Clockwork Motorcycles : Le bâtisseur d’art fonctionnel

Par Marc ParadisPublié le

Personnellement, je ne suis pas un amateur d’œuvres d’art. J’aime bien aller au musée (je suis justement dû pour une visite à L’Épopée de la Moto), mais je ne suis pas de ceux qui passent des heures à regarder un tableau. Pour ce qui est des motos, c’est une autre histoire. Observer les créations d’ateliers de modifications de motos comme celles de Samuel Guertin me font perdre la notion du temps. L’intégration des lignes, les subtiles modifications et l’inspiration nécessaire pour confectionner chaque projet me fascinent toujours autant. Souvent, les meilleurs préparateurs proviennent de milieux étrangers à la moto. Dans le cas présent, c’est du domaine de l’aviation (mécanicien d’hélicoptères) que provient notre sympathique barbu. Si les machines ornant ces pages vous semblent familières, c’est qu’en fait, vous les avez sûrement vues et touchées lors des derniers Salons de la moto de Québec et de Montréal. Il était aussi parmi les créateurs visités par Youssef Berrouard dans son documentaire Les Vagabonds sur Deux Roues. Redonner une seconde vie à des machines qui ont souvent été oubliées pendant des décennies est en quelque sorte le carburant alimentant l’esprit créatif de notre homme. Lorsqu’on parle d’art, voici mon genre d’artiste!

Samuel, d’où t’est venue l’idée de bâtir ton atelier de modifications de motos? Comment débuta Clockwork Motorcycles?
Tout a commencé avec un ami qui m’a vendu une Honda CX500 pour 300 $ il y a de ça quelques années. Avant même que les café racers soient quelque chose de connu de la masse au Québec. C’était ma première moto. Je n’avais même pas encore mon permis, mais je la trouvais tellement pas chère pour une moto qui fonctionne que ça m’a donné une raison pour aller la chercher! Je n’avais jamais été attiré par la moto auparavant parce que les motos offertes sur le marché ne me faisaient aucun effet! C’est quand j’ai commencé à faire des recherches sur ce que je pouvais faire pour rendre la CX plus belle que j’ai découvert tout un nouveau monde! Mon bagage de mécanicien dans l’aviation était plus que suffisant pour me permettre de penser que je pouvais transformer cette moto en quelque chose de plus intéressant visuellement. C’est là que la passion a démarré! L’hiver suivant, j’en modifiais une autre pour un ami et l’autre d’après, j’en faisais une pour mon premier client (un ami aussi!). Après les trois premières, je me suis mis à recevoir des commandes. Plus que je pouvais n’en prendre avec mon travail en aviation! C’est alors que j’ai décidé de me lancer dans cette aventure à temps plein! Depuis trois ans, l’atelier roule à fond et les commandes viennent souvent de plus loin que le Québec (New York, L.A., Europe)!

Quels étaient tes outils à tes débuts?
J’ai été chanceux pour ça parce que j’étais déjà bien équipé en raison de mon ancien travail! J’avais de bonnes bases mécaniques, il ne me restait plus qu’à apprendre à travailler le métal et la soudure. J’ai alors investi dans de plus gros outils (soudeuse au TIG, tour horizontal, etc.).

Comment t’approvisionnes-tu en « matière première »?
Souvent, le client m’apporte la moto pour le projet, mais il m’arrive souvent aussi d’avoir à en dénicher une. Avec les années, j’en suis venu à savoir où elles sont cachées, mais les bonnes vielles « petites annonces » sont encore utiles!

Est-ce que tu peintures toi-même tes motos?
Je fais beaucoup de peinture moi-même sur les projets, moteurs, pièces, etc., mais je laisse les réservoirs à un pro. Être peintre est un métier en lui-même et je veux toujours le top pour mes projets! J’ai beaucoup de difficulté à faire confiance aux autres en ce qui a trait à mes réalisations, mais j’ai réussi avec le temps à trouver des gens qui avaient les mêmes standards de qualité que moi!

Quelles sont tes motos de prédilection pour tes projets?
Je fais souvent avec ce que le client m’apporte; j’aime les défis! J’ai fait beaucoup de quatre cylindres japonais dans le passé parce qu’ils sont communs et abordables au Québec. Si on parle de mes goûts personnels, je préfère le look d’un beau twin ou encore d’un monocylindre! Ces moteurs étant moins imposants, cela laisse plus de place à la création selon moi.

Comment qualifierais-tu ton style?
Difficile à dire. Les gens pensent au terme café racer quand ils voient une moto rétro custom, mais au vrai sens du terme, ce n’est pas toujours représentatif. Je ne suis pas le plus gros fan de café pur sang à la british. J’aime faire des motos qui mélangent un peu les styles. J’aime aussi les faire pour qu’elles soient agréables à conduire plus que 10 minutes en ligne, alors je ne suis pas fan de guidon de type clip-on. Ces temps-ci, je tire beaucoup mes inspirations des anciennes motos de flat track et des Scrambler vintage.

Côté moteur, quelles modifications apportes-tu?
Ça dépend toujours de la demande du client et du budget. J’aime bien refaire le moteur aux spécifications originales, ça fait des moteurs beaucoup plus fiables. Par contre, quand le client est conscient de ce que ça implique, c’est toujours agréable de booster les engins. Ça m’arrive souvent de faire des modifications comme des pistons oversized, cams de performance, valves plus grosses, etc. Mes projets sont aussi toujours accompagnés d’un système électronique moderne et d’un allumage électronique au goût du jour!

Comment déniches-tu tes clients?
J’ai soit été chanceux, ou soit les gens apprécient beaucoup mon travail, mais jusqu’à maintenant, je n’ai jamais eu à chercher pour des clients! Depuis presque le jour 1, je suis booké pour pratiquement un an à l’avance avec de futurs projets.

Quelles sont tes réalisations les plus, disons, farfelues?
J’ai fait des trucs qui choquent parfois les puristes, comme mettre des roues de 16 po de Harley à l’avant et à l’arrière d’un Honda CB750 ou incorporer une sissy-bar à même le cadre d’une Kawasaki Z1. Ah! Ah! Ah! J’aime bien pousser les limites et explorer d’autres avenues que celles ayant déjà été utilisées! Il n’y a rien qui me fait plus plaisir qu’un client qui me donne carte blanche avec une confiance aveugle!

Quelles sont les caractéristiques qui font que tes motos se démarquent de la masse?
Je porte une attention particulière aux lignes sur une moto. J’aime que le design esthétique coule bien d’un bout à l’autre et que tout soit à sa place. Je crois bien avoir un bon œil pour ça. Souvent, les projets que je vois sont constitués d’un paquet de pièces « boulonnées » ensemble, mais qui n’ont aucun lien les unes avec les autres. J’aime que mes projets puissent avoir l’air d’être sortis de l’usine comme ça, même s’ils sont extrêmement modifiés.

Par où commences-tu un projet?
Je commence toujours par enlever ce que je n’utilise pas. C’est-à-dire pas mal tout sauf le cadre et le moteur! Une fois la structure exposée, je peux voir ses lignes et créer quelque chose de nouveau à partir de celles-ci.

Combien de temps investis-tu en général sur chaque moto?
Ça peut varier beaucoup dépendamment de la complexité du projet et du budget accordé pour celui-ci. Je dirais en moyenne entre 300 et 500 heures pour un projet complet.

Est-ce que tu as déjà refusé une commande?
Ça m’est arrivé, oui. Parfois, les clients me demandent de reproduire exactement une moto que j’ai faite dans le passé. La réponse est tout de suite non! Ah! Ah! Ah! J’aime la partie création plus que tout et l’idée de reproduire le même projet deux fois n’est pas intéressante. De plus, celui pour qui j’ai fabriqué la moto à l’origine est venu me voir pour une moto unique; ça ne serait pas très juste de la reproduire! Je dis non aussi à ceux qui m’apportent une photo d’une moto faite ailleurs dans le monde par un autre atelier et qui me demandent si je peux la reproduire.

Quelle est la réalisation qui te rend le plus fier?
Je dirais toujours : la dernière! Mon but est de toujours évoluer et de m’imposer constamment de nouveaux défis.

Qui sont tes clients?
Ils entrent souvent dans deux catégories, soit le jeune professionnel qui ne trouve rien à son image sur le marché et qui veut quelque chose d’unique et plus wild, soit le passionné ou nostalgique de motos antiques et modifiées! Mais vraiment, il y en a de toutes sortes, c’est difficile de tous les mettre dans le même panier!

Combien un client doit-il s’attendre à débourser pour acquérir l’une de tes motos?
Ça dépend toujours de la complexité du projet, de l’ampleur des modifications voulues et de l’état de la moto au départ, mais en général, il faut prévoir entre 10 et 20 000 $ pour un projet complet.

Une dernière question, et non la moindre : d’où t’est venue l’idée du nom Clockwork Motorcycles?
La principale raison, c’est que j’aime comment ça sonne. Ah! Ah! Ah! Mais ce que je fais est probablement aussi un mix entre l’univers déjanté de Stanley Kubrick (Clockwork Orange) et du travail d’horloger! Ah! Ah! Ah!

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