Baudouin Deville, créateur des séries Rider on the Storm et Continental Circus

Par Marc ParadisPublié le

Après les livres de contes pour enfants, nos premières lectures, lorsque nous étions au primaire, se constituaient majoritairement de bandes dessinées. Qui n’a jamais lu un Tintin, Astérix ou encore Lucky Luke? Une fois le tour de ces classiques fait, les jeunes en manque d’émotions fortes se réfugiaient soit dans des séries western, de science-fiction ou encore du monde des courses. C’est ainsi que je découvris Michel Vaillant et du même coup, les disciplines moto dans le numéro Rodéo sur 2 roues. Les motos y étaient dessinées avec soin, mais celles fictives ne m’accrochaient pas plus que ça (le fait que l’album date de près de dix ans n’aidait pas non plus!). Vint ensuite le classique Joe Bar Team, ce que je considère comme une version moto de Gaston Lagaffe. On y reconnaît les motos, mais elles font vraiment cartoons. Avec Continental Circus et tout récemment, avec Rider on the Storm, Baudouin Deville pousse à l’extrême le concept de BD moto réaliste. J’ai eu la chance de lui poser quelques questions…

D’où vous vient votre passion pour la BD?
La Belgique est une terre d’illustrateurs et de bédéistes. Je suis tombé dans la BD comme Obélix dans la potion magique… Plouf! D’un coup! Vers 8 ou 9 ans, j’ai reçu un album de Boule et Bill de Roba et j’ai été immédiatement conquis! Je serai un jour dessinateur de BD! Plus tard, la découverte de mes glorieux aînés (Hergé, Jacobs, Hubinon, Franquin, Tillieux, etc.) renforça cette envie. Et toute mon enfance, je dessinais, je dessinais…

Êtes-vous amateur de motos?
Oui, bien sûr. De là mon envie de raconter le destin de grands champions de vitesse pure des années 60-70. J’ai publié un album Continental Circus en 2011, album dédié à la carrière de pilotes de légende (Agostini, Saarinen, Sheene, Pons, Read, Findlay, etc.). (1)

Il faut dire que j’ai croisé certains de ces pilotes dans les années 70. À l’époque, le risque était grand en course. Rouler à 200 km/h sur une piste bordée de rails n’était pas sans danger. Giacomo Agostini aime à répéter qu’à la fin de chaque saison, cinq ou six de ses concurrents manquaient à l’appel… Plus rien à voir avec la course actuelle même si le risque subsiste. Tommy Robb, pilote irlandais, en activité dans les années 1957-1973, raconte : « Aujourd’hui, les pilotes de MotoGP ont exigé tellement de mesures de sécurité que, quand ils tombent, ils se relèvent simplement et donnent un grand coup de pied rageur à leur moto. Dans notre temps, on était emportés en civière! »

Quelles ont été vos inspirations dans le domaine?
Le Joe Bar Team pour l’ambiance, même si le style est plus humoristique, tous les albums moto de Jean Graton et notamment sa série moto Julie Wood.

Est-ce qu’on peut vivre du septième art uniquement dans le domaine de la moto en 2017?
Non, on ne peut pas en vivre à moins de travailler jour et nuit! Plus sérieusement, je multiplie les casquettes. Dessinateur de BD, illustrateur publicitaire… et gérant d’une agence Web qui me fait vivre!

BD historique ou de fiction, laquelle est la plus inspirante à créer?
La fiction permet plus de choses. La BD historique impose de respecter l’histoire. Mais finalement, je me suis autant amusé à dessiner Continental Circus que la série de fiction Rider on the Storm. La fiction permet de tout imaginer, de tout créer et de ne devoir rien à personne.

Quelles sont vos références lors de vos reconstitutions? Des photos, vidéos, des bandes audio? Ou un peu de tout?
J’utilise énormément de matériel (vidéos, photos, illustrations techniques, reportage sur des manifestations de motos anciennes, etc.). La documentation est primordiale. Impossible de dessiner une Suzuki GT 750 sans l’avoir à peu près sous les yeux. J’utilise aussi des maquettes extrêmement fidèles comme la série de motos produites par Minichamp et qui sont des merveilles. Il y a aussi les films comme Continental Circus de Jérôme Laperrousaz ou Le Cheval de fer de Pierre-William Glenn.

Avez-vous des collaborateurs?
Parfois, je fais des collaborations avec des scénaristes (Géro pour Rider on the Storm). Généralement, je travaille seul (scénario, dessin, couleur). Il faut dire que je suis graphiste de métier et que je maîtrise tous les logiciels de la chaîne graphique, ce qui me permet de fournir des fichiers prêts à l’emploi à mes éditeurs.

Avez-vous modifié votre style depuis vos premiers albums?
Oui, évidemment. Peu de choses relient encore mon premier album et celui que je dessine actuellement. La technique a changé. Au début, je travaillais au feutre, puis j’ai testé autre chose : le crayonné scanné et puis directement mis en couleur. Actuellement, je suis revenu à une technique plus classique (crayon — encrage à l’encre de Chine). Cela permet un dessin plus précis et cela me convient mieux.

Vos dessins de motos sont des plus réalistes. De quelle façon vous y prenez-vous pour arriver à un tel résultat?
Une bonne documentation. Après, c’est le travail de la couleur, très important. Je pense que c’est le fruit de l’expérience. Jadis, je mettais un temps fou à coloriser une page ou une illustration. Actuellement, la couverture de l’intégrale Rider on the Storm chez Paquet avec cette belle Kawa 750 H2 m’a demandé moins d’un jour de travail. Je pense que j’en aurais mis deux ou trois il y a quelques années. Chaque dessinateur a ses trucs. Rendu du métal, du tissu, du caoutchouc… (2)

Quelle moto trouvez-vous la plus difficile à dessiner?
Aucune particulièrement. Elles ont toutes leur côté amusant. J’ai un faible pour les motos des seventies. Design très réussi. Réservoir goutte d’eau, pots chromés… Pour moi, les plus belles motos construites. On ne s’y trompe pas; il suffit de regarder les cotes d’occasion de ces machines. Elles sont très recherchées. J’ai moi-même une belle Kawasaki 400 KH de 1976, un trois cylindres deux temps, qui fait partie de la légendaire famille des Triples.

Je trouve les motos des années 80 aussi intéressantes, quoique plus carrées. Les motos actuelles me séduisent moins et je les dessine peu, si ce n’est les néo-classiques.

Comment avez-vous réussi à convaincre un éditeur qu’une BD historique sur la moto avait une niche?
Je voulais allier deux passions, la BD et la moto, et ça me tournait en tête. J’ai commencé à imaginer des planches uniques sur des anecdotes de courses de pilotes de légende. J’ai réalisé deux planches (une sur Giacomo Agostini et une sur Jack Findlay) et les ai proposées à deux magazines français… qui ont accepté tous les deux! J’ai signé avec Moto Revue Classic. Christophe Gaime, le rédacteur en chef m’a demandé de concevoir des récits de plusieurs pages retraçant la carrière de grands pilotes. J’ai commencé un « 8 pages » sur Agostini qui a été prépublié dans Moto Revue Classic en 2008. J’ai continué en retraçant les carrières de Jarno Saarinen, Jack Findlay, Barry Sheene, Patrick Pons… La série a été aussi prépubliée en Belgique dans Moto Pulsion, en Grande-Bretagne dans Classic Motorcycle Mechanics et en Suède dans Classic Bike Sweden. Puis, l’éditeur suisse Pierre Paquet est entré dans la danse en me proposant de réunir toutes ces histoires et d’en faire le premier album de la nouvelle collection moto Carénage. (3)

Avez-vous déjà roulé les motos que vous mettez en scène?
Oui, évidemment! Sur les Kawa Triple, Honda CB750 Four, Kawa 900 Z1. En fait, il y a juste la MV Agusta 350 apparue dans le tome 3 de Rider on the Storm que je n’ai pu rouler… Allez! Cela arrivera bien un jour!

Continental Circus s’est vu octroyer le Grand Prix 2011 BD Moto du Festival de Saint-Dié-des-Vosges. Ça a dû vous faire un petit velours une telle reconnaissance?
Oui et ce sont des motards qui me l’ont décerné et plus particulièrement Frank Margerin, grand motard devant l’Éternel. Très heureux de ce prix pour mon premier album, même si j’en vois maintenant certaines faiblesses.

Comment fait-on connaître une nouvelle BD aux nouvelles générations, qui raffolent beaucoup moins du papier que leurs ancêtres?
Heu… Je n’en sais rien… enfin si. J’utilise énormément les réseaux sociaux et Internet au sens large (blogue, sites, etc.). Il y a aussi des séances de dédicaces qui me permettent de rencontrer un large public amoureux de la moto. Je remarque lors de ces séances qu’elles rassemblent toutes les générations. Celles qui ont connu ces époques et celles qui les découvrent… Il y a aussi tout le travail de promotion effectué par l’éditeur. Le livre reste toujours fascinant pour le lecteur. Actuellement, ce sont de beaux objets et, en plus, on peut se les faire dédicacer. Sur tablette ou PC, ça a moins de charme.

Créer des motos (être designer) ne vous a jamais traversé l’esprit?
Non. C’est un autre métier et je ne me sens pas intéressé par cet aspect des choses. Je préfère revisiter le passé.

Croyez-vous rester dans l’historique? Dit autrement : pouvons-nous espérer un jour une BD sur les actuels acteurs du championnat MotoGP?
Le tome 2 de Continental Circus est en chantier. Il suivra les carrières de pilotes français des années 70-80. Il est quand même possible que j’y incorpore Johann Zarco, le double champion du monde Moto2…

Il est vrai que si j’en avais la demande, une belle BD sur Rossi m’amuserait…

(1) http://www.paquet.li/bd/catalogue/34-continental-circus-1

(2) http://www.paquet.li/bd/catalogue/2137-rider-storm

(3) http://www.paquet.li/bd/collection-carenage

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