Jeff Boudreault, l’acteur aux nombreux films et séries, dont District 31, en a dit un peu plus à Jean Paré sur son voyage de deux mois qu’il effectue en grande partie sur des sentiers de gravelle aux États-Unis entre le Colorado et la Californie, avec un retour par la Route 66, Nashville et Memphis. D’origine autochtone, Jeff a puisé dans ses racines pour bien décrire en un seul mot son périple : Piekukam!
JP : Raconte-nous tes préparatifs.
Jeff : La moto est partie au Colorado, livrée par America Moto, super bon service. J’ai été visité son entreprise, ils sont bien installés. Moi, j’ai pris l’avion le 24 juin pour récupérer la moto.
JP : Il y a deux ans, tu me disais que tu voulais faire un road trip à 50 ans. Tu as devancé, tu as 48 ans, pourquoi ?
Jeff : C’est ma blonde qui m’a donné l’idée. La pandémie a été dure pour tout le monde. « Si tu as envie de le faire, pars avant, n’attends pas. » OK !
JP : C’est quoi l’idée de faire les sentiers américains, pendant deux mois ? Habituellement les gens partent sur un temps plus court, la Route 66, la 1 en Californie, les canyons ?
Il y a trois ou quatre ans, j’ai découvert qu’il existait des sentiers là-bas, un peu comme la TQT (Trans Québec Trail). Ce n’étaient pas des sentiers fédérés, mais des tracés bien définis, clairs, nets et précis ! Ça s’appelle les Backcountry Discovery Routes, les BDR, Je me suis dit : ça pourrait être cool !
JP : Tu t’en vas avec quel genre de moto ?
Jeff : Une KTM 890R 2021 qui vient de KTM Canada. Cette moto a une histoire. C’est la KTM qui a été utilisée par Charles-Edouard Carrier dans la série Nomades à Moto. C’est mon partenaire majeur, Marc Fontaine de Touratech, qui me l’a trouvée. Moi je partais avec mon Yamaha T7 et je voulais juste l’équiper. Je savais que j’avais beaucoup de choses à acheter et je voulais juste un rabais de Touratech.
Mais quand j’ai dit à Marc que je partais avec du matériel vidéo pour filmer, des caméras, un drone, il m’a demandé pour quelle utilisation. Je ne le savais pas vraiment, rapporter des souvenirs, faire un documentaire, une série, des chroniques ? À voir.
Alors Marc a dit qu’il avait le goût de me commanditer. « C’est le genre de trip que je ferais si je n’avais pas toute ma charge de travail, j’embarque ! » Non seulement il m’a commandité sur les pièces Touratech, mais il m’a dit : « J’ai appelé Adrien (le boss de KTM Canada) et je serai capable d’avoir une moto pour toi. » Je n’en demandais pas tant ! C’est Marc qui a acheté la moto avec l’aide de KTM Canada, qui devient partenaire de mon expédition.
JP : Partir deux mois, ça demande beaucoup de stock et de bagages ?
Jeff : Pas trop non plus, je veux être léger dans les sentiers. J’haïs ça être chargé comme une mule. Alors j’ai sélectionné. Ce qui prend de la place, c’est le matériel de tournage ! Ça demande quasiment une valise.
Mais ça vaut le coup. Avec le drone, je peux faire des plans sur la moto.
Mais attention, oui je vais filmer tout ça, mais je ne veux pas avoir l’impression de travailler.
C’est un trip que je veux faire pour moi-même. Je le dis en joke, c’est mon Compostelle à moto. Donc si je me rends compte que je travaille, ça ne marchera plus.
JP : Mais est-ce que tu t’es entraîné ? Tu pars seul, tout peut arriver, prendre un « flat » … Es-tu à l’aise avec ça ?
Jeff : J’ai choisi de partir avec des pneus sans chambre à air, tubeless, pour abaisser le risque de crevaison. Comme je pars tout seul, j’ai pris un téléphone satellite, pour avoir du réseau partout.
JP : Pourquoi tu pars tout seul ? On ne recommande pas d’être solitaire. Ça ne te tentait pas de partir avec des chums ?
Jeff : Deux mois c’est long. Il faudrait que je trouve un prof (rire). Et mes amis de motos d’avant n’ont plus de moto. J’aime ça partir avec d’autres, mais rouler tout seul, j’aime ça aussi. Tu roules à ton rythme, tu n’attends personne. Et j’avais le goût de me lancer ce défi. Et je suis en contact là-bas avec Jocelyn Snow. C’est une championne, elle roule en Aventure et elle est commanditée par plusieurs marques. Elle peut faire jouer la communauté. Je vais m’inscrire sur des sites aussi pour recevoir de l’aide si besoin. Michel Barrette a voyagé là souvent aussi (pas en off road). On a chargé une application, Zenly, pour connaitre nos positions. Comme ça on sait où on est, et s’il y a un beau spot pas loin, on peut se l’écrire. J’aurais aimé qu’on se retrouve là-bas, mais il est revenu au Québec.
La seule affaire, c’est que je devais partir fin juillet à septembre, c’est moins chaud. Mais là, je suis vraiment dans le cœur de l’été. En Arizona et en Utah, la température monte à 46, 47 degrés Celsius. Ayoye ! À cette période de l’année, les motos double-usage ne roulent pas.
JP : Tu es habillé avec tes vêtements de moto ? Il faut un minimum de protection.
Jeff : Oui, et il fait tellement chaud, tu ne peux pas rouler sans protection. Si tu roules en manches courtes, tu vas brûler. Pire que ça, tu ne peux pas rouler la visière ouverte. Tu as l’impression de respirer dans un four à 500 degrés. Il faut boire. Beaucoup d’eau avec électrolytes dans un Camel Bag.
JP : Et la préparation physique ?
Jeff : J’aurais aimé ça m’entrainer plus. Les trois derniers mois, j’ai été dans le jus tout le temps. Mais je vais prendre quelques bonnes nuits de sommeil, je vais monter sur la moto et progressivement la forme va revenir. Le plus dur, c’est de remonter la moto quand tu l’échappes !
JP : Et mentalement, de rester deux mois tout seul, tu vois ça comment ?
Jeff : Je ne sais pas, je n’ai jamais été tout seul. Je suis avec ma blonde depuis trente ans. Les voyages que j’ai faits, je ne suis jamais parti plus que douze jours. C’est la première fois de ma vie. C’est un défi !
JP : Quelles régions vas-tu couvrir ?
Jeff : Je fais deux semaines au Colorado. Un ami m’a dit : « Tu pourrais rester deux mois, c’est tellement beau. » Ensuite, je pars en Utah, dans les BDR, neuf jours, le Moab. J’ai un chum, Guy, qui reste à Salt Lake City. Je vais aller à Bonneville à côté, voir le lac des records du monde de vitesse. Le Nevada, je ne vais pas m’attarder. Je connais Vegas, le canyon, je vais rester trois ou quatre jours. Puis je continue en Californie, pour une quinzaine de jours.
JP : Tu vas tout faire en hors route ? Ou mélanger ? Rouler sur l’A1 en Californie ?
Jeff : Je vais faire les deux. Je vais découvrir les BDR, les montagnes en arrière. Après je vais rouler sur toute l’A1 et il y a plein d’endroits où je veux aller : L.A, San Francisco que j’adore, Big Sur.
JP : Tu pars en camping ou à l’hôtel ?
Jeff : Les deux. Mais tu comprends que je ne veux pas que ça coute cent mille piasses. J’ai mon kit de camping, et si un moment donné je suis tanné, si je veux prendre une douche (rires), un bon lit, j’irai à l’hôtel.
JP : Et pour les pneus ?
Jeff : J’avais du MotoZ Tractionator, j’aime beaucoup, ça n’use pas. J’ai fait 6000 km avec et ils sont encore bons. Mais ils sont restés sur la T7 et je n’en trouve pas. Alors j’ai choisi le Mitas Dakar pour la KTM. C’est bruyant mais ça ne me dérange pas. C’est du 80/20. Ils sont raides, mais comme je suis chargé, c’est ce qu’il faut. La moto, c’est 500 livres, moi pratiquement 200, et j’ai 125 livres de bagages.
JP : Tu vas chercher la moto au Colorado, est-ce que tu reviens au Québec avec ?
Jeff : Oui, parce que je veux faire un bout de la Route 66 avec, je veux aller à Nashville (je n’y suis jamais allé), voir Robby Johnson qui est de là-bas. Je vais aller à Memphis visiter la maison d’Elvis. Et retour au Québec pour le 20 août.
JP : Merci Jeff pour toutes ces infos. Quand tu vas poster des infos sur Instagram, on les partagera sur les pages Facebook et Instagram de Moto Journal.
