Triumph Tiger 1050, tigre de papier

Par Didier ConstantPublié le

Après avoir essayé de se mesurer à la GS de BMW  pendant des années, la Tiger a finalement baissé les bras et abandonné ses habits d’aventurière pour devenir une routière sportive mettant l’accent sur la polyvalence… toujours haute sur pattes cependant. Plus près, dans l’esprit, d’une Suzuki  V-Strom, voire d’une Ducati Multistrada, la Triumph cherche à séduire les pilotes sportifs à la recherche d’une moto plus  facile à vivre au quotidien que les hypersportives modernes.

« Il était temps que l’on arrête de prétendre que la Tiger était une monture double usage », déclarait un ingénieur de la firme de Hinckley lors du lancement de la Tiger 1050, à Marbella, en Espagne. Et il n’avait pas vraiment tort. De toute façon, ceux qui ont piloté l’ancienne Tiger n’ont pas été dupes et ont bien vu qu’elle n’était qu’un ersatz de GS. Elle  en avait le plumage, mais pas le ramage ! Aujourd’hui, oubliées les lignes rondouillardes de l’ancien modèle et son allure d’échassier ! Abandonnés aussi la roue avant de 19 pouces et ses pneus double usage à l’efficacité douteuse… La nouvelle tigresse possède un style nettement plus agressif et contemporain. Étriers de frein radiaux, fourche inversée, roue avant de  17 pouces, pneus sport-tourisme, section arrière tronquée : on voit bien que l’on a affaire à une vraie routière. De plus, dans la transition, la Tiger a subi une cure d’amaigrissement. Avec un poids à sec annoncé à 198 kg, elle a perdu plus de 17 kg, ce qui est énorme. D’autant que le centre de gravité a été abaissé. La réduction de capacité du réservoir à essence (de 24 à 20 L) joue un rôle important dans cette perte de poids. Et la différence est immédiatement perceptible quand on s’installe aux commandes. La nouvelle Tiger est plus vive, plus maniable, plus joueuse aussi. Les changements de direction n’exigent désormais qu’une faible poussée sur le large guidon tubulaire.

Par contre, je ne comprends pas pourquoi l’assise est toujours aussi élevée. La selle qui culmine à 835 mm est inutilement haute pour la majorité des pilotes, surtout pour une moto n’ayant aucune prétention au hors route. Elle est certes inférieure de 25 mm à celle de la Tiger de dernière génération (en position basse – contrairement au modèle précédent, la selle de la nouvelle Tiger n’est pas ajustable), mais est supérieure de 25 mm à celle de la Sprint ST. En revoyant la mission de sa Tiger, Triumph en a fait une moto 100 % routière qui a pour ambition d’être la moto d’Hinckley la plus polyvalente. La première chose qui a été éliminée sont les faux pneus double usage, remplacés par des jantes modernes de 17 pouces chaussées de gros pneus de sport-tourisme Michelin Pilot Road : 120/70 à l’avant et 180/55 à l’arrière. Triumph a ensuite procédé à l’élaboration d’un cadre périmétrique en aluminium plus rigide en remplacement de l’ancien cadre en métal. L’empattement a été réduit à 1 497 mm et la chasse a été ramenée de 26 à 23,2 degrés, le déport demeurant à 88 mm.

La nouvelle Tiger, qui se détaille 13 999 $ (la version ABS coûte 1 000 $ de plus), est propulsée par un tricylindre en ligne suralésé. La Tiger adopte le même moteur de 1 050 cm3 qui anime la Sprint ST et la Speed Triple. Sur la Sprint, la puissance attribuée au vilebrequin s’élève à 125 ch et ce nombre grimpe à 131 ch sur la Speed Triple. La puissance de 114 ch de la Tiger résulte d’une modification des soupapes d’admission et d’échappement dans le but d’accroître le couple dans la plage inférieure des régimes. Le couple maximal de la Tiger s’élève à 74 lb-pi à 6 250 tr/min, comparativement à 77 lb-pi à 7 550 tr/min sur la Speed Triple. Le couple a été accru par rapport à celui du modèle de 955 cm3 de l’année dernière, tout comme le régime moteur auquel le couple est délivré.

Un fauve docile… aux griffes émoussées !
Tête de fourche enveloppante, guidon tubulaire haut et large, cockpit accueillant, selle bien rembourrée, la Tiger vous met de suite à l’aise et vous invite à prendre la route. La position de conduite relevée de la Tiger est un bienfait inappréciable, permettant de voir assez loin devant et ainsi réagir aux aléas de la route. Cependant, l’assise est trop haute pour une moto de route. Avec les valises en place (notre moto d’essai en était équipée), monter et descendre de la machine est un exercice de style. Que l’on fait avec plus ou moins de grâce selon la longueur de notre entrejambe ! Un pilote de taille moyenne (1,75 mm) touche le sol de la pointe des pieds. Bien qu’il ait été réduit, le poids de la Tiger est haut perché, spécialement après avoir fait le plein. Les manœuvres à l’arrêt peuvent alors poser problème. De plus, quelques à-coups d’injection désagréables, surtout à la fermeture et la réouverture des gaz, viennent nuire à la souplesse incroyable du trois cylindres. Ces à-coups ont tendance à créer un déséquilibre dans les déplacements à basse vitesse.
La selle large, moelleuse et confortable incite aux voyages.
 
Sa section arrière est courte et inclinée. Néanmoins, elle offre une bonne assise au passager. Les repose-pieds placés plus bas que sur d’autres machines lui évitent d’avoir les jambes trop repliées. Le seul inconvénient que le passager ressent est dû aux poignées latérales de maintien qui sont trop fines, ce qui gêne leur préhension. La bulle très large du carénage enveloppant de la Triumph protège bien les épaules, mais elle s’avère trop courte pour la tête. Le casque est affecté par des turbulences importantes. En outre, la protection des jambes est inexistante.

Dès que l’on commence à rouler, la Tiger, une fois de plus, se cherche, doute de son identité et de ses capacités. La moto est stable, sûre, mais moins agile et moins précise que le laisse suggérer son aspect. Elle n’est ni une supermotarde, ni une sportive. Le décalage entre son allure et ses aptitudes créé rapidement une frustration chez le pilote qui aimerait attaquer sur les routes sinueuses, mais se fait rappeler à l’ordre par des suspensions qui ont du mal à encaisser les transferts de masse. La fourche a une tendance exagérée à plonger lors des freinages appuyés – c’est d’autant plus sensible que le freinage manque de progressivité – et l’arrière se tasse pendant les accélérations. On peut en partie effacer ce phénomène en durcissant le réglage de suspension au maximum (une preuve du manque d’amplitude des ajustements proposés), mais le confort en est immédiatement affecté, au point de nuire au plaisir de piloter. On regrette aussi le choix de la monte pneumatique d’origine. En effet, les Michelin Pilot Road sont conçus pour équiper des routières et bouffer de la borne, pas pour jouer les Rossi sur les routes secondaires. Dès que l’on attaque un peu, on rencontre vite la limite de leur adhérence…
Heureusement, le tricylindre reste enthousiasmant. Moins violent que sur la Speed Triple (dans le sens positif du terme, s’entend), mais très efficace et plaisant. La puissance de la Tiger semble effectivement plus linéaire et convient mieux à sa nouvelle vocation tout usage. Dommage que la démultiplication finale un peu longue gomme sa verve sur les deux derniers rapports, car pour le reste il est toujours aussi joueur et électrisant. La souplesse du trois cylindres est bluffante. Il tire fort à partir d’un régime aussi bas que 2 000 tr/min, sans broncher. Jusqu’à 6 500 tr/min, la puissance est importante et le moteur vous gratifie d’accélérations fulgurantes et de reprises franches. Puis, de 6 500 à 10 000 tr/min, début de la zone rouge, c’est un véritable feu d’artifice. Cette puissance est relayée par une boîte de vitesses dont les rapports se verrouillent bien et par un embrayage tout aussi onctueux.

Du bonbon !
Soit, la conduite sportive n’est pas la tasse de thé de la british. Mais qu’en est-il de ses aptitudes au voyage ? Là encore, on reste sur notre faim. Le confort du pilote est correct (plus grâce à la selle qu’aux suspensions), mais la protection est limitée. De plus, à moins de prendre les valises optionnelles, impossible d’arrimer le moindre bagage sur la machine. À noter, toutefois, la variété et la qualité des informations fournies par l’ordinateur de bord intégré. Le constructeur offre toute une panoplie d’accessoires, incluant des valises rigides, des sacs de réservoir, des poignées chauffantes, trois réglages de selle (plus haut, plus bas et plus confortable) ainsi qu’une béquille centrale.

Difficile équilibre !
La polyvalence n’est pas seulement une affaire d’allure, de choix de composants ou de design. C’est avant tout le résultat d’un équilibre parfait entre motorisation et partie cycle. La parfaite symbiose entre des impératifs souvent antagonistes. Le résultat d’une étude ergonomique poussée, coûteuse, certes, mais rentable sur le long terme. C’est aussi l’aboutissement d’essais et d’erreurs. D’heures passées à peaufiner une moto un peu brute de coffre pour l’amener à la perfection. Contrairement à la Speed Triple qui ne propose aucun accommodement – fut-il raisonnable – la Tiger est une moto de compromis qui tente le grand écart entre polyvalence, facilité de conduite, confort et performances. Elle ne parvient jamais à trouver sa vocation et évolue toujours entre deux eaux. Dans un rôle de routière, la Tiger pèche par des suspensions limitées, une protection perfectible et un manque d’aspects pratiques. Comme sportive, elle est handicapée par des pneus dont l’attaque n’est pas la vocation et un freinage qui manque de progressivité. Ce qui ne fait pas de la Tiger une mauvaise moto, mais une machine que l’on souhaiterait un peu plus aboutie, plus affûtée et avec un caractère mieux défini. On aime tellement son moteur et ses charmes à l’anglaise…   

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