcher, tant pour les sensations que pour le chronomètre. Son propriétaire peut tout de même la piloter pour se rendre au travail, magasiner ou aller en vacances (préférablement avec un bon système antivol). Ducati a décidé de mettre son missile sur la route et c’est ce qu’il a fait avec succès. Le résultat est une moto absolument phénoménale.

Comme celui de la D16 GP6 de 2006, le moteur de la D16RR a un angle de 90 degrés, des dimensions internes de 86 x 42,6 mm, l’ordre d’allumage à double impulsion (le vilebrequin étant décalé de 70 degrés d’un cylindre à l’autre), la transmission à cassette à six rapports et un embrayage à glissement limité. Bien que la plupart des composantes aient été révisées pour un usage sur la route, l’architecture générale incluant l’agencement desmodromique des soupapes est très similaire aussi. Les soupapes et les bielles sont en titane, et certaines pièces, dont les culbuteurs, sont finies avec un haut niveau de précision afin de réduire la friction. Les arbres à cames sont entraînés par engrenage et le vilebrequin est en acier forgé d’un seul morceau. Le carter et la culasse sont en aluminium moulé tandis que les couvre-moteurs sont en magnésium – moulé pour les pièces structurales et  pressurisé pour les pièces non structurales.  Le moteur est beaucoup plus compact que les bicylindres en V de Ducati : moins haut de 30 mm et plus court de 47 mm que le moteur 1098, par exemple, mais le quatre cylindres est plus large de 17 mm.

L’injection est fournie par quatre corps d’admission Magneti Marelli de 50 mm avec des injecteurs à 12 trous, avec des conduits d’admission très droit. À l’autre extrémité du moteur, l’échappement est un 4 en 2 en 1, muni d’un convertisseur catalytique puis un unique silencieux sous la selle. En remplaçant le catalyseur et le silencieux avec le kit de course, la réduction de poids est de 4,5 kg et l’augmentation de puissance est de 12 ch (de 188 ch à 200 ch) au régime maxi de 13 800 tr/min. Le couple maxi d’origine est de 85,3 lb-pi à 10 500 tr/min.

Le moteur fait partie du châssis, qui est basé sur un treillis en métal dont les tubes sont faits d’une combinaison de quatre différents diamètres et épaisseurs. L’angle de chasse peut être ajusté entre 23,5 et 24,5 degrés avec la tête de fourche à excentrique (comme sur la 916); l’empattement est relativement long avec 1 430 mm (identique à celui de la 1098 mais plus long que celui de la GP6) afin d’offrir une bonne stabilité en accélération. Avec un poids de 7,2 kg, le châssis de la RR pèse 1,8 kg ou 20 % de moins que celui de la 1098, bien que sa rigidité torsionnelle soit plus élevée de 80 %. Au total, le châssis de la RR est beaucoup plus proche de celui d’une MotoGP que de celui d’une autre moto de route. La forme du carénage en fibre de carbone est typique de la moto de course Desmosedici.

La D16RR offre aussi la suspension la plus sophistiquée que nous ayons vue sur une moto de route. La fourche Öhlins FG353P de 43 mm est la première sur une moto de production à offrir l’amortissement pressurisé fourni par les réservoirs situés en bas de chaque tube de fourche. Elle est ajustable pour deux types de compression, tout comme pour le rebond et la précontrainte. Il y a aussi un amortisseur de direction ajustable Öhlins.

Öhlins fournit aussi l’amortisseur arrière, qui est positionné verticalement au-dessous du bras oscillant, le bas étant fixé au moteur avec une plaque en aluminium forgé. Les pilotes qui recherchent le réglage parfait peuvent choisir parmi 20 ajustements pour la compression à basse vitesse, 48 pour la compression à haute vitesse et 25 pour le rebond, tout en ajustant la précontrainte et la hauteur de la moto. Le bras oscillant en aluminium est très rigide, pesant 10 % de plus que celui de la 999, tout en fournissant 35 % de plus de rigidité torsionnelle. Un grand trou permet le passage du tuyau d’échappement.

La D16RR est munie de roues Marchesini en magnésium forgé, la roue arrière étant une énorme 6,25 pouces de large de style MotoGP. Bridgestone a développé un pneu BT-01 spécifique pour la Desmosedici, avec une gomme super tendre et des flancs hauts de style course. La compagnie japonaise s’apprêtait à suivre la mode des pneus 16,5 pouces en MotoGP, mais les réglementations américaines sur les pneus l’en ont empêchée et elle a donc choisi un compromis avec un pneu de 17 pouces à l’avant et un 16 pouces de largeur 200 à l’arrière.
 
Le système de freinage est aussi unique, car la RR est la première moto de route à offrir un ajustement à distance du maître cylindre radial, comme en course : un tube rejoint une molette sur le bracelet gauche. Le freinage avant est assuré par les mêmes disques de 330 mm et étriers Monobloc utilisés sur la 1098.

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