Victory, à petits pas d’avant

Par Michel GarneauPublié le

Dix ans après ses débuts en moto, les choses vont de mieux en mieux pour Victory.   Pour un géologue, dix ans, c’est une nanoseconde. Mais pour une compagnie qui tente de se faire une place dans le marché nord-américain compétitif et lucratif des cruisers, c’est très long (comme l’ont montré les nombreuses tentatives qui ont échoué pour faire revivre la marque Indian). Polaris Industries, basé au Minnesota, était déjà un joueur établi dans les marchés de la motoneige et des VTT lorsqu’il a lancé sa division Victory il y a dix ans pour capitaliser sur le segment des cruisers en rapide croissance. Commençant par la V92C avec son style plutôt étrange, la gamme compte 15 modèles pour 2009 et la compagnie pense vendre sa 50 000e moto dans les mois à venir. Pour survivre là où beaucoup d’autres ont échoué, il aura fallu une approche marketing méthodique comprenant beaucoup d’images nationalistes (comme le slogan « La nouvelle moto américaine » et le moteur « Freedom »), ce qui semble un facteur d’achat important dans ce segment, et certainement encore plus important, des produits polyvalents et fiables.

Le personnel de Victory est très fier d’avoir obtenu les meilleurs taux de satisfaction de la clientèle dans leur industrie durant les quatre dernières années, ce qui leur permet de continuer leur croissance malgré les conditions économiques difficiles qui ont sérieusement fait chuter les ventes de certains de leurs concurrents lors des deux dernières années. Il est vrai que Victory reste un petit joueur dans le marché des cruisers (surtout en se comparant avec Harley-Davidson), mais sa direction nourrit de grandes ambitions. Après une année 2008 bien remplie (qui a vu Victory lancer la Vision, son cruiser de tourisme), la compagnie a opté pour de simples évolutions en 2009, en orientant ses ressources (relativement) limitées sur l’amélioration des modèles existants (voir le numéro de Moto Journal de septembre-octobre pour plus de détails). Ayant assisté auparavant à la présentation de la gamme Victory 2009 au Art Center College of Design à Pasadena cet été, j’avais hâte d’essayer les nouvelles Victory dans la région de San Diego.

Après tout, les roues légères ne sont certainement pas le rêve des départements de publicité, mais n’importe quel préparateur moto vous dira que la plus grosse amélioration que vous pouvez faire dans la performance (dans le sens large de tenue de route, confort, freinage et accélération) d’une moto, c’est en réduisant le poids en mouvement, surtout le poids non suspendu. Les modèles les plus sportifs de la compagnie (la Hammer et la Hammer S), les cruisers haut de gamme (la Vegas Jackpot et la Cory Ness Signature Jackpot), bénéficient aussi de moteurs de plus grande cylindrée pour 2009. Basé sur le moteur Freedom 106/6 introduit pour la première fois dans la Vision l’an dernier, le 106 résulte d’une course allongée de 6 mm (108 mm au lieu de 102 mm), ce qui porte la cylindrée de 1 634 cm3 à 1 731 cm3. La nouvelle version du 106/6 arbore aussi de nouvelles cames qui augmentent la puissance à mi et haut régime. La puissance passe ainsi de 85 ch à 97 ch et le couple de 106 lb-pi à 113 lb-pi. Lorsque je monte à bord de la nouvelle Hammer S, le démarreur met immédiatement en marche le gros bicylindre qui trouve facilement son ralenti avec ses pulsations familières.

En tournant l’accélérateur, le moteur prend progressivement ses tours en raison du lourd volant d’inertie et de la came d’accélération progressive des papillons introduite l’an dernier pour adoucir la réponse à basse vitesse. Je me dis que la 2009 ressemble beaucoup à la 2008. Nous partons enfin à travers les rues de Del Mar pour rejoindre les autoroutes qui vont nous sortir de la ville. En partant des feux rouges et en négociant quelques virages à basse vitesse, je remarque que l’effet néfaste du pneu arrière de 250 mm sur la maniabilité à basse vitesse se fait toujours sentir. L’effort au guidon et l’inscription en virage demeurent identiques à ce dont je me souviens, ce qui est logique car l’effet gyroscopique réduit joue peu à basse vitesse. Par contre, les effets bénéfiques sur la suspension des roues plus légères se font tout de suite sentir et les deux roues répondent mieux aux imperfections de la route. On ressent mieux la surface de la route et ses changements, ce qui montre que la suspension fait le travail et que les roues suivent mieux la route. Le moteur a conservé ses bonnes manières à basse vitesse, mais la nouvelle Hammer a maintenant plus d’énergie au-dessus de 2 500 tr/min pour rejoindre rapidement la zone rouge.

Même si elle n’est pas encore menaçante pour la Suzuki M109 par exemple, la puissance additionnelle (et la meilleure réponse provenant de la réduction des masses en rotation) met la Hammer au même niveau que d’autres cruisers puissants comme le Raider de Yamaha. Hormis le moteur, la transmission ne change pas et son feeling industriel est toujours présent, tout comme le jeu dans la transmission lors des changements rapides d’accélération. Sur le sixième rapport démultiplié, le moteur tourne tranquillement à 2 000 tr/min pour 90 km/h et reste doux comme de la soie. Il est possible de dépasser sans rétrograder, mais il vaut mieux descendre d’un rapport si le moteur tourne à moins de 2 500 tr/min. Comme prévu, les nouvelles roues donnent un meilleur résultat à haute vitesse et la dernière Hammer répond plus rapidement aux impulsions de la direction. Bien qu’elle ne soit certainement pas au niveau d’une moto sport, l’inscription en virage est plus rapide, tout comme les transitions d’un côté à l’autre, et les petites routes se prennent plus facilement qu’auparavant.

L’absence de frein moteur contribue aussi à l’agrément de conduite et évite de risquer un blocage de la roue arrière en entrée de virage, comme s’il y avait un embrayage à glissement limité dissimulé dans les carters. Lorsque le rythme s’accélère, le frottement au sol des repose-pieds vous rappelle vite à la réalité, même si le châssis reste bien composé. D’accord, peu de propriétaires de cruisers risquent de pousser leur Hammer aussi fort qu’un groupe de journalistes excités, donc cela a peu d’importance. La Vegas est la prochaine en ligne et elle bénéficie aussi de jantes plus légères. À la différence de la Hammer, la Vegas conserve le Freedom 100/6 et l’accélération au-dessus de 2 500 tr/min n’est plus au rendez-vous. Cela dit, la réponse du moteur et l’accélération sont meilleures que sur l’ancien modèle en raison des roues allégées. Tout comme sur la Hammer, la tenue de route est aussi nettement améliorée et la Vegas tourne rapidement pour une moto équipée d’une roue avant de 21 pouces (même si le profil plus sportif du pneu arrière de 180/55-18 aide certainement à cet égard).

Notre avant-dernière rotation me met au guidon de la Vegas Jackpot. Comme la Hammer, la Jackpot reçoit le moteur Freedom 106/6 et la puissance additionnelle est bienvenue lorsque le rythme s’accélère, pour me propulser rapidement d’un virage à l’autre. Le large pneu arrière de 250/40 ralentit la direction, mais j’arrive tout de même à bien rouler dans la dernière section sinueuse avant d’arriver à Borrego Springs, notre destination pour le dîner, même si les repose-pieds qui frottent au sol me forcent à ralentir. Cela me permet de me concentrer sur la vue époustouflante du Sonoran Desert, avec ses rochers roux et ses pics qui se dessinent sur l’horizon. Étant situé vers le milieu de notre groupe, je remarque que le nouveau feu de frein qui se trouve sur la plupart des nouveaux modèles est beaucoup plus lumineux et visible que l’ancien, même dans le grand soleil californien de ce milieu de journée. Cela représente une amélioration pour la sécurité des pilotes et démontre l’attention aux détails et à la volonté de faire une moto d’utilisation quotidienne qui caractérise les améliorations continues de la compagnie.

La boucle de retour après le dîner me permet d’essayer la Vegas 8-Ball qui est équipée du pare-brise et des sacoches offertes en accessoires. Après avoir piloté des motos sans carénage toute la matinée, j’avais hâte de me cacher derrière une enveloppe d’air calme, mais ce ne fut pas le cas, car le flux d’air créait des turbulences qui faisaient bouger mon casque dans tous les sens. Pour aggraver les choses, nous roulons sur des portions de route ouverte à des vitesses de 110 km/h et plus. J’ai hâte de me retrouver sur des routes sinueuses et plus lentes et mes prières sont rapidement exaucées. Heureusement, le pare-brise n’altère pas les capacités de la 8-Ball en virage et je m’amuse de nouveau. Pour le dernier segment, je suis aux commandes d’une Vision Tour. Quasiment identique à celle de l’an dernier, je suis encore surpris de l’agilité de cette grosse machine. Malgré son volume et son poids (et le placement élevé de son coffre arrière), la grosse moto de tourisme offre une tenue de route déterminée, inspirant confiance dans les courbes de cette section de la Highway 79.

J’apprécie la garde au sol additionnelle de la Vision en comparaison avec ses consœurs cruisers, d’autant plus que je suis juste derrière notre guide. Le doux et progressif moteur 106/6 augmente le plaisir en me tirant fort des virages, quel que soit le rapport sur lequel la moto est engagée. Notre promenade nous ramène finalement sur l’autoroute. À cette vitesse, je ressens à nouveau les turbulences (bien moins tout de même que sur la Vegas 8-Ball), une situation qui persiste après avoir essayé différents ajustements sur le pare-brise électrique. Je mets en marche le régulateur de vitesse et apprécie son fonctionnement aisé. En arrivant en ville juste avant l’heure de pointe, mes jambes sont exposées à des doses modérées de chaleur du moteur. Bien sûr, il faut préciser que la température extérieure est de 34 °C (comme indiqué sur le thermomètre du tableau de bord) pendant que nous roulons dans la circulation. Nous arrivons dans le stationnement de l’Auberge Del Mar, ce qui signale la fin de notre journée. Pendant que je me dirige vers ma chambre, je ne peux m’empêcher de penser aux progrès que Victory a accomplis en seulement dix ans. Est-ce que 2009 sera la cinquième année consécutive pour une première place dans la satisfaction de la clientèle ? Cela se pourrait bien.

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